/ Colère à droite, embarras à gauche
L’ancienne (et sans doute future) candidate à la présidence de la République avait déjà fortement irrité la droite lorsqu’elle avait, voici une quinzaine de jours, à l’occasion d’un voyage à Dakar, pris le contrepied du discours tenu l’an dernier dans la capitale sénégalaise par Nicolas Sarkozy, discours où il regrettait notamment que „l’homme africain ne soit pas suffisamment entré dans l’Histoire“, propos au minimum maladroit qui, sur place, avait beaucoup choqué l’auditoire du chef de l’Etat.
La mise au point de Mme Royal, demandant pardon aux Africains, „au nom de la France“, pour ce discours „qui n’aurait jamais dû être tenu“, sans citer nommément M. Sarkozy, lui avait évidemment valu quelques critiques et lazzis de la part de la majorité présidentielle. Et un sondage organisé peu après avait montré que, dans la forme au moins, l’opinion ne la suivait pas sur ce terrain, en vertu du vieux principe qui veut qu’on ne s’exprime pas publiquement à l’étranger sur des querelles intérieures.
Du moins son intervention, acclamée sur place, avait-elle été perçue comme assez habile, et susceptible de la faire revenir un moment sur le devant de la scène socialiste. Martine Aubry elle-même, la première secrétaire du PS et grande rivale de Mme Royal pour le leadership du parti, s’était sentie tenue de lui apporter son soutien, au moins sur le fond. Même si une „grande conscience“ (et grande plume) de gauche, l’écrivain-journaliste fondateur du ’Nouvel Observateur‘ Jean Daniel, l’avait trouvée un peu injuste: Sarkozy, faisait-il valoir, avait, dans le même discours, vigoureusement condamné le colonialisme.
Un certainridicule ?
En récidivant deux semaines plus tard sur un sujet infiniment mineur par rapport aux drames historiques de l’Afrique, du colonialisme et de l’esclavagisme, Ségolène Royal a pris le risque de transformer l’admiration naguère suscitée par sa hardiesse en commisération à l’égard d’une posture en train de tourner au procédé.
Flairant l’aubaine, la droite s’est, depuis 48 heures, déchaînée contre elle, non sans rencontrer un certain écho.
Y compris au PS, où c’est peu dire que la nouvelle „sortie“ de Mme Royal n’est guère appréciée, en dépit de quelques manifestations de solidarité obligée – et encore celle-ci porte-t-elle davantage sur la critique du style Sarkozy que sur cette fameuse lettre d’excuse à Zapatero.
Les adversaires internes de l’ancienne candidate se font naturellement un certain plaisir d’afficher leur embarras; tel Jack Lang déclarant hier sur Europe 1: „J’ai envie de demander à nos amis espagnols pardon pour Ségolène Royal“ … Mais d’autres redoutent un certain ridicule qui éclabousserait aussi l’ensemble de l’opposition socialiste, déjà relativement mal en point par rapport à l’UMP dans les derniers sondages en vue des élections européennes de juin, malgré la crise.
En outre, l’existence même des propos que le journal Libération – qui s’est lancé passionnément dans la polémique contre la droite, dont un des porte-parole l’avait accusé de devenir „une sorte de tract politique plutôt qu’un journal“ – continue de prêter à M. Sarkozy, et qui ont motivé la lettre d’excuses de Ségolène Royal, est pour le moins controversée.
Plusieurs élus socialistes, présents, eux, au déjeuner en question, ont clairement démenti dans la presse que le président français ait jugé „peu intelligent“ le président du gouvernement espagnol ou le premier ministre britannique Gordon Brown.
„Il s’agissait au contraire pour lui d’opposer la clairvoyance de certains socialistes européens, „qui eux gagnent les élections“, au prétendu aveuglement des socialistes français“, explique par exemple le président du groupe du PS à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Hayrault, peu suspect – contrairement à M. Lang – de rechercher les bonnes grâces de l’Elysée.
Même appréciation chez l’influent député de Paris Jean-Marie Le Guen, qui parle de „rhétorique un peu déplacée“, destinée au Café du Commerce plutôt qu’à la scène internationale …
Silence deMartine Aubry
De sorte que la réaction de Ségolène Royal est perçue à la fois comme un peu disproportionnée, en tout cas par rapport à son propre „discours de Dakar“; comme plutôt inappropriée, aussi, puisque, si le style Sarkozy offre largement prise à la critique, le président de la République ne semble pas „coupable“ cette fois-ci des propos qu’on lui impute; et, sans doute plus que tout, comme assez inconsciente d’un risque qui, en politique, est toujours assez lourd: celui de faire rire à ses dépens – ici, en basculant dans le comique de répétition. Martine Aubry n’avait pas encore réagi hier soir, et son silence était jugé un peu partout comme particulièrement éloquent.
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