Gare aux jugements hâtifs

Gare aux jugements hâtifs
(Editpress)

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Il ne sert à rien de courir ...

Oui, il y a eu le massacre de trop en Syrie, et il faut le condamner. Cela justifie-t-il cependant la hâte avec laquelle la France, la Grande-Bretagne et, surtout, les Etats-Unis ont saisi le Conseil de sécurité des Nations unies pour mettre en cause le régime de Bachar el-Assad dans l’attaque „très certainement à l’arme chimique“ contre la ville de Khan Cheikhoun?

Le président syrien n’est pas un saint, on le sait. Il a beaucoup de sang sur les mains. Mais réagir à chaud est toujours contre-productif. Surtout quand on ignore ce qui s’est vraiment passé. La diligence occidentale ne peut alors qu’être suspecte. Les muscles de Trump encore plus. D’autant qu’il sait que la Russie et la Chine ne peuvent faire passer au Conseil de sécurité une résolution qui mettrait au pilori leur allié syrien.

On n’arrive alors pas à se défaire de la sensation qu’il s’agit là d’une manœuvre destinée à prendre en otage l’horreur que tout un chacun ressent devant des images montrant des enfants pris de convulsion et agonisant dans les bras de leurs mères. Manœuvre destinée à reprendre la main dans un conflit qui, depuis un an, échappe aux stratèges du Pentagone ayant dû, bon gré mal gré, accepter que, pour terrasser l’Etat islamique, il faut composer avec le régime de Damas et ses alliés.

La pilule a été amère à avaler à l’Elysée, au 10 Downing Street et à la Maison Blanche, mais depuis que la Russie est intervenue directement dans la guerre de Syrie, la situation a changé de fond en comble. A tel point qu’aujourd’hui on ne se dit pas si l’on va reprendre les deux capitales de Daech que sont Mossoul en Irak et Raqqa en Syrie, mais quand.

Un tel bouleversement des fronts n’a été possible que parce que toutes les forces sur place ciblent désormais le califat. Faut-il alors instrumentaliser le bombardement présumé à l’arme chimique de la ville de Khan Cheikhoun pour rebattre les cartes stratégiques en pointant de nouveau les canons vers Damas? Comme en été 2013 où Obama et Hollande étaient à un cheveu de bombarder la capitale syrienne?

On sait ce qu’il en a été. Même si la „ligne rouge“ avait été franchie, Obama n’a pas mis à exécution ses menaces. Les faucons l’ont alors traité de mou, mais Washington, à ce moment-là, voyait un peu plus loin que le bout de son nez. Eliminer Bachar el-Assad aurait semé encore plus le chaos en Syrie.

Depuis, les choses ont changé à la Maison Blanche. Pour Donald Trump, ce qui compte, du moins dans le discours, c’est la grandeur de l’Amérique. Pour cela, il faut gesticuler. A l’intérieur du pays, cela n’a rapporté que des revers pour le moment, dans la question de l’Obamacare, du mur avec le Mexique ou de l’interdiction d’entrée sur le sol américain de ressortissants d’origine arabe.

Reste la scène internationale avec ses lignes de faille. La Maison Blanche en a identifié deux: la Corée du Nord et la Syrie. Les tirs de missiles de Pyongyang et la présumée attaque chimique de Damas offrent des perspectives en la matière.

Et revoilà l’arrogante action unilatérale. Comme en Irak. Le Conseil de sécurité de l’ONU n’approuve pas? On passe
outre. Sans se soucier des conséquences. D’abord on frappe, ensuite on réfléchit. Quand il sera trop tard.

dfonck@tageblatt.lu