/ France/Le procès de l’„Angolagate“ peut donner lieuà un redoutable déballage politico-financier
Une affaire complexe, du moins, dans ses détails, dans la variété des circuits parallèles, clandestins et/ou illégaux et autres sociétés-écrans qu’elle semble avoir mis en oeuvre, et par le nombre et l’importance des accusés, plus que dans son principe. S’il fallait en effet résumer le fond du dossier, cela pourrait tenir en quelques lignes: de 1993 à 1998 a été mis en place un système d’approvisionnement illégal d’armes à destination du régime autoritaire angolais de José Eduardo Dos Santos et de son MPLA, alors en butte à la résistance armée de l’Unita, conduite par Jonas Savimbi et que l’Occident allait peu à peu abandonner à son sort.
D’après le dossier de l’accusation, ce sont au total 420 chars, 150.000 obus, 170.000 mines anti-personnel, six navires de guerre et six hélicoptères qui ont été livré par ces réseaux clandestins à Luanda, en provenance de pays de l’ex bloc soviétique. Budget global approximatif de ce lucratif commerce: près de 800 millions de dollars. Il y aurait déjà là de quoi alerter les services fiscaux, et c’est d’ailleurs grâce à eux qu’à partir de l’année 2000, une enquête a commencé à tenter de remonter la filière de cet approvisionnement doublement illégal de la part de ressortissants français: parce qu’il concernait des armes lourdes non déclarées, et parce que, bien sûr, les formidables bénéfices ainsi dégagés échappaient à tout impôt.
Réseau qui était essentiellement français, même si l’on y trouve aussi un personnage qui est accoutumé aux affaires les plus troubles: le Russo-israélien Arcadi Gaydamak, qui pour l’instant reste soigneusement réfugié dans l’Etat hébreu mais qui, selon son avocat, „n’exclut pas de paraître lors d’une audience, à condition d’être sûr de ne faire aucun jour de prison puisqu’il n’a rien à se reprocher“.
Pasqua, Attali,Sulitzer …
D’autres accusés sont des stars ou des demi-soldes de la politique française: l’ancien ministre d’Etat Charles Pasqua, son bras droit Jean-Charles Marchiani, le fils de François Mitterrand, Jean-Christophe (surnommé „Papa-m’a-dit“), qui fut jadis le très controversé „M. Afrique“ de son père, lequel sans doute n’en pensait pas moins mais cherchait à l’employer; Jacques Attali, ancien conseiller spécial du président, que l’on n’attendait guère dans cette galère; l’étrange homme d’affaire Pierre Falcone; l’écrivain à succès Paul-Loup Sulitzer; et bien d’autres encore, puisque ce sont au total 42 personnes qui se retrouvent dans le box des accusés.
Encore une bonne partie de ces principaux intéressés en sont-ils au contraire absents, puisque aucune personnalité angolaise n’est citée à comparaître, et que le régime de Luanda cherche d’ailleurs, au nom du secret-défense, à faire interdire le procès. Mais indépendamment des questions d’armement, et donc de défense en effet, auxquelles l’affaire renvoie (la législation de l’Hexagone prévoyant notamment qu’on ne peut faire commerce d’armes entre des pays tiers sans en référer au ministère français) se pose aussi la question de la dimension financière de ces opérations.
Ou, pour appeler les choses par leur nom, de l’incroyable réseau de pots-de-vin, corruption et trafic d’influence qu’elle a révélé. C’est d’ailleurs de ce chef d’accusation qu’ont notamment à répondre Charles Pasqua, Jacques Attali, Jean-Christophe Mitterrand ou Pierre Falcone. Même s’il est difficile pour le ministère public de chiffrer l’importance des „cadeaux“ ainsi accordés aux personnalités utiles, ou même d’en établir avec certitude la réalité, puisque ces libéralités fort intéressées ne donnent évidemment lieu à aucune facturation et s’effectuent en liquide.
Un momentinopportun
Sans parler d’un autre réseau: celui des charmantes „hôtesses“ qui étaient mises à la disposition des acheteurs angolais, des militaires et responsables politiques de haut rang, afin de créer autour de ces fructueux contrats un climat propice aux arrangements les plus favorables … Mais il semble surtout qu’en vertu du système dit des „rétro-commissions“, qui a toujours fonctionné de façon intense dans les transactions avec l’Afrique (du moins en France …), tant les acheteurs que les vendeurs se soient copieusement servis au passage.
Un des arguments qui devrait être brandi au cours des audiences à venir sera sans doute qu’aucune arme ne semble avoir transité par la France (techniquement, on se demande d’ailleurs pourquoi il en serait allé autrement), et que donc, même si cet appoint semble avoir été décisif pour écraser la résistance angolaise, la justice française n’est nullement concernée. Naturellement, l’argument fiscal, notamment, devrait suffire à écarter cette considération. Mais l’accusation s’attend à une cascade de manoeuvres dilatoires de la part des avocats de ces hautes personnalités politiques et financières, pour éviter un déballage calamiteux.
Pour le pouvoir français actuel, il faut bien dire en outre que l’ouverture de ce procès, dont tout laisse présager qu’il va tourner au très long feuilleton judiciaire, tombe à un moment particulièrement inopportun. Car aujourd’hui, le régime angolais a triomphé, il n’est plus question de l’Unita et la France escomptait bien faire de Luanda un de ses fournisseurs de pétrole, pour diversifier ses approvisionnements. C’est dire que Paris se serait bien passé de cet „Angolagate“, qui vient étaler sur la place publique les moeurs infiniment douteuses d’une certaine „Françafrique“.
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