Grandeur et décadence

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Que se passe-t-il donc dans notre république voisine? D’errements en errements, d’affaires en affaires, les signes de décadence ambiante se multiplient et laissent redouter le pire. D’autant que jamais, l’éloignement des politiques des citoyens n’a été aussi flagrant.

Depuis la dernière campagne électorale présidentielle, rien ne s’est produit en banlieue si ce n’est que la secrétaire d’Etat en charge du dossier a promptement relogé sa famille dans son appartement de fonction. Les jeunes banlieusards continuent de vivre sans égalité des chances aucune dans leurs ghettos, le chômage fait des ravages, les dealers font la loi et l’illettrisme est ambiant au point de provoquer un véritable clivage linguistique au sein de la société française.

Les récents éclats au mondial des Bleus en sont d’ailleurs une preuve flagrante et ce n’est pas un hasard si le philosophe Pascal Bruckner (cf. Le Monde 5/7/10) s’interroge sur la banalisation de l’injure et s’inquiète du fait que cet „exécutoire de la colère“ contamine toutes les strates de la société. Pis! A en croire l’intellectuel, „quand les élites se mettent à parler comme la racaille, la nation devient une seule plèbe, du haut en bas, unie par un même état d’esprit, une même vulgarité qui contamine les rapports humains“.

Soyons plus indulgents: la majorité des Français sont des personnes parfaitement respectables qui font de leur mieux pour vivre dans un ambiente décadent et décevant. Et l’exemple que leur livre au jour le jour la caste au pouvoir politique ne leur facilite guère la tâche.

Un moteur en guise d’éthique, l’argent

Les révélations en continu sur l’affaire Bettencourt après celle sur le comportement de ministres dont on peut raisonnablement se demander s’ils ont encore les pieds sur terre (M. Joyandet et ses jets privés, ses permis de construire illicites dans le golfe de Saint-Tropez – les cigares de M. Blanc et sa cave ministérielle remplie des vins les plus fins et chers – le favoritisme concernant le fils de la pourtant joviale Mme Bachelot) ne sont pas des épisodes. Sans parler des soupçons qui pèsent sur le couple Woerth, certes présumé innocent, mais en vérité bien trop proche d’une famille (Bettencourt) pour le moins délétère et au comportement nauséabond.

En fait ce qui corrompt tout n’est autre que le règne de l’argent-roi. Entre un footballer exagérément rémunéré ou un politique soucieux de profiter du moindre avantage, où est la différence? L’âme de l’un est aussi vulgaire que l’âme de l’autre, à ceci près que le second, bien éduqué, devrait s’imposer une décence que l’on ne peut pas forcément attendre du premier.

Qu’on s’entende bien: loin de nous l’idée de condamner ceux qui gagnent bien leur vie ni même très bien. Qu’on nous explique toutefois la moralité d’un système économico-financier qui permet à un Bernard Arnault de s’enrichir en vingt ans au point de devenir la première fortune de France ou comment une seule famille comme celle des Schueller-Bettencourt a pu amasser des centaines et des centaines de millions en une génération.

Que cela n’intrigue plus les politiques (ni les journalistes du reste), est anormal. Et quand le pouvoir au plus haut niveau ne cesse de fréquenter ce monde-là et rien que lui et qu’en sus il le regarde avec des yeux de biche ébahie, plein d’admiration béate et soucieux d’imiter l’exemple donné, alors quelque chose ne tourne plus rond en démocratie.

Grandeur et décadence se suivent et se ressemblent. Dans tous les empires et dans tous les pays. Au train où les choses vont, la société française finira par éclater, ce qu’il ne faut ni souhaiter à ce superbe pays ni à l’Europe.

Mais à moins que le président Sarkozy ne reprenne la main, ce qui signifierait qu’il change du tout, c.-à-d. de personnalité, le pire est à venir…

Danièle Fonck
dfonck@tageblatt.lu