René Monory, un garagiste devenu deuxième personnage de l’Etat

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René Monory, mort samedi dans la Vienne à l'âge de 85 ans, était un \"self-made man\".

 Cet ancien garagiste autodidacte avait franchi patiemment tous les échelons pour se retrouver, 33 ans après son entrée en politique, président du Sénat, c’est-à-dire deuxième personnage de l’Etat. L’ancien sénateur UMP de la Vienne, „père du Futuroscope“, s’est éteint tôt samedi matin à Loudun, dans sa maison de famille, selon Patrick Flot, le sous-préfet de Montmorillon. Ses obsèques auront lieu jeudi à Loudun, a indiqué à l’Associated Press Eleftherios Benas, maire de la commune, qui a fait mettre les drapeaux en berne sur les bâtiments publics de la ville. „Loudun a perdu un sage pour certains, un père spirituel, et pour d’autres fils“, a-t-il déclaré à l’AP.
Sa „carrière, à l’image de sa propre vie, s’est inscrite dans le respect intransigeant des valeurs humanistes“, a souligné Nicolas Sarkozy. Un „humanisme social“ qui s’exprima „dans la loi toujours en vigueur qui porte son nom et qui fut la première à comporter des mesures spécifiques visant à encourager l’actionnariat salarié“, a rappelé le président dans un communiqué, rendant hommage au „père du Futuroscope de Poitiers“, qui laissera, avant tout, le souvenir d’un homme tourné vers l’avenir et les sciences“. La première secrétaire du PS Martine Aubry a salué de son côté à un „grand humaniste, un homme énergique tourné vers l’avenir infatigable créateur de modernité politique“. L’histoire de René Monory est une histoire „à l’américaine“: le garagiste né le 6 juin 1923 à Loudun (Vienne), brusquement saisi du démon de la politique, s’installe dans le fauteuil de maire de sa ville natale en 1959. Ce n’est que le début de son ascension: en 1961, il entre au conseil général, puis se fait élire au Sénat en 1968. Secrétaire national des Démocrates sociaux en 1976, il entre l’année suivante au gouvernement et prend le portefeuille de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat. L’homme n’est pas à proprement parler un intellectuel féru d’histoire ou de littérature. „La culture? C’est être bien dans sa peau!“, répondra-t-il un jour à un journaliste soucieux de connaître ses goûts littéraires. En 1978, celui qui affirme n’avoir jamais lu un livre d’économie et fait du „bon sens“ une règle de vie, devient ministre de l’Economie du Premier ministre Raymond Barre. A ce poste, il invente les désormais célèbres SICAV. „C’était un homme qui avait un très grand jugement, une très grande clarté d’esprit, qui cherchait à bien comprendre, qui avait un langage très direct“, a rappelé samedi sur RTL l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing. „Il n’avait pas de culture économique académique, mais il avait autre chose: il avait la connaissance concrète de l’économie“. Après la victoire de la gauche, en 1981, René Monory se consacre à sa région du Poitou-Charentes. Sa grande oeuvre, sur laquelle il est intarissable, c’est le „Futuroscope“ de Poitiers, parc scientifique de loisirs ouvert en 1987. La victoire de la droite en 1986 le ramène au gouvernement: il hérite d’un portefeuille difficile, l’Education nationale. Le plan de réforme des universités provoque la colère des lycéens et étudiants. Une colère qui finira par un drame: la mort de Malik Oussekine dans une manifestation au Quartier Latin. Alain Devaquet, ministre de l’Enseignement supérieur, devra démissionner. Quant au plan, il est remis dans les tiroirs. En 1992, René Monory saura parfaitement négocier sa candidature au remplacement d’Alain Poher à la présidence du Sénat. Dans l’atmosphère byzantine du Palais du Luxembourg, son „bon sens“ et une indiscutable dextérité font de lui le candidat unique de l’UDF, ce qui, dans le contexte de l’époque, était déjà en soi un exploit politique.
Revêtir l’habit de deuxième personnage de l’Etat ne le changera guère. Le style Monory tranche avec celui de son prédécesseur. Le nouveau président du Sénat s’exprime beaucoup dans la presse et parle davantage d’économie que de politique. L’homme n’a pas changé mais on commence à lui prêter, dès l’automne 1992, quelques ambitions présidentielles. Il préférera finalement laisser aux autres le soin de se disputer la fonction suprême. En 1998, il doit céder, à 75 ans, le siège de président du Sénat à Christian Poncelet qui, du même coup, met fin à 30 années de présidence centriste de la Haute assemblée. Depuis, René Monory s’était peu à peu mis en retrait de la vie politique. En 1988, il avait déjà laissé la présidence de la région Poitou-Charentes à Jean-Pierre Raffarin. En 2004, le sénateur UMP de la Vienne décide de ne pas se représenter et de quitter la Haute assemblée. Il n’y reviendra plus.