Cannes, autrement

Cannes, autrement

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1939-2016

Non, il n’y a pas de grand débat national. Vacances de Pentecôte obligent, le patronat et les syndicats ne se chamaillent pas et offrent ainsi aux politiques une sorte de trêve des confiseurs.
Alors, une fois n’est pas coutume, tournons-nous vers la Croisette, histoire de comprendre un engouement bien plus complexe qu’il n’y paraît à première vue.

Certes, il y a les stars, des Julia Roberts aux George Clooney. Ils font rêver parce qu’ils sont beaux et que le rêve est partie intégrante de la vie de chacun, humble ou riche, jeune ou vieux. Et ils ont du talent!

Il y a le glamour donc, de Cannes à Berlin en passant par Venise, parce que c’est le propre des festivals. Et puis il y a l’art et le cinéma qui en sont des composantes essentielles. Cannes a le mérite, au-delà de la sélection officielle, d’offrir un festival off, un festival des jeunes réalisateurs, des courts-métrages, etc., etc. Autant de façons de donner leur chance à la relève à des jeunes artistes et créateurs qui ne disposent pas des budgets des grandes productions et dont le talent laisse pressentir les percées de demain.

Le Festival, c’est une industrie qui crée de l’emploi, c’est un commerce qui fait vivre toute une ville à travers ses hôtels, restaurants, bistrots, plages, boutiques, coiffeurs, bijoutiers et l’impact sur le fameux PIB local est considérable. C’est encore le meilleur PR, lisez Public Relations officer, bref une opération de communication à l’adresse des touristes du monde entier et Cannes, comme n’importe quelle autre station balnéaire essaie de vivre le reste de l’année.

L’essentiel est toutefois ailleurs.

Et si le Festival international du film de Cannes, né en 1939 (en septembre d’ailleurs), avec le but de s’opposer à la Biennale du cinéma vénitien dont l’organisation fut pilotée par Hitler et Mussolini, exista sans avoir eu vraiment lieu, 1946 en marqua le véritable coup d’envoi. Etait-ce le reflet de nous-mêmes, de nos sociétés, de notre monde?

On reproche quelquefois à Thierry Frémaux de sélectionner, comme à Gilles Jacob avant, trop de films d’auteur. En fait, ces films retracent tout ce qui coince sur notre planète, du Moyen-Orient à l’Afrique, de l’Asie à l’Amérique latine. Ces œuvres nous parlent du sort des minorités, du sort des femmes, des immigrés, des réfugiés, des migrants.

Elles nous confrontent avec la corruption, l’injustice, l’hypocrisie et nous font réfléchir sur la maladie, la vie, la mort, l’amour.
Nous voilà loin des starlettes et des paillettes et pourtant, si l’on veut bien cesser de préjuger et de renoncer aux rires rapides, gras, bêtes et méchants, on comprendrait mieux la raison d’être de manifestations que seuls les superficiels décrivent comme vaines.
Peut-être est-ce pour cela que la montée d’un tapis rouge devient soudainement un acte politique, au sens noble du terme.