/ Profession lampiste
Danièle Fonck
dfonck@tageblatt.lu
Mais force est d’admettre que si les traders existent, s’ils spéculent, s’ils prennent des positions inacceptables avec l’argent d’autrui, c’est qu’il existe un système qui fait que des jeunes gens peuvent s’adonner à la course folle des bonus parce que d’autres, bien plus âgés, bien plus expérimentés, bien mieux formés et informés, bien mieux placés, le leur permettent et les incitent à agir ainsi. Et si l’appât du gain est ce qu’il est, c’est que dans notre société la démesure a pris la place du raisonnable en se jouant de la décence et de la morale.
Jérôme Kerviel est un lampiste. Une victime à son insu. Il jouait et voulait pénétrer dans la cour des grands. Il a pété les plombs et a été condamné. Bien. Reste à trouver ceux qui ont permis que les Kerviel existent. Car ce sont eux les fossoyeurs de la démocratie qui, bien comprise, repose sur des axiomes sains et équilibrés, ce sont eux qui corrompent la jeunesse en lui faisant leurrer de fausses valeurs, eux qui sont à l’origine d’un monde qui déraille totalement.
Dire que la Société Générale a eu le culot de demander des dommages et intérêts à l’un de ses salariés de seconde zone qui lui a fait gagner beaucoup d’argent avant d’en perdre énormément, tient du surréalisme le plus excentrique.
Si indemnités il devait y avoir, c’est le PDG de la banque qui devrait les verser: à Kerviel dont la vie est ratée, aux clients dupés et à la société pour avoir contribué à miner ses bases. Le comble du cynisme étant l’offre de la banque de négocier hors procès une „réduction de l’indemnité“.
L’indécence reine
Il faut avoir entendu un magistrat déclarer que le trader „… a porté atteinte à l’ordre économique mondial“! Si tel avait été le cas, alors il faudrait décorer Kerviel de la Légion d’honneur. Car que reste-t-il de mieux à faire dans l’environnement politico-financier qui est devenu le nôtre, que de mettre en question un système pourri?
Les politiques sont aux mains du lobby financier; celui-ci ne raisonne plus qu’en termes de bénéfices immédiats et toujours croissants. Le groupe de pression, contrôlé lui-même par quelques initiés (la planète Goldman Sachs), se sert de tous les outils en sa possession pour toucher au but. Ce dernier est précis: engrosser les déjà riches jusqu’à l’obésité, faire disparaître les classes moyennes devenues gloutonnes et veiller à ce que le filet de sécurité qui évite aux modestes, voire pauvres de sombrer, coûte le moins possible.
Qu’importe au riche homme d’affaires sur son yacht et au puissant banquier dans sa propriété de quelques centaines de hectares que Monsieur Dupont ne peut plus se faire soigner les dents? Ou que son fils fasse partie des nouveaux illettrés?
Lesdits outils, cités plus haut, sont tout trouvés. On monte et contrôle quelques agences de notation (elles notent au nom de qui et de quoi?), on demande à celles-ci de noter et de dégrader des Etats et le tour est joué. La classe politique prend peur, on la convainc qu’il faut – illico presto – faire des économies drastiques et c’est parti pour la série de plans d’austérité et de rigueur. Au nom de l’assainissement des finances publiques, on serre les vis: salaires, retraites, sécurité sociale, santé. Tout y passe. Mais gare aux politiques s’ils s’avisent à ne pas sauver une banque, à réduire les subsides aux grosses entreprises, à renchérir les prix des terrains ou à supprimer les diverses bonifications aux „investisseurs“. Et comme de bien entendu on fait appel à la „sagesse“ du FMI et de l’UE pour assoir sa théorie.
En cela, le procès Kerviel, farce des temps modernes, est exemplaire. Il pointe du doigt l’hypocrisie, la bassesse, la vulgarité d’un monde et d’un système sans gêne. L’unique (petite) consolation que l’on puisse ressentir, est que les nouveaux démiurges de notre époque que sont les grands banquiers sont à leur tour manipulés par de vrais riches qui n’apparaissent jamais en public et qu’ils sont juste des salariés si bien payés qu’on peut les jeter quand ils ne servent plus.
Faute du respect de leurs patrons, ils ont des „stock-options“ et des bonus …
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