Un comble et une honte

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L’Arabie saoudite et les droits de l’Homme

Quand en janvier de l’année dernière des assassins sont venus perpétrer leur bain de sang au nom d’Allah, dans la rédaction de Charlie Hebdo, l’Arabie saoudite, même si c’était par des dignitaires de second rang, était présente dans la marche qui a défilé dans les rues de Paris. François Hollande avait fait appel à tous ses amis de par le monde pour venir dire non au terrorisme et à la barbarie.

Il voulait que ce non soit un oui à la liberté d’expression. Ceci alors que, à Ryad, le blogueur Raïf Badawi allait recevoir la première cinquantaine des mille coups de fouet auxquels il avait été condamné.

Un an plus tard, presque jour pour jour, l’Arabie saoudite a inauguré l’année 2016 en décapitant d’un seul coup 47 prisonniers politiques. Il y avait, parmi eux, des djihadistes sunnites en nombre, comme si à Ryad on voulait dire que c’en est fini avec l’appui du royaume wahhabite au terrorisme international.

Mais les bourreaux saoudiens ont également exécuté le cheikh chiite Nimr al-Nimr qui, lui, n’avait pas de sang sur les mains. Et condamné son neveu, Ali al-Nimr, un adolescent, à la peine capitale et à la crucifixion pour avoir participé à une manifestation.

Par là, l’Arabie saoudite est devenue un des rares pays au monde qui punissent de la peine de mort le simple fait de ne pas être d’accord avec le régime. Même des poètes y passent, comme le démontre le cas d’Ashraf Fayadh qui attend sa décapitation dans les couloirs de la mort.

On a mis au ban de la communauté internationale pour moins que cela. Oh! Il y a eu des protestations. Surtout de la part de l’Iran qui s’est senti directement visé par l’exécution d’al-Nimr. Mais à Washington, Londres, Paris ou Berlin on a préféré enfouir la tête dans le sable. La gifle destinée à l’Iran pourtant a ricoché également sur les joues des pays occidentaux.

Ces derniers, en effet, s’escriment à mettre sur pied une coalition la plus vaste possible pour apporter une solution politique à la guerre qui sévit en Syrie. Coalition dans laquelle, pour qu’elle soit crédible, l’Arabie saoudite et l’Iran doivent être des piliers. D’où le rapprochement spectaculaire des Etats-Unis, puis de l’Union européenne, avec Téhéran.

Rapprochement qu’on a du mal à digérer à Ryad. Parce qu’il reconnaît que l’Iran est, à côté de l’Arabie saoudite, „la“ puissance régionale sans laquelle rien n’est possible au Moyen-Orient. Si l’imam Nimr al-Nimr a été décapité, c’est pour faire capoter les négociations bien difficiles sans cela.

Si l’Arabie saoudite peut se permettre cela, c’est qu’elle pèse son poids d’or dans les rapports qu’elle entretient avec ses amis occidentaux qui, un à un, sont venus faire des courbettes devant le nouveau roi Salman et sont repartis avec des contrats juteux dans la poche. Est-ce pour cela que les Etats-Unis et l’Union européenne ont permis que l’Arabie saoudite prenne la tête du „Groupe consultatif“ du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU en septembre dernier? Une autre gifle. A la communauté internationale toute entière.

Ce „Groupe consultatif“, en effet, est chargé de sélectionner les rapporteurs des différentes thématiques qui seront débattues au sein du Conseil. En d’autres mots, il décide de qui est condamnable pour avoir piétiné les droits de l’Homme. Un comble.
Un comble et une honte! Bénie par Obama, Hollande, Cameron, Merkel et Jean-Claude Juncker.

En Arabie saoudite on continue de décapiter, de crucifier même, on y inflige des coups de fouet et coupe des membres. C’est le Coran qui fait la loi. Mais n’est-ce pas cela que l’Occident dit combattre quand il bombarde l’Etat islamique? Quand il s’insurge contre l’obscurantisme?

Voilà un double langage qui fait beaucoup de mal au Proche et Moyen-Orient. Il légitime d’un côté ce que de l’autre il combat. Il n’y a pas mieux pour décrédibiliser la lutte contre la barbarie.

dfonck@tageblatt.lu