Relaxe générale au procès de l’hormone de croissance, colère des familles

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La justice a relaxé mercredi les six médecins et pharmaciens accusés d'avoir provoqué par \"négligence\", dans les années 80, la mort d'une centaine de jeunes traités à l'hormone de croissance, faute d'avoir clairement établi que ces spécialistes connaissaient les risques.

Les familles des victimes, qui s’étaient relayées pendant le procès pour dire leur douleur, ont aussitôt crié leur „dégoût“ et leur „colère“ devant ce jugement du tribunal correctionnel de Paris, jurant de tout faire pour que les relaxés soient rejugés. Sept médecins et pharmaciens, l’un d’entre eux étant mort depuis, étaient accusés d’avoir commis de „graves fautes d’imprudence et de négligence“ dans le traitement de 1.698 enfants trop petits avec cette hormone, alors fabriquée à partir de l’hypophyse, glande crânienne prélevée sur les cadavres. C’est parce que certaines étaient infectées que des jeunes sont morts de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), après une longue et terrible agonie : un bilan qui s’élève aujourd’hui à 117 victimes mais devrait continuer à s’alourdir puisque la maladie tue toujours, son incubation pouvant dépasser les trente ans.
Une grande partie des débats avait porté sur l’état des connaissances scientifiques à l’époque : ces médecins auraient-ils dû savoir qu’ils faisaient courir des risques mortels aux enfants ? Deux Prix Nobel, dont l’Américain Stanley Prusiner, découvreur du prion, l’agent infectieux de la MCJ, avaient répondu non.
Le jugement fait donc valoir que la „synthèse“ des témoignages des experts „ne permet pas d’affirmer que les pédiatres, biologistes et pharmaciens qui participaient au cycle d’élaboration et de distribution“ de l’hormone, „avaient conscience à partir de 1980 (…) d’exposer les malades traités par ce médicament au risque de contamination par la MCJ“. Cela suffisait à faire tomber les accusations „d’homicides et blessures involontaires“ pesant sur l’ancien responsable d’un laboratoire de l’Institut Pasteur, Fernand Dray, l’ex-chef de service à la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) Marc Mollet, son supérieur Henri Cerceau, le haut-fonctionnaire Jacques Dangumeau, la pédiatre Elisabeth Mugnier et le médecin Micheline Gourmelen. Un septième prévenu, Jean-Claude Job, ancien responsable de l’association France-Hypophyse, qui gérait le traitement, est mort en octobre. Quant aux soupçons de „tromperie aggravée“, ils ont été écartés, faute de „lien contractuel“ établi entre les médecins et leurs patients. Ces subtilités juridiques sont passées au-dessus de la tête des familles des victimes, atterrées par cette relaxe générale concluant 14 ans d’instruction et quatre mois de procès. „La honte! Elle est belle la Justice! Bande d’assassins!“, criaient-elles à la sortie du jugement, expédié en dix minutes. „Pour nos enfants qui sont là-haut, pour nos époux et nos épouses qui sont décédés, on n’a pas le droit de laisser ça impuni“, lançait Jeanne Goerrian, présidente de l’Association des victimes de l’hormone de croissance (AVHC). Mais dans le droit français, les parties civiles ne peuvent faire appel que des intérêts civils, et seul le parquet, qui n’avait demandé que quatre peines avec sursis, a le pouvoir de relancer le procès. Me Bernard Fau, avocat des parties civiles, a donc annoncé qu’il demanderait à Rachida Dati „qu’elle ordonne au procureur de faire appel“. Le tribunal a quand même reconnu une responsabilité civile -pour laquelle aucune faute avérée n’est nécessaire- à Mme Mugnier et M. Dray qui paieront un peu moins de 500.000 euros à une poignée de familles pas encore indemnisées. Car, au nom de la solidarité nationale, l’Etat a déjà versé plus de 31 millions d’euros de dédommagements.