Le Luxembourg est-il foutu?

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C’est ce qui ressort d’un article publié ce mercredi dans le quotidien belge Le Soir et intitulé „Luxembourg, le petit qui gêne“. Si tant est que le Luxembourg gêne véritablement ses grands, immenses et puissants voisins européens, on peut se demander pourquoi.

Parce que le petit Etat membre fondateur du Benelux, de la CECA, de la Communauté économique européenne et de l’UE a fait preuve d’un esprit communautaire avant d’autres?
Parce qu’il a accueilli de tout temps sur son territoire des artistes et des écrivains pourchassés dans leurs grands pays respectifs?
Parce qu’il n’a pas eu peur de l’immigration comme en témoignent les chiffres et les pourcentages?
Parce qu’il n’a pas hésité à faire siennes deux langues étrangères? Parce qu’il fut un allié fidèle pour ses partenaires?
Parce qu’il a su se transformer à force de labeur pour faire d’un Etat agricole un Etat industriel et, ensuite, une terre de services avec une place financière?
Parce qu’il continue de défendre le secret bancaire évitant ainsi à l’Europe une vaste fuite des capitaux vers des Etats improbables situés ici et là dans les lointains océans?
Parce qu’il a des années durant créé des emplois offerts à d’autres que ses ressortissants, d’autres qui, certes, auraient préféré travailler chez eux, mais n’en sont pas moins plutôt bien lotis en faisant quelques dizaines de kilomètres?

Non, bien sûr

La fin de la guerre froide marqua une première césure en Europe et la réunification allemande a changé la donne. L’élargissement précipité de l’Union européenne dans le contexte d’une mondialisation accélérée doit être mis en relation avec une redéfinition de deux notions essentielles, celle de l’espace et celle du temps.

Alors que l’espace collectif et individuel s’est accru de façon spectaculaire (notamment grâce au web), le temps s’est rétréci considérablement sans que les politiques ne s’en rendent compte. Hors des éléments cités, il résulte l’arrivée au pouvoir, partout en Europe, d’hommes et de femmes politiques d’un autre genre.

Moins stylés, moins cultivés, avides de pouvoir plus encore pour eux-mêmes et leurs partis que pour leurs pays, ces adeptes de la politique marketing pèsent argent, puissance, maroquins pour eux et leurs proches, avancent dans la brutalité dans le souci de la victoire et de la rentabilité à court terme sans jamais se soucier des dégâts collatéraux dans la durée.

Ce sont, dans la foulée de Blair, les Sarkozy, les Berlusconi, les Merkel.
L’Europe? La Communauté?

Un outil pour se faire valoir, un instrument de pouvoir national, un échiquier sur lequel on déplace ses propres pions et rien qu’eux. Les Schuman et autres Monet n’ont qu’à aller se faire voir.

Cette mutation, Jean-Claude Juncker ne l’a pas anticipée. Quand, à Maastricht, Tony Blair fit sa première apparition, Juncker, le „fils spirituel“ du chancelier Kohl, pourtant du même âge que son homologue britannique, eut un coup de vieux dans la journée. Quand nous l’écrivions, à l’époque, cela fit rire doucement. Dommage. Car ce fut le début de la perte d’influence et donc des engueulades, des coups d’éclat et le début de l’énervement ailleurs. L’arrivée d’un caractériel type Sarkozy en France et celle d’une femme de l’Est en République fédérale firent le reste.

Tous les acteurs le savent: il y a un temps où l’on se produit sur scène, qu’on est sous les feux de la rampe et à la „une“ des journaux, puis vient le temps où l’on s’éclipse, se ressource, où l’on observe pour mieux rebondir. Cette recette a échappé au premier ministre et nous le regrettons pour lui comme pour le Luxembourg. Car désormais, vu l’évolution, il ne nous reste plus qu’une seule issue: prendre les meilleurs pour en faire des ministres, écouter les meilleurs des hauts fonctionnaires, et il y a en a, défendre à la lettre nos intérêts à Bruxelles, fermement, sans éclats, juste sur la base de nos droits juridiques.
Jouons les modestes sans jamais plier sur le fond.

L’effet balancier jouera en Europe comme ailleurs. Et ceux qui nous méprisent et humilient aujourd’hui ne seront plus là demain. L’histoire ne retiendra pas grand-chose de leur petitesse d’esprit …

Danièle Fonck
dfonck@tageblatt.lu