La campagne s’ouvre dans l’indifférence populaire et les arrière-pensées des partis

La campagne s’ouvre dans l’indifférence populaire et les arrière-pensées des partis

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En France, la campagne pour les élections européennes – qui auront lieu le dimanche 7 juin, comme au Luxembourg – s’est officiellement ouverte lundi dans un climat qui, pour l’instant, semble surtout marqué par une grande indifférence de l’opinion, en dépit des efforts des partis pour lancer le débat, sur un terrain qui reste d’ailleurs...

C’est, chez les plus pro-européens de droite et de gauche, le grand sujet de préoccupation du moment: tout montre que les Français s’intéressent moins que jamais à une construction européenne que beaucoup ressentent (et que certains adversaires résolus, des trotskistes au Front national, leur décrivent d’ailleurs) comme lointaine, étrangère à leurs problèmes quotidiens, et de surcroît fort coûteuse.
La crise aidant, la présidence française du Conseil européen, au précédent semestre, semble déjà bien loin dans les esprits – du moins pour ceux, certainement minoritaires, qui en ont suivi le déroulement.
Il est vrai que dans cette apathie au moins apparente de l’opinion, les grandes formations elles-mêmes ont leur part de responsabilité: à en juger par le tout début de la campagne, elles mettent surtout l’accent sur des considérations de politique intérieure, même si le PS à Toulouse la semaine dernière avec les socialistes européens, l’UMP demain à Varsovie avec le PPE (parti populaire européen) puis le 10 mai prochain en Allemagne avec la CDU, manifestent tout de même que la dimension continentale n’est pas totalement absente de leurs préoccupations. Mais une nouvelle fois, ceux qui parlent le plus de l’Europe, et de loin, même si c’est pour la caricaturer sans vergogne, parfois jusqu’au délire, sont ses contempteurs acharnés.
Les socialistes ont lancé leur campagne voici donc déjà quelques jours, avec ce grand rassemblement toulousain auquel assistait notamment le président du PS européen, le Danois Poul Nyrup Rasmussen, meeting qui a donné à Martine Aubry, la nouvelle première secrétaire du parti, d’évoquer – rapidement – les grands axes du programme, mais surtout … de critiquer vertement la politique de Nicolas Sarkozy face à la crise.
Ségolène Royal, dont les journalistes guettent toujours les distances qu’elle peut prendre avec Mme Aubry, n’était pas là – mais elle doit participer à ses côtés, vendredi, au traditionnel défilé du 1er mai, qui pourrait bien, en ces temps de fort rebond du chômage, connaître une ampleur particulière.
Et un autre meeting doit les réunir à nouveau à Nantes le 25 mai. Mais le seul fait que l’on en soit à consigner ce genre d’observations, et de rendez-vous, en dit long sur la dimension de politique intérieure prise par le scrutin. Ce n’est certes pas nouveau, mais c’est sans doute plus évident que jamais.

Les ambitionsde Martine Aubry

D’autant plus que cette campagne est la première que Martine Aubry est appelée à mener en tant que première secrétaire, et qu’elle souhaite profiter de ces circonstances pour restaurer l’unité de son parti, mise à mal par le congrès de Reims et la succession pour le moins houleuse de François Hollande.
Sans parler de la composition des listes de candidats pour ces élections européennes, qui ont souvent fort irrité les militants locaux lorsqu’ils ont découvert les choix de „Paris“ … C’est important pour le PS lui-même, naturellement, mais cela l’est aussi pour l’intéressée, du moins si, comme on lui en prête l’arrière-pensée, elle veut se forger une image de „présidentiable“, de préférence supérieure à celle de Mme Royal. De toute façon, le PS ne se cache pas, bien au contraire, de chercher à transformer les élections européennes en vote-sanction contre Sarkozy et le gouvernement, faute d’autres prochaines occasions nationales de manifester dans les urnes le mécontentement qui s’exprime si souvent dans la rue. Et dans les entreprises qui licencient massivement ou qui ferment, et dont Martine Aubry profite de ses déplacements de campagne pour rencontrer les salariés.
A l’UMP, comme il est de tradition dans les partis au pouvoir au moment de ces scrutins intermédiaires, surtout lorsque les temps sont difficiles, on préfère en principe mettre l’accent sur les enjeux proprement européens de la compétition électorale, avec notamment un slogan récemment dévoilé par son secrétaire général Xavier Bertrand, et qui, comme on dit, n’engage pas à grand chose: „Quand l’Europe veut, l’Europe peut.“
Avec un très inégal bonheur, il est vrai, puisque la ministre de la Justice, Rachida Dati, candidate (bien malgré elle) en seconde position sur la liste conduite par son collègue Michel Barnier en Île-de-France, a récemment donné à la France entière, grâce à l’Internet, un assez piètre spectacle de son incompétence absolue sur ces dossiers.
Mais même à droite, l’envie d’en découdre sur le front intérieur revient vite: Michel Barnier, encore lui, en appelle ainsi à „un vote-sanction contre le PS“. Et l’UMP, qui semble avoir eu plus de facilité à trouver les têtes de ses listes régionales qu’à en finaliser la composition, se doit de faire bloc autour du chef de l’Etat, qui va s’engager personnellement beaucoup dans la campagne. Le 5 mai, en particulier, Nicolas Sarkozy, qui est resté manifestement très fier de son bilan à la présidence du Conseil européen, participera à une „grande réunion républicaine“, explique son parti, pour „mette en perspective la politique européenne de la France.“ Il n’est jusqu’au MoDem, la formation de centre droit de François Bayrou, qui en dépit du fort tropisme européen de son président, ex et certainement futur candidat à l’élection présidentielle, ne soit tenté de faire de ce scrutin européen un grand rendez-vous de politique intérieure.

Les premierssondages

Car M. Bayrou joue probablement là une sorte de „tour de chauffe“ pour la course à l’Elysée de 2012, sur un terrain qui est traditionnellement favorable à sa famille politique bien que les premiers sondages sur ce scrutin européen ne lui accordent guère pour l’instant que quelque 12 à 13 pour cent des intentions de vote (il en avait recueilli plus de 18 au premier tour de la présidentielle de 2007), pas beaucoup plus que les écologistes, et environ à quatre points devant le Front national de Jean-Marie Le Pen.
Les deux grands partis sont, quant à eux, séparés dans les mêmes sondages par environ quatre points à six semaines du scrutin: 26,5 pour cent pour l’UMP et 22,5 pour le PS. Celui-ci pâtit évidemment de l’abondante et féroce concurrence que lui livre une extrême gauche multiforme, mais unie par une commune dénonciation inlassable des „méfaits et hypocrisie de la social-démocratie, qui feint de dénoncer Barroso et son libéralisme, mais l’a constamment soutenu par ses votes“, pour reprendre la formule de l’un de ses animateurs, l’ancien socialiste Jean-Luc Mélenchon. Reste que le grand vainqueur du 7 juin risque fort d’être le parti des … abstentionnistes: certaines enquêtes d’opinion font état d’une participation qui ne dépasserait guère le tiers des inscrits. Il reste moins de six semaines aux partis français pour réveiller l’intérêt des électeurs.