Guilty Pleasures„Play it again, Elliott!“

Guilty Pleasures / „Play it again, Elliott!“
Amandla Stenberg et André Holland dans „The Eddy“  (C) Netflix

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Le réalisateur franco-américain Damien Chazelle, oscarisé pour „La La Land“ a réalisé les deux premiers épisodes de la nouvelle mini-série de Netflix, „The Eddy“.

Nul n’ignore que Damien Chazelle aime la musique. Cet ancien batteur en avait fait le thème de son premier long métrage „Whiplash“, qui suivait le destin d’un jeune musicien de talent face à un mentor particulièrement cruel. Ensuite vint une comédie musicale sous le soleil angeleno: „La La Land“, qui chantait Hollywood dans une esthétique nostalgico-romantique aux couleurs acidulées. Pour „The Eddy“, Damien Chazelle s’éloigne davantage de la sauce blockbuster, à l’image comme dans la narration (suivant un scénario du dramaturge, scénariste et producteur britannique Jack Thorne). Cette mini-série de huit épisodes se déroule dans les quartiers nord de Paris, loin d’une présentation carte postale de la capitale et s’intéresse à un groupe de personnages éclectiques liés au club de jazz The Eddy.

Elliott Udo (remarquable André Holland qui s’était déjà distingué dans „Moonlight“) est un ancien pianiste de jazz réputé, qui a quitté la scène et la ville de New York après la mort de son jeune fils. Aujourd’hui, il s’est lancé dans l’aventure du club The Eddy avec son ami et associé Farid (Tahar Rahim, que l’on ne présente plus). Ils ont réuni ensemble une petite troupe de talentueux musiciens d’origines variées – de la Pologne à Cuba ou Haïti en passant par la Croatie et l’Amérique – pour chanter et jouer sur scène chaque soir (du jazz composé par Glen Ballard, notamment connu pour ses collaborations avec Alanis Morissette ou Michael Jackson). C’est alors que débarque la fille d’Elliott, Julie, après une crise d’adolescence compliquée et un scandale familial impliquant son beau-père. Elliott se retrouve face à ses responsabilités de père, au moment où le destin du club bascule.

Si une intrigue policière sous-tend le récit d’un bout à l’autre, ce qui accroche avant tout dans „The Eddy“, c’est l’atmosphère que les quatre réalisateurs de la série et leur équipe sont parvenus à créer. Houda Benyamina („Divines“), Laïla Marrakachi („Marock“, „Le Bureau des légendes“) et Alan Poul („Tales of the City“, „Six Feet Under“) se sont succédé derrière la caméra à la suite de Damien Chazelle, qui a réalisé les deux premiers épisodes. Seul l’oscarisé franco-américain s’est vu décerner par Netflix l’honneur de tourner en super 16 mm, afin d’instaurer un look véritablement cinématographique à la série. Il y a du grain, un vrai travail de lumière et une esthétique inspirée de la Nouvelle Vague et de son influence sur le cinéma américain des années 1970, composée avec le directeur de photographie Eric Gautier, qui a notamment collaboré avec Alain Resnais, Olivier Assayas ou encore Sean Penn. Malgré le passage imposé au numérique dès le troisième épisode, toute l’équipe s’est acharnée à maintenir une constante dans le travail de l’image. C’est réussi.

Creuser les destins

Se voir offrir une série qui ne mise pas sur un high concept asséné à coups de massue tout au long de ses épisodes fait beaucoup de bien, et l’on prend plaisir à plonger dans cet univers qui célèbre l’amour de la musique à tout prix, et offre un aperçu sensible et réaliste de la vie de ces passionnés qui s’accrochent au jazz comme à une bouée.

André Holland est impressionnant de justesse et de subtilité, et le duo père-fille qu’il compose avec Amandla Stenberg est crédible et attachant. On est heureux de retrouver les acteurs Alexis Manenti (découvert dans „Les Misérables“) et Jisca Kalvanda („Divines“). On aime aussi la façon dont les personnages passent – parfois en milieu de phrase – d’une langue à l’autre et l’occasion qui est créée d’explorer les différentes cultures et origines réunies dans ce microcosme du nord parisien. Certaines longues séquences de concerts filmés rappelant „Whiplash“ sont parfois un brin répétitives et l’on flirte par brefs moments avec les bons sentiments, mais la plupart du temps l’équilibre est suffisamment bien tenu pour que l’émotion passe, simple, juste et forte. La scène de funérailles aux accents de la Nouvelle-Orléans en est un bel exemple.

Il fait bon consacrer un épisode à chaque protagoniste et utiliser la série non pas pour aller toujours plus haut et plus loin dans les rebondissements, mais au contraire, pour permettre de creuser les destins et la psychologie des personnages qui en font le sel. Tout n’est pas incroyablement surprenant, il y a parfois des ressorts attendus, mais on prend plaisir à suivre ces destins et à plonger dans l’univers qui nous est donné à voir de ces musiciens venus des quatre coins du monde pour se dévouer à ce qui, plus que tout, donne du sens à leur existence et les unit. Une bonne surprise!