Trop peu d’Europe dans l’Union

Trop peu d’Europe dans l’Union
(dpa)

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Il y a trop peu d’Europe dans l’Union. C’est le moins que l’on puisse dire. Si même sur une question telle que la répartition de quelques milliers de réfugiés on n’arrive pas à s’entendre, cela signifie tout bonnement que de l’Union on ne s’en sert que quand elle rapporte. Et que dès qu’elle demande de...

Avec la constellation des Vingt-Huit qu’a aujourd’hui l’Union européenne, rassemblés plus par nécessité que par envie – du moins dans la tête de ceux qui, comme la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, y font la loi –, seulement le minimum syndical d’intérêts communs paraît possible. Il est très loin le temps où le sous-sol des grands pays regorgeait de charbon ou de fer, une richesse réelle et palpable qui, mise en commun, dans la CECA d’abord, puis dans un cartel plus large, offrait en la matière des possibilités de domination planétaire.

C’est qu’alors, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les pays avaient le sentiment que, plutôt que de s’entredéchirer, comme on l’avait fait des siècles durant, mieux valait mettre en commun ses forces. Ses forces et ses faiblesses, les unes n’allant pas sans les autres.

C’est cela qu’on oublie aujourd’hui: s’il y a encore, malgré la disparition des ressources souterraines, des forces communes, les temps de crise font que, petit à petit, les faiblesses dominent. Des faiblesses mal réparties, puisque la construction européenne est historiquement un conglomérat de nations riches et pauvres.

Cet écart de richesses constitue l’essence même de l’Union. On le savait quand on a élargi le club à la Grèce, à l’Espagne ou au Portugal. On le savait quand on a accueilli les orphelins de feu l’Union soviétique errant comme des atomes libres entre les blocs politiques. Leur accorder le visa pour Bruxelles signifiait qu’on allait faire jouer la solidarité, que les pays solides aideraient les chancelants. Il n’y a d’union que s’il en va ainsi.

Mais voilà, les plus nantis ont oublié leur propre histoire. Parce que, pensent-ils, jouer la carte de la solidarité signifie, en temps de dette et de crise, fermer le robinet de la générosité. Face à la tempête, on préfère en revenir au cavalier seul. Dans tous les domaines.

On est donc content quand, tout seul, on arrive à décrocher, au détriment de l’autre, un contrat juteux dans tel ou tel émirat qui se frotte les mains de tant de division. On est content aussi quand, face aux dérèglements politiques tout autour, en Afrique, au Moyen-Orient, mais aussi dans la banlieue de l’Europe – en Ukraine, par exemple –, on met en ordre dispersé la main à la pâte, ce qui rend complètement illisible la politique extérieure de l’Union. Illisible et peu crédible.

C’est que, tout simplement, dans les grandes questions économiques et politiques, vu de l’extérieur, l’Union n’existe pas. Ce qui, dans la nouvelle donne globale, signifie ni plus ni moins que, face aux géants qui font et défont la géopolitique, notre continent est un nain.

Et pourquoi en est-il ainsi? Parce que notre premier réflexe, psychologiquement compréhensible bien sûr, c’est le repli quand ça va mal. Un repli exploité par la sphère politique nationaliste qui enfonce le clou et nous rend aveugles. Soudain, faire une bonne politique, c’est, de nouveau, miser sur la préférence nationale.

C’est de courte vue. Seuls, même les pays les plus forts de l’Union, y compris l’Allemagne, ne comptent que pour des prunes. Le salut européen à moyen et long terme est dans l’Union, non dans sa division.

dfonck@tageblatt.lu