ComédieUne fable politique douce-amère: „Présidents“ d’Anne Fontaine

Comédie / Une fable politique douce-amère: „Présidents“ d’Anne Fontaine
Jean Dujardin incarne Nicolas Sarkozy, l’ancien président de la République  Photo: AFP/Valery Hache

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Le film de la réalisatrice franco-luxembourgeoise Anne Fontaine „Présidents“ mettant en scène l’association improbable de deux anciens présidents de République en vue des élections présidentielles de 2022 est actuellement projeté dans les salles obscures. Cette comédie fictionnelle, à la fois badine et grave, savoureuse et stimulante, offre aux spectateurs un miroir grossissant sur les rapports de pouvoir et sur la nature humaine, diverse et ondoyante. Une question essentielle se pose: la (re)conquête du pouvoir peut-elle rendre heureux?

D’emblée l’emploi du pluriel dans le titre de cette comédie frappe le public et provoque ainsi son premier étonnement, donc son premier questionnement: comment se fait-il que deux anciens présidents de la République française que tout oppose (tant du point de vue de la personnalité que du profil politique) s’associent, tant bien que mal, en vue de remporter, grâce à leur mouvement „La France pour toujours“, les élections présidentielles de 2022 contre une certaine dame blonde incarnant les idées de l’extrême droite?

L’introduction au film semble nous faire comprendre, selon la formule consacrée, que „toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite“. Ne serait-ce pas là le premier artifice fantaisiste destiné à brouiller les pistes, à pratiquer un subtil jeu d’allusions et de références faisant mine de ne pas en être? Deux couples constituent les forces en présence: Nicolas (Jean Dujardin) et son épouse Nathalie (Doria Tillier), qui est chanteuse lyrique; François (Grégory Gadebois) et Isabelle (Pascale Arbillot), qui est une vétérinaire passionnée, amoureuse des bêtes et de son métier.

Dans ces deux binômes, chaque personnage a une identité propre, ancrée à la fois dans le réel et dans le symbolique. Lumineuse, radieuse, Nathalie fait des vocalises à tout bout de champ; plus intellectuelle et plus profonde, Isabelle est une femme engagée, soucieuse de son métier et des réalités. Sorte d’épouse modèle, elle incarne une forme de sagesse de la terre, souvent proche de la vérité. Nicolas est un battant assoiffé de pouvoir, prêt à tout, du moins en apparence, pour le reconquérir. A l’extrême inverse, François mène une vie retirée et routinière à la campagne; il goûte l’air de la nature, le miel qu’il produit, s’enivre des paysages bucoliques qui l’entourent, mais s’ennuie fermement. Ces deux entités vont-elles pouvoir trouver un modus vivendi et operandi adéquat?

Destin constitué de méandres

Le film d’Anne Fontaine regorge d’allusions et de références que le public s’emploiera à décrypter en sorte de profiter pleinement de cette sorte d’expérience synesthésique qu’offre cette fable à la fois humaine et politique: elle combine non seulement différents sens, mais encore diverses réminiscences d’événements ou de petites phrases, qui font tout le sel des séquences qui jouent à la fois avec l’humour et avec l’allusion pour faire sourire un spectateur curieux et attentif. C’est en ce sens que le film d’Anne Fontaine donne l’impression, jouissive, de pénétrer dans les coulisses d’une psyché et d’une vie que l’on perçoit de l’intérieur. François peste contre la trahison de Macron et Nicolas rêve de gloire et de grandeur, à la fois quand il se rase et quand il fait du vélo!

Dans une telle optique, les scènes (et les répliques) cocasses ne manquent pas: le spectateur les appréciera à sa manière, mais ce qui est sûr est qu’elles ne laisseront personne indifférent, et ce d’autant plus qu’elles sont d’un comique multidimensionnel. Cela permet de rappeler qu’Anne Fontaine est également la réalisatrice de „Gemma Bovery“ (2014) et force est de constater que l’esprit flaubertien n’est pas absent de ce film et de certaines séquences qui respirent le parfum de l’ermite de Croisset dans la mesure où le grotesque le dispute au ridicule, et ce pour notre plus grande délectation. François, l’homme „normal“ et tranquille, ainsi que Nicolas, le flatteur manipulateur, vont en faire les frais lors d’une campagne qui les conduira à un résultat inespéré et imprévu … Le destin des hommes (politiques) est constitué de méandres qui ne manqueront pas de nous faire réfléchir aux aléas doux-amers de notre existence.

Disperdal
6. Juli 2021 - 13.36

Hâte de le voir. Très prometteur.