Sous l’empreinte indélébile de la collaboration (III)

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Edouard Kutten sur les Banques, le sport et Vichy

Edouard Kutten sur les Banques, le sport et Vichy

Lisez le début dans notre forum de jeudi et de vendredi.

Antisémitisme: Il était déjà présent bien avant la guerre. Il ne faut donc pas trop s’étonner de ce „trop de zèle“ mis à jour par les représentants de la police française. Ainsi, le 16 juillet 1942, 4.500 policiers français arrêtèrent en moins d’un jour 13.152 juifs „patrides“, dont 415 enfants. Or, les Allemands n’avaient ordonné que l’arrestation des juifs âgés de plus de 16 ans. Mais vu qu’on y était, pourquoi faire „dans la dentelle“?

Sans avoir subi la moindre pression de la part des Nazis, Vichy mit en œuvre une politique antisémite qui reposait sur deux statuts (3 octobre 1940, 2 juin 1941) qui excluaient les juifs de la communauté nationale. Pétain promulgua déjà le 3 octobre 1940 (cf. Journal officiel du 18 octobre 1940) une loi interdisant l’accès et l’exercice des fonctions publiques, ainsi que des professions de la presse, du cinéma et de la radio aux juifs.

Etaient considéré(e)s comme juifs/juives une „personne issue de trois grands-parents ou de deux grands-parents de la même race si son conjoint lui-même est juif“. L’occupant nazi n’avait jamais exigé ce texte, parler d’un „antisémitisme d’Etat vichyste“ n’est pas exagéré.

A partir de la grande rafle de Val d’Hiv, chaque semaine trois convois d’un millier de juifs chacun partiront pour le camp d’extermination d’Auschwitz. 43 convois pour l’année 1942, au moins 15.000 juifs seront encore envoyés dans les „camps de la mort“ les six premiers mois de 1944, alors que les Alliés avaient déjà débarqués. Vichy continua à envoyer néanmoins les „trains de la mort“ vers l’Allemagne.

La délation: C’est un système de dénonciation que l’on retrouve dans tous les régimes fascisants. Entre 1940 et 1944, le nombre de lettres écrites de délation alla en augmentant jusqu’à dépasser le million. Ces délateurs se dirent „bons Français“ qui voulaient rendre service au maréchal Pétain.

Ces délations étaient prises au sérieux donnant prétexte dans la plupart des cas à une ouverture d’enquête. La délation devint une arme redoutable et le régime de Vichy l’a élevée au rang d’acte civique. Cela a fini par marquer les consciences jusqu’à nos jours. La délation par exemple connaît un renouveau dans une France devenue depuis 2017 un „Etat d’urgence“. Il n’exista plus de présomption d’innocence, ni d’exigence de preuves. C’était le règne de l’arbitraire.

La croisade déguisée

C’est ce que les Américains ont vécu pendant la période du „maccarthysme“, puis pendant la Guerre du Vietnam. Les Anglais se sont servis de la délation en Irlande du Nord et les Espagnols au Pays basque. Franco et Salazar, par exemple, ont longtemps réussi à assurer leur pouvoir dictatorial grâce au système de délation qui maintenait une pression d’insécurité permanente sur la société.

Pour certains membres du clergé il était clair qu’il fallait soutenir les Allemands et beaucoup de Français s’étaient alliés à eux dans la „croisade contre le bolchévisme“ comme fut nommé dans ces milieux l’attaque nazie contre l’URSS. L’aumônier de la „ Ligue des volontaires français“ (L.V.F.) fut très explicite le 21 juin 1942 en parlant d’un côté de „sauvagerie soviétique“ et de l’autre de „civilisation chrétienne“. Cette civilisation chrétienne qui continue à imposer ses „valeurs“ dans l’Union européenne.

Et l’on ne peut pas prétendre que l’Eglise ait lâché les représentants de Vichy. Le 26 avril 1944, le cardinal Suhard reçut Pétain à Notre-Dame de Paris et il disait: „Que Dieu préserve le monde de la ruine vers laquelle il semble se précipiter. Nous vous sommes reconnaissants de venir l’en prier avec nous, Monsieur le Maréchal.“ La ruine était pour eux la défaite de l’Allemagne nazie face à l’URSS avant tout. Car le maréchal avait bel et bien mis en garde contre le bolchévisme. La célébration à Notre-Dame fut accompagnée par les „Petits chanteurs à la croix de bois“.

Le maréchal fut applaudi plus tard sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Plus tard c’étaient peut-être les mêmes qui applaudissaient De Gaulle à la même place. Le 14 mai 1944, Pétain fut accueilli à l’église Saint-Ouen par l’évêque de Rouen, Monseigneur Petit de Julleville, prit place sur un fauteuil d’or et pourpre pour assister à une messe à la gloire de Jeanne d’Arc. Succès garanti, on l’applaudissait à sa sortie et la foule chantait la „Marseillaise“. Le 6 juin 1944 à 14.15 h, il lança par „radio Vichy“ un message conseillant la neutralité aux Français: „N’aggravez pas vos malheurs par des actes qui risqueraient d’appeler sur vous de tragiques représailles“.

Milices

J. Darnand déclara dans une radiodiffusion le 7 juin 1944 : „ Les ordres sont clairs, considérez comme des ennemis de la France les francs-tireurs et partisans pour lutter contre l’anarchie et le bolchévisme, les rangs des forces de l’ordre sont ouverts à tous les Français … Miliciens, Français debout …“! (cf. La chronique de Vichy, p. cit. 487). Le 13 juin 1944, Darnand fut nommé Secrétaire d’Etat à l’Intérieur. Jusqu’à la lie, le gouvernement de Vichy continua à jouer son rôle en nommant ministres et secrétaires comme s’il n’y avait pas eu de débarquement.

Leur existence fut passée sous silence le plus vite possible après la libération. Après avoir joué le rôle de „Gestapo française“, ces milices ne voulaient à aucun prix accepter la défaite et continuaient le combat soit à l’Est avec les troupes SS allemandes, soit contre le maquis communiste en Yougoslavie et en Italie. La milice fut une légion de volontaires SS français et ils se regroupaient encore en octobre 1944 en Allemagne. 2.500 miliciens serviront dans la division SS „Charlemagne“, 7.000 à 8.000 se sont retrouvés dans des organisations comme Todt, Flak ou „Schutzkommando“. Ils luttèrent jusqu’à la fin pour l’idéal du „Reich“.

A la fin de la guerre, beaucoup de leurs chefs s’enfuyaient en Italie, d’où la voie leur était ouverte pour aller se réfugier en Amérique du Sud. Déat, un des chefs principaux de la milice, réussissait même à finir sa vie dans un couvent de Turin en 1955. Il s’était même réconcilié avec l’Eglise catholique avant de mourir. Mais, comme avait dit Philippe Pétain en 1940, en serrant la main d’Adolf Hitler à la gare de Montoire dans le Loir-et-Cher : „C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française (…) que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration“ (cf. Olivier Berger, La Voix du Nord 22.10.2017)!

Etaient-ce là les „principes puissants, généreux et féconds“ sur lesquels De Gaulle édifia son régime?