Un caïd de Paris

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Vautrin, personnage reparaissant dans les romans d’Honoré de Balzac (1799-1850), est un ancien bagnard secrètement monté à Paris pour y créer une association de forçats avec la mission de plumer systématiquement les riches „honnêtes“ gens. / Marc Weinachter

Ce qui nous vaudra, dans l’adaptation serrée et un peu sèche d’André Charpak au théâtre, une illustration amusante de quelques pillages et escroqueries exécutés avec finauderie.

Atmosphère de mystère et de danger, au lever du rideau, enveloppant deux figures presque fantomatiques se glissant subrepticement comme la peste à travers les égouts dans le ventre de Paris. Vautrin, ce froid railleur et dur à cuire à toute épreuve, a promis à son fidèle compagnon de chaîne Constantin de lui faire traverser le Rubicon parisien pour débarquer au milieu de l’opulence et insouciance des nantis de la Place Royale et du Faubourg St Honoré. Surgissant ainsi à l’improviste parmi d’aisés bourgeois ragaillardis par la Révolution et de fortunés nobles requinqués par la Restauration d’après 1815, les deux compères, assoiffés d’argent et de pouvoir, n’ont à cœur que de prendre revanche sur leur sort et de mettre aussitôt que possible la main sur le veau d’or.
Et Vautrin, en philosophe pragmatique et filou averti, d’inculquer plusieurs principes de comportement et de stratégie à son jeune pote pour parvenir au but. A l’emporte-pièce des formules aussi cocasses que surprenantes sont hardiment lancées à la ronde par un Vautrin exubérant de confiance et de passion d’agir. Ainsi, il conseille à Constantin pour réussir, en tant que scélérat, de paraître plus qu’un honnête homme, car avec un peu de probité et beaucoup de tenue, on peut devenir ministre. Pour diriger la fatalité, il faut connaître tous les rouages, ce qui implique, entre autres, de considérer les femmes comme des instruments et la police comme un organe facile à noyauter et à prendre en main.

Confusionsur l’identité

Avec l’aide de ses complices, Vautrin va par la suite jeter son choix sur un riche et naïf baron – interprété avec moult afféterie et préciosité par Philippe Noesen – auprès duquel il introduira son frère de bagne comme un illustre comte polonais s‘étant épris de sa fille Alexandrine. En attente du proche mariage, le temps sera encore mis à profit pour dépouiller la famille du baron de quelques ostentatoires objets de valeur.
Prévoyant une possible suspicion du baron dupé et l’intervention de la police, Vautrin, en raffiné chef de bande, prendra les devants en court-circuitant tout le monde. Ayant joliment démarré, cette inattendue pittoresque pièce policière allait cependant par la suite prendre rapidement du plomb dans les ailes. Les différentes scènes plutôt coupées, sans réel cordon ombilical, et presque exclusivement centrées sur une déclamation trop classique des personnages (voir les tirades du baron), apparaissaient souvent exagérément caricaturales et figées dans les poses; un manque de réelle interaction se faisant cruellement ressentir à tout bout de champ.
Avec les scélérats valsant entre brigadiers de sûreté, police judiciaire et agents de police parallèle, une confusion sur l’identité des personnages ne tardait à s’installer et à brouiller les pistes au point de noyer l’attention du spectateur.
La plupart des personnages secondaires semblaient ainsi être poussés et coincés dans l’engrenage d’une histoire, sur laquelle ils n’avaient de vraie prise.
Restaient en point de mire dans le déroulement un peu cahotant, le solide abattage et le tonus fournis par Marc Olinger à la figure centrale de Vautrin. A la croisée d’un vaillant bandit de la trempe de Cartouche, d’un froid et cynique mystificateur du nom de Vidocq et d’un gourou manipulateur comme Raspoutine, le Vautrin campé sur scène en imposait par sa stature et son autorité de caïd. Jean-Marc Barthélemy, bien dans la peau du fidèle des fidèles, fit calmement surmonter à ce dernier ses hésitations pour conter poétiquement fleurette à la belle Alexandrine, à laquelle Marie Lune prêtait avec candeur tout le romantisme de son nom. Retenons encore la drôlerie besogneuse de Guy Robert en Lafouraille, ankylosé par toutes ses tractations, pour dire qu’en général tous les autres acteurs tâchaient au mieux de fournir un soupçon d‘épaisseur aux fragiles silhouettes éphémères de leurs rôles – bandits et policiers confondus.

Vautrin
Théâtre des Capucins
Les 26, 27 et 28 novembre
à 20 h
Le 30 novembre à 18.30 h
Tél.: (+352) 47 08 95-1