France: Fermeture, dans l’amertume, de l’aciérie ArcelorMittal de Gandrange

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Quatorze mois après l'annonce de sa fermeture, l'aciérie de l'usine ArcelorMittal de Gandrange (Moselle) a vécu mardi dans l'amertume ses dernières heures d'exploitation, après avoir produit en 40 ans 60 millions de tonnes d'acier.

 „Gandrange restera, pour toujours, le symbole d’un mensonge d’Etat“, tonne Edouard Martin, responsable CFDT. „Il y a un an, (Nicolas) Sarkozy était venu ici et il avait promis de nous aider. Nous l’avons cru.
Aujourd’hui, avec la fermeture de l’aciérie, c’est une nouvelle et douloureuse page de l’histoire de la sidérurgie lorraine qui se tourne“, déplore-t-il.
Cathédrale industrielle mise en service le 10 septembre 1969, l’aciérie, où travaillaient quelque 350 ouvriers spécialisés, a donné sa dernière coulée jeudi dernier à 14H00 précises.
„La direction a tout fait pour que les salariés ne le sachent pas, pour éviter qu’ils en fassent un symbole. C’est minable…“, assène le syndicaliste. Même colère contenue à la CGT: „Sarkozy nous a trahis et (Lakshmi) Mittal (le patron indien d’ArcelorMittal) est un imposteur“, accuse l’un des dirigeants du syndicat, Jacky Mascelli. „Pour nous, aujourd’hui n’est pas une journée de deuil car nous continuons à lutter pour les reclassements. Sur les 575 camarades dont l’emploi va être supprimé d’ici à la fin de l’année, seulement 46 ont obtenu des mutations effectives“, ajoute-t-il.
La direction, qui n’a pas répondu aux appels de l’AFP, a indiqué récemment qu’une „solution“ avait été trouvée pour 80% des personnes concernées par ces licenciements. „Je vis cette fermeture comme un déchirement“, témoigne Marc Almschmidt, 54 ans dont plus de 20 passés à garder l’oeil, dans la chaleur insupportable du four, sur le „laitier“, ces impuretés qui surnagent au-dessus du bain d’acier et dont il faut se débarrasser avant de procéder à la coulée. „Ce dont nous avons besoin, c’est des patrons, pas des rapaces“, poursuit-il, la gorge nouée par l’émotion. Des témoignages similaires sont égrenés à l’antenne de France Bleu Lorraine Nord qui présente son journal en direct depuis la salle des fêtes de Gandrange.
Pour le maire de cette commune de 3.000 habitants, Henri Octave, la fermeture de l’aciérie est une „catastrophe
„. „Nous allons perdre 75% de nos ressources et 90% du montant de la taxe professionnelle. Et nous n’avons aucune certitude sur les compensations promises par l’Etat“, déclare-t-il, très remonté. Alors que l’on s’apprête à ferrailler les 40.000 tonnes de l’immense bâtiment noirci par la suie, le maire parle déjà de „récupérer“ les 400 hectares sur lesquels l’aciérie s’est étalée, année après année.
„Ces terrains ont été cédés par la commune à la sidérurgie lorsque celle-ci s’est développée dans les années soixante. Aujourd’hui, il convient que la sidérurgie nous les rende pour nous permettre de préparer l’avenir“.
Pour Michel Liebgott, député (PS) de Moselle et président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur la sidérurgie et la fonderie, cet avenir passe aussi par l’usine voisine de Hayange (Moselle) où ArcelorMittal et ses concurrents Corus et ThyssenKrupp vont expérimenter le captage-stockage du CO2. „L’Etat doit s’associer financièrement au développement de cette technologie propre“, estime le parlementaire. „Mais avant de le faire, il devra exiger d’ArcelorMittal des contreparties sociales, notamment à Gandrange“, souligne-t-il.

 Gandrange: les principales dates du conflit
Voici les principales dates du conflit de l’usine ArcelorMittal de Gandrange (Moselle), dont l’aciérie ferme définitivement mardi:
– 10 janvier 2008: la CGT fait état de „rumeurs“ sur une fermeture de l’aciérie électrique et du train à billettes (TAB, installation de laminage) de l’usine qui entraînerait la suppression de 700 emplois.
– 16 janvier: la direction du premier sidérurgiste mondial annonce la fermeture en 2009 de l’aciérie électrique et du TAB, et la suppression de 595 des 1.108 emplois du site. – 4 février: Nicolas Sarkozy rend visite dans leur usine aux salariés en grève et leur promet de la maintenir en activité. Acclamé par les sidérurgistes, le président conclut: „Je reviendrai moi-même (…) pour annoncer la solution qu’on aura trouvée“.
– 31 mars: alors qu’il est fait état de plusieurs repreneurs potentiels, le groupe affirme que Gandrange n’est pas à vendre et annonce vouloir y investir 40 millions d’euros.
 – 2 avril: la direction confirme la fermeture partielle du site et la suppression de 575 emplois. „Sarkozy n’a obtenu que du vent de Mittal!“, persifle Aurélie Filippetti, députée (PS) de Moselle.
– 4 avril: des salariés saccagent le bureau du directeur. Daniel Soury-Lavergne, directeur général d’ArcelorMittal France, s’engage à ce que „chaque collaborateur se voie offrir une solution de reclassement“.
 – 7 avril: les syndicats sont reçus à l’Elysée. „Malgré l’intervention de l’Etat, Mittal n’a pas changé d’idée. La fermeture est donc validée et acceptée“, commente la CFDT à l’issue de la réunion.
– 8 avril: la CGT demande à la justice de suspendre les licenciements pour „vice de procédure“. Le syndicat sera débouté. – 24 avril: le groupe italien Tassara présente à l’Elysée un plan de reprise élaboré avec la mairie d’Amnéville (Moselle). Refus d’ArcelorMittal. La proposition est retirée le jour même.
– 13 mai: l’aciérie se met en grève. La direction déplore „des débordements et des dégradations volontaires de matériel“
– 20 mai: Gandrange devient le dernier conflit où l’on cause. Après Ségolène Royal et Arlette Laguiller, Olivier Besancenot fait le pèlerinage en Moselle.
– 21 mai: les 200 aciéristes qui bloquent depuis une semaine l’entrée du site reprennent le travail.
 – 3 février 2009: un an après la visite de Nicolas Sarkozy, élus de l’opposition et syndicats lorrains accusent le chef de l’Etat de leur avoir menti. „Aujourd’hui, les salariés l’attendent (…) avec des boulons“, déclare Aurélie Filippetti.
 – 4 février: la CFDT érige, à l’entrée de l’usine, une stèle sur laquelle on peut lire: „Ici reposent les promesses de N. Sarkozy“.
 – 5 février: le président conteste fermement ne pas avoir tenu ses engagements. „C’est un mensonge!“, lance-t-il à la télévision en promettant, une nouvelle fois, de „retourner lui-même sur le site“.
 – 26 février: la CGT dénonce le „bilan désastreux“ des reclassements alors que la direction assure avoir trouvé „une solution“ pour „presque tout le monde“.
– 31 mars: l’aciérie ferme définitivement ses portes.