42 voix d’écart entre Aubry et Royal, le PS sombre dans l’affrontement

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Le PS a sombré dans l'affrontement après un scrutin au couteau pour choisir sa nouvelle chef, la direction annonçant, après de longues heures, des chiffres donnant la victoire à Martine Aubry par 42 voix d'avance sur Ségolène Royal, qui exige un nouveau vote.

A l’issue d’une nuit de rumeurs contradictoires et d’annonces par l’un et l’autre camp, la direction a finalement transmis samedi à l’aube une totalisation du vote des militants donnant 67.413 voix, soit 50,02%, à la maire de Lille, contre 67.371, soit 49,98% à l’ex-candidate à l’Elysée.

Duel Aubry/Royal: le film d’une nuit qui a fracturé le PS
Des cris de victoire qui changent de camp, des militants qui s’invectivent, une victoire annoncée pour 42 voix de Martine Aubry et sa rivale, Ségolène Royal, qui demande un nouveau vote: récit d’une folle nuit qui a fracturé le Parti socialiste.
– 23h00. Extérieur nuit. Devant le siège du PS rue de Solférino, par texto, au téléphone. Les amis de Ségolène Royal pronostiquent „une nette victoire“ de l’ex-candidate à la présidentielle. – Même heure. Intérieur nuit. „On leur laisse le parti, et on garde le socialisme!“, lance Martine Aubry entourée de ses proches à l’Assemblée dans l’appartement de la questure de son amie Marylise Lebranchu.
– 00h43. Intérieur nuit. Même lieu. Lieutenant de Martine Aubry, Claude Bartolone affirme que la maire de Lille „ne peut plus être battue“.
– 01h10. Au QG de sa rivale, boulevard Raspail, Manuel Valls, s’emporte: „Nous ne nous laisserons pas voler la victoire“. – 01h15. A Lille, une centaine de militants célèbrent déjà la victoire de leur maire et répondent à Valls: „mauvais joueur!“ – 02h00. QG de Royal. Valls persiste et signe: „la victoire de Ségolène est inéluctable“.
– 02h30. Retour à Solférino. La direction ne peut pas annoncer de résultats en raison d’écarts „extrêmement serrés“ et prie les deux candidates et leurs entourages de s’abstenir de „déclarations intempestives“. Même heure, extérieur nuit. Rassemblement d’une centaine de „camarades“ devant les grilles du Solférino. „Unité“, crient les aubrystes. „Magouilleurs“, répondent les royalistes.
– 03h00. „Je ne me laisserai pas faire“, lance l’ex-candidate à l’Elysée qui fonce dans la nuit vers son QG parisien pour une réunion de crise. – Martine Aubry appelle Ségolène Royal. Devant les journalistes, elle prône ensuite „une attitude de responsabilité“.
– 04h00. Solférino. François Hollande aura été invisible et muet toute la nuit. De sources sûres, il était en Corrèze.
– 04h30. Ségolène Royal demande un nouveau vote des militants, par la voix de son avocat Jean-Pierre Mignard qui évoque des résultats „contestés et contestables“. Réponse immédiate de Mme Aubry: „ça n’a pas de raison d’être“.
– 05h00. L’univers socialiste est suspendu aux résultats de la Guadeloupe, en raison du décalage horaire. Il tombe, donne une nette avance à Mme Royal. Mais Martine Aubry conserve une avance de 42 voix, selon ses proches.
– 05h40. Aubry: 67.413 voix (50,02%), Royal: 67.371 (49,98%). C’est confirmé, la victoire se joue à 42 voix, d’après le mail de la direction du PS intitulé „totalisation des centralisations fédérales“.
– 05h45: Un conseil national (parlement du PS) sera convoqué, sans doute mercredi, pour examiner les résultats. Il est seul habilité à les valider. Entre-temps, des recours sont possibles.
 – 06h45: A la demande de Ségolène Royal, Julien Dray appelle l’AFP pour insister: „Nous contestons ces résultats. On veut un nouveau vote“. 

Quelque 233.000 militants étaient appelés à voter, et la participation a atteint 58,87% (137.116). Les partisans de Mme Royal n’ont toutefois pas entériné ces chiffres et c’est un conseil national du parti -qui devrait avoir lieu mercredi- qui doit les valider. Le camp de Mme Royal est minoritaire dans cette instance. A l’issue d’une réunion de crise de son état-major, la présidente de Poitou-Charentes avait, avant même l’annonce de ces résultats, exigé un nouveau scrutin par la voix de son avocat Jean-Pierre Mignard, qui a évoqué de „multiples contestations“ pour irrégularités. Comme un écho de la contestation juridique de l’élection présidentielle américaine de 2000 en Floride, et qui laisse planer le spectre d’une explosion d’un parti miné par les divisions. Mme Royal, qui ne cache pas ses ambitions pour la présidentielle de 2012, avait dans la nuit assuré qu’elle ne se „laisserait pas faire“, dénonçant des „méthodes de l’appareil du Parti totalement insupportables“. La maire de Lille a répliqué du tac au tac, estimant qu’un „troisième tour n’a pas de raison d’être“ et assurant avoir l’assentiment sur ce point de François Hollande, premier secrétaire sortant, resté silencieux toute la nuit. Elle a appelé sa concurrente à „une attitude de responsabilité car sinon, cela va créer une situation encore pire pour notre parti“. Ce scénario noir, dans la foulée des déchirements du congrès de Reims la semaine dernière, s’était ébauché peu après la fin du scrutin visant à départager les deux finalistes et porter pour la première fois une femme à la tête du principal parti d’opposition. Alors que le camp Royal avait initialement prédit sa „nette victoire“, les partisans de Mme Aubry ont peu après minuit revendiqué la leur, le député Claude Bartolone assurant que „Martine Aubry est en tête, elle ne peut plus être battue“.
Réplique quasi-immédiate du camp Royal, dont un des lieutenants, Manuel Valls, évoque des soupçons de fraude, dénonçant notamment les résultats du Nord. „La victoire de Ségolène Royal est quelque chose d’inéluctable“, déclare-t-il. „Comme les combinaisons d’appareil n’ont pas suffi, c’est dans les urnes, et de quelle manière, qu’on essaie“ de „voler la victoire“, a-t-il ajouté, en référence à l’échec des adversaires de Mme Royal à s’unir au congrès de Reims. A la fédération du Nord, une source a rejeté les accusations d’irrégularités et répliqué en parlant de „dysfonctionnements“ dans des fédérations ayant voté Royal, notamment l’Hérault. Mme Aubry, 58 ans, bénéficiait d’un avantage arithmétique avec le ralliement de Benoît Hamon, de l’aile gauche du parti, 22,6% au premier tour. Mme Royal, 55 ans, avait obtenu au premier tour 42,9%, contre 34,5% à la maire de Lille. Alors que le parti a perdu les trois dernières présidentielles, ce nouvel épisode de la guerre des chefs risque de le rendre encore plus inaudible… et fragile.
„On est au bord de l’explosion. Les provocations se multiplient. Les Français risquent de se réveiller demain matin avec une image pitoyable du PS“, se lamentait dans la nuit un responsable. Le PS est „un parti qui en terme d’adhérents sera divisé en deux, ce qui est une nouveauté dans l’histoire du mouvement socialiste“ et „aura un coût“, prédisait de son côté dès avant le vote Pascal Perrineau, directeur du Cevipof (Sciences Po).