Les étudiants allemands en croisade contre le chamboulement des cursus

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Plus de 85.000 étudiants ont manifesté mardi dans toute l'Allemagne contre les chamboulements du système universitaire et technique liés à l'harmonisation européenne des cursus et pour réclamer de meilleures conditions d'études, selon les organisateurs.

 „Education gratuite pour tous!“, „De l’argent pour l’éducation, pas pour les banques“, „Pour des têtes bien faites et non bien pleines“, lisait-on sur les banderoles à Berlin, où 15.000 jeunes ont défilé. Amphithéâtres occupés, sit-in et sacs de couchage… la grogne touche depuis la semaine dernière des dizaines d’établissements. Et des actions ont eu lieu dans une soixantaine de villes mardi, avec des cortèges notamment à Munich (10.000 personnes), Wiesbaden (10.000), Cologne (5.000), Fribourg (6.000) ou encore Iéna (1.600). Les étudiants dénoncent une mise en place brutale du processus de Bologne qui harmonise les cursus au niveau européen sur le modèle licence-master-doctorat (LMD). Fréquenter les bancs de la faculté jusqu’à 28-29 ans a longtemps été la norme en Allemagne, où l’on pouvait concocter son cursus au rythme souhaité, avec des suspensions possibles pour maternité, expérience à l’étranger… La réforme LMD, conçue aussi pour mieux répondre aux besoins du marché du travail, a bouleversé la donne en réduisant la durée des études et en alourdissant les emplois du temps. Désormais les trois-quarts des filières supérieures allemandes répondent au découpage LMD. Et mieux vaut boucler la licence en trois ans pour augmenter ses chances d’intégrer ensuite un master, où les places sont chères. „Je viens de commencer mon premier semestre à l’Université Humboldt et nous sommes très stressés. On n’a plus le temps de réfléchir et d’assimiler.
Tout ce que je veux, c’est simplement des études avec de la place pour la réflexion“, a expliqué à l’AFP Christina Stark, 35 ans. Ancienne artiste en reconversion professionnelle, elle étudie la linguistique et la philosophie. Comme beaucoup, elle juge les nouveaux programmes licence-master trop lourds et incompatibles avec une activité parallèle, alors qu’un tiers des étudiants travaillent pour financer leurs études.
Achim Gerhardt, ethnologue en herbe âgé de 22 ans, s’inquiète d’une „machine éducative qui transforme les étudiants en produits de consommation“ non créatifs.
Pour la ministre fédérale de l’Education Annette Schavan, l’Allemagne n’a fait que mettre en place „ce qui est depuis longtemps la tradition dans bien d’autres pays“.
Mais les étudiants dénoncent aussi les maux chroniques de l’éducation allemande: amphithéâtres bondés, filières engorgées, inégalités d’un système à plusieurs vitesses, sous-financement. „Il faut mettre plus d’argent dans l’éducation, sinon dans 50 ans plus personne ne considérera l’Allemagne comme un haut-lieu de la recherche“, estime Lehnert Willi, 26 ans, qui étudie l’agronomie.
Les étudiants réclament l’abolition totale des frais d’inscription, davantage d’argent public et de bourses (510.000 étudiants en touchent actuellement), moins de sélection et un droit de regard dans la gestion des établissements.
En juin, une première „grève de l’éducation“ avait mobilisé 230.000 étudiants et lycéens simultanément dans 70 villes, rare démonstration d’unité dans l’Allemagne fédérale où l’éducation est l’affaire des Länder. Ceux-ci ont déjà convenu en octobre de la possibilité d’étirer sur huit semestres certains cursus de licence. Reste à traduire en actes ces intentions.
Le gouvernement compte réfléchir en décembre avec eux à la manière d’injecter comme promis 7% du PIB dans l’éducation d’ici à 2015, alors même que les caisses sont vides.