Irak: le coup de sang du lanceur de chaussures contre Bush

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D'un pas sûr, le drapeau irakien autour du cou, Mountazer al-Zaïdi a fait son entrée jeudi sous les vivats dans la salle bondée du tribunal, avant de raconter le coup de sang qui l'a poussé à lancer ses chaussures à la tête d'un président américain.

Visage impassible et barbe de quelques jours, le jeune journaliste de la chaîne Al-Baghdadiya est conduit au box des accusés sous escorte policière et militaire.
Aussitôt, ses proches, arrivés très tôt devant la Cour criminelle centrale d’Irak, se lèvent pour l’applaudir avec enthousiasme. Ses soeurs et ses tantes lancent des youyous, tandis que les hommes scandent le nom de l’imam Ali, figure essentielle chez les chiites. Deux avocats cherchent à se joindre à l’équipe de défense. Poliment, M. Zaidi refuse: „Je vous remercie et je vous suis reconnaissant, mais j’ai déjà un comité de défense“ de 25 avocats. „Alors, raconte-nous, Mountazer“, demande le juge, Abdel Amir Hassan al-Roubaïe. Le silence se fait dans la salle. Calmement, le jeune homme se remémore les évènements précédant le lancer de chaussures dont les images sont passées en boucle à la télévision et sur internet, le rendant célèbre dans le monde entier. Le 14 décembre 2008, il se rend à la conférence de presse du président George W. Bush et du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki „sans arrière-pensées“.
Mais alors que la presse attend les deux dirigeants, une première „provocation“ l’exaspère. „Alors que nous avions été déjà minutieusement fouillés (par les Irakiens), la sécurité américaine a fait sortir tous les journalistes irakiens pour les fouiller elle-même de manière humiliante, alors que nous sommes sur notre sol“, dit-il.
Mais ce sont les propos du président américain de l’époque et son sourire „glacial, sans âme“ qui le mettent hors de ses gonds. „Il parlait des victoires et des réussites (américaines) en Irak, mais moi, ce que je vois en matière de réussite, c’est un million de martyrs, le sang versé, les mosquées perquisitionnées, les Irakiennes violées, les Irakiens humiliés“.
„J’ai été envahi par la colère, je ne voyais plus que lui“, ajoute-t-il. „Tout s’est assombri autour de moi. Je sentais que le sang des innocents coulait sous mes pieds pendant qu’il souriait. Alors, j’ai pris ma première chaussure et je l’ai lancée sans l’atteindre, puis j’ai jeté la seconde“. „J’ai voulu rendre leur fierté aux Irakiens, de n’importe quelle manière, sauf par l’usage des armes. J’ai voulu exprimer ce qui était en moi, au nom du peuple irakien, du nord au sud, de l’est à l’ouest“, se justifie le journaliste.
Réagissant aux critiques qui lui ont été adressées pour avoir „violé“ le légendaire sens de l’hospitalité arabe, Mountazer se défend fermement: „Nous, les Arabes, sommes fiers de notre sens de l’hospitalité. Mais Bush et son armée se trouvent en Irak depuis six ans“. „En plus, à l’époque, la zone verte (où se tenait la conférence de presse) était contrôlée par les forces de l’occupation. Comment le considérer comme un invité?“.
A la fin du plaidoyer de l’accusé, la cour ajourne le procès au 12 mars. „C’est une mascarade, un procès politique. Le juge ne l’a même pas laissé parler des tortures“, fulmine le frère du journaliste, Oudaï. La famille se rue vers le box pour tenter d’embrasser son „héros“. Mais la cage en bois est entourée de policiers et le public est sommé de quitter la salle.