Le zèle suspect d’un président candidat

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Que seraient nos pays, en proie à une crise qui répand à une vitesse inouïe angoisses et précarité, si, au lieu d’avoir des dirigeants bien assis dans leurs fauteuils de présidents, de chanceliers ou de premiers ministres, nous avions des politiciens en campagne électorale permanente?

Peut-être que les choses bougeraient plus vite. Peut-être que les promesses seraient tenues, puisqu’il n’y aurait pas de pauses pour les oublier.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

L’exemple le plus pathétique en la matière nous en est offert, grandeur nature, par le président candidat à la présidentielle française. Alors qu’il n’avait pas encore sa double casquette et qu’il savourait le bling bling de sa fonction en l’inaugurant par une virée au Fouquet’s, puis par des vacances sur le yacht d’un patron du CAC 40, la notion même de peuple avait disparu de son vocabulaire.

Tout en courbettes devant les puissances de l’argent, il légiférait dans le sens de leurs poils. Sans vergogne. Sa fameuse formule, oubliée depuis, „travailler plus pour gagner plus“ devenant tout simplement: faire travailler plus ceux qui ont un emploi et gonfler les rangs des chômeurs. Le tout en grignotant le pouvoir d’achat de tout un chacun, sauf celui des grandes fortunes qui ont été comblées de cadeaux fiscaux.

Mais voilà, ça c’était avant. Cela a duré ce que dure un mandat présidentiel, mais maintenant c’est fini. Promis juré. Et ceci, depuis qu’il est de nouveau descendu dans l’arène électorale, atterré qu’il est par la popularité et le charisme grandissants de son rival socialiste. Soudain, tout se passe comme si, à l’instar de Jeanne d’Arc, il avait eu une révélation. Et voilà qu’il s’est mis à battre sa coulpe.

Et voilà aussi qu’il s’est remis à redécouvrir le peuple. Le peuple qui souffre. Deux trois coups de téléphone à des copains bien placés – Bernard Arnault de LVMH, par exemple – et hop, des entreprises en difficultés, comme si on avait brandi une baguette magique, retrouvent soudain des perspectives. Il y a eu, en un temps record, Petroplus, PhotoWatt, Lejaby. Et aujourd’hui il remet ça avec Florange et ArcelorMittal.

A l’en croire, un entretien avec Lakshmi Mittal aurait suffi pour que le géant de l’acier lâche du lest et se déclare prêt à investir dans un haut fourneau qu’il avait déjà rayé de la liste européenne de son empire mondial. 17 millions seraient ainsi investis à Florange, au deuxième semestre 2012, c’est-à-dire … après les élections.

De président à candidat

Question: pourquoi Sarkozy n’a-t-il téléphoné qu’hier au grand patron? Il aurait pu le faire dès l’annonce de la fermeture provisoire des sites en question et aurait ainsi évité bien des angoisses aux populations locales.

Autre question: pourquoi, dès qu’il a pris ses fonctions en 2007, n’a-t-il pas eu le téléphone tout aussi facile chaque fois qu’une grosse entreprise licenciait ou délocalisait sa production?

Troisième question: pourquoi contribue-t-il à faire monter substantiellement le chômage en ne renouvelant pas un poste sur deux dans la fonction publique, ce qui, soit dit en passant, appliqué à l’école, crée des conditions de travail et d’apprentissage désastreuses?

La réponse est simple. Avant, et ceci pendant cinq ans, il était président.

Et aujourd’hui il est candidat à sa réélection. Une réélection qui, du moins à en croire les sondages, est loin d’être garantie. Il faut donc qu’il mouille sa chemise. Il faut donc qu’il lance tous azimuts des promesses à droite (en stigmatisant les étrangers, par la voix de son ministre de l’Intérieur, afin de couper l’herbe sous les pieds du Front national) et à gauche (en faisant vibrer la corde sensible des emplois dont il serait in extremis le sauveur).

Ceci, parce qu’il n’a pas digéré l’accueil triomphal que les sidérurgistes de Florange ont réservé à François Hollande la semaine dernière.

Si le haut fourneau de Florange est sauvé – ce qui reste à voir – par une telle entremise, tant mieux. N’empêche qu’elle est grosse la ficelle électoraliste qui ainsi se balance devant nos yeux. Car, si c’est si facile que ça d’intercéder auprès des grands patrons en faveur du peuple, exigeons de Sarkozy et de tous ses collègues du monde entier qu’ils prennent leurs téléphones chaque fois que la menace de licenciements est brandie.

Et, tiens, cela pourrait donner des idées à notre Jean-Claude Juncker: lui qui a la fibre si sociale, pourquoi ne téléphonerait-il pas, lui aussi, à Lakshmi Mittal afin que nos sites sidérurgiques à nous soient également sauvés?