Des suites dangereuses de l’incompétence

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On savait qu’en allant donner un coup de pied dans la fourmilière irakienne, l’Amérique de George Bush père et fils, risquait gros. Beaucoup d’experts avaient prévenu la Maison Blanche que l’Irak pouvait se transformer en une poudrière incontrôlable. Rien n’y a fait.

Les Bush y sont allés en Irak, après avoir inventé le prétexte d’armes de destruction massive que détiendrait Saddam Hussein. C’était en 2003.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

La suite, les stratèges du Pentagone la voulaient écrite d’avance. Intervention d’une armada, occupation du pays, retrait des troupes occidentales, une fois le travail terminé. Sur le papier c’était ça. Mais sur le terrain, la chute de Saddam Hussein a semé la pagaille. Tout comme celle de Kadhafi en Libye. Et il en serait de même si, en Syrie, Bachar al-Assad devait être renversé.

On a alors fait croire, quand la guerre s’est enlisée, que Saddam était, entre autres, un allié du terrorisme international, celui-là même qui en septembre 2001 avait envoyé ses avions détruire les tours jumelles du World Trade Center à New York. Or, ces alliés se trouvaient (et se trouvent encore) ailleurs, dans des pays amis, qui, en Syrie notamment, arment les djihadistes dans une guerre fratricide entre sunnites et chiites.

Une guerre que les néoconservateurs de la Maison Blanche n’ont pas vue venir, eux qui ne faisaient pas dans la nuance quand il s’agissait de diaboliser l’islamisme. Ils n’ont donc pas pu ou pas voulu anticiper les enjeux stratégiques nouveaux du Moyen-Orient. Des enjeux, on le constate aujourd’hui, nourris essentiellement par la rivalité historique entre chiisme et sunnisme.

A vouloir imposer sa loi …

Car, si l’Arabie saoudite et le Qatar sunnites soutiennent la rébellion en Syrie, alors que l’Iran chiite s’est logiquement rangé du côté de Bachar al-Assad, c’est justement parce qu’il y va bien, dans tout ce que le Moyen-Orient recèle de conflits, de cette rivalité-là.

Quand donc, une fois Saddam renversé et les soldats américains retirés de l’Irak, les chiites se sont emparés du gouvernement irakien, l’instabilité du pays était programmée. D’autant que, à Bagdad, on n’a rien fait pour désamorcer la bombe religieuse, les chiites évinçant et réprimant les sunnites, accusés en bloc d’être des soutiens de Saddam.

Tant que l’armée américaine faisait la loi, la fronde sunnite a pu être contenue plus ou moins. Mais la guerre civile syrienne, où tout ce que la région et le monde comptent de djihadistes s’est donné rendez-vous, a fait couler du sang nouveau dans les groupes djihadistes sunnites, et parmi eux, l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Ce dernier, retranché dans quelques bastions, a pu relever la tête et se lancer sur le front syrien pour s’aguerrir. A tel point qu’en Syrie, les autres rebelles, pour freiner son ardeur, lui ont livré bataille. Mais son efficacité dans les combats et l’attraction de son programme politique visant l’instauration d’un califat régional regroupant la Syrie, le Liban et l’Irak, lui a fait pousser des ailes.

Ainsi, alors que toute l’attention des médias internationaux était tournée vers la Syrie, l’EIIL a-t-il, dans l’indifférence presque générale, fait main basse sur la ville irakienne de Falloujah au début de cette année. L’armée irakienne n’a pas su contenir l’assaut.

Aujourd’hui, après seulement quelques jours de combats éclairs, Mossoul, Tikrit, Kirkouk et toute la province pétrolière de Ninive vivent sous le drapeau noir des djihadistes sunnites et, avec une surprenante agilité, leurs troupes avancent sur Bagdad. Cela fait penser aux talibans qui, après le retrait soviétique, ont pu entrer dans Kaboul en Afghanistan.

Mais cette avancée fulgurante de l’EIIL s’explique avant tout par le fait qu’une bonne partie de la population ainsi que bien des chefs de clan locaux, sans oublier les anciens dignitaires du parti Baas (de Saddam Hussein), se sont ralliés à sa cause. Humiliés et réprimés par le pouvoir central qui n’a pas voulu jouer la carte de la réconciliation nationale, ils se sont jetés dans les bras des djihadistes et comptent bien faire chuter le régime chiite mis en place avec l’aide des Etats-Unis.

Plus de dix ans après l’invasion occidentale, l’Irak risque ces jours-ci l’implosion. L’instauration d’un califat basé sur la charia est à portée de fusil. Un désastre, non seulement au Moyen-Orient où l’embrasement général est à craindre, mais dans le monde entier, car l’EIIL est devenu un pourvoyeur international de djihadistes prêts à continuer le combat partout où c’est possible. Et notre planète, si l’on y rajoute les tragiques erreurs face à l’Ukraine, est devenue encore plus dangereuse.