Les 19 otages ballottés depuis neuf jours dans les monts du Jebel Ouanat

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Depuis neuf jours, les 19 otages européens et égyptiens sont ballottés d'un bout à l'autre du Jebel Ouanat, un ensemble montagneux aux confins désertiques de l'Egypte, du Soudan et de la Libye.

Capturés au pied du versant égyptien, ils ont été transférés dans les flancs soudanais de la montagne, avant d’être cachés côté libyen, à l’ouest, pour finalement retourner samedi au Soudan, en direction de l’Egypte. Affirmant s’appuyer sur des rapports et observations de terrain, les autorités soudanaises ont fait état de ce périple forcé d’abris en abris, les otages passant clandestinement d’un pays à un autre. „C’est un lieu idéal pour cacher des gens sous d’énormes rochers, et traverser les frontières sans contrôle“, a affirmé à l’AFP le professeur allemande Rudolph Kuper, considéré comme le meilleur expert du Jebel Ouanat. Après avoir annoncé prématurément la libération des otages, Le Caire se tait. Quant à Tripoli, il s’est borné à démentir leur présence dans sa partie de montagne où, d’après Khartoum, ils avaient été conduits jeudi dernier. Le groupe comprend 11 touristes –cinq Italiens, cinq Allemands et une Roumaine– ainsi que huit Egyptiens: deux guides, quatre chauffeurs, un garde-frontière et le directeur de l’agence organisatrice du safari. Les ravisseurs, à l’identité inconnue, ont demandé que l’Allemagne soit seule en charge des négociations, exigeant le versement d’une rançon de six millions d’euros, selon une source de sécurité égyptienne. Refuge des hommes préhistoriques, le Jebel Ouanat –en arabe la „montagne des sources“– est à cheval sur les trois frontières tracées de manière rectiligne à 22 degrés de latitude nord, à des centaines de kilomètres d’un lieu habité.
Il n’existe qu’un poste douanier au pied de la montagne, celui de la Libye, où stationnent une vingtaine de gardes-frontière. Les autres frontières sont seulement légèrement matérialisées par des poteaux indicateurs. La montagne-oasis s’étale sur 40 kilomètres d’est en ouest, et sur 25 km dans son axe nord-sud, enserrant plusieurs vallées et canyons. Son sommet s’élève à 1900 mètres. Cet extraordinaire site au coeur du Sahara est visible sur des photos satellites, comme celles mises en ligne sur le site Google Earth qui présente aussi des clichés d’amateurs. Il recèle de centaines de dessins rupestres –de girafes, d’autruches et de chasseurs d’animaux– qui en font, selon M. Kuper, un des plus importants centres d’art préhistorique d’Afrique. Ce n’est qu’en 1923 que l’explorateur, et dignitaire de la cour égyptienne du roi Farouk, Ahmad Hassanein Bey, „découvrit“ le premier cet „oasis perdu“ au terme d’un long périple en chameau dans le désert libyque. Après que la région eut été rendue célèbre par le film „le Patient Anglais“, des expéditions safari pour touristes fortunés, prêts à payer 10.000 dollars, se sont développées côté égyptien. Le site, d’une grande valeur écologique, attire aussi des chasseurs venus de Koufra, en Libye, qui traquent dans ses flancs rocailleux et dans les plaines d’acacias, mouflons et gazelles. Mais si, pour les touristes, la région est un magnifique décor préhistorique, elle est aussi un carrefour de trafic, y compris d’immigrés clandestins africains qui tentent, à partir des côtes libyennes, de traverser la Méditerranée.
S’y arrêtent aussi des camions bourrés de marchandises descendant de Libye, et d’autres qui remontent de Dongola, ou d’al-Facher, la capitale du nord Darfour, la région ouest du Soudan en proie à une guerre civile depuis 2003. „Il faut protéger, mais pas seulement sécuriser, toute cette région qui témoigne d’une phase extraordinaire de l’histoire de l’humanité“, souligne M. Kuper qui fait partie d’une équipe internationale pour obtenir son classement dans la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.