Musée d’art moderne de la ville de Paris / Nicolas de Staël: une focale jusqu’à la brûlure

Nicolas de Staël, „Agrigente“, 1954, huile sur toile, 60 x 81 cm. Collection privée/Courtesy Applicat-Prazan, Paris.
La rétrospective Nicolas de Staël a lieu vingt ans après celle du Centre Pompidou, avec des toiles rarement montrées, un nouvel éclairage sur son art, le temps passant. La légende de Staël se réactive, son œuvre nous éprouve depuis son essence vive, ses points de focale, ses espaces ramassés ou aérés, dans une vision en perpétuel renouvellement.
Nicolas de Staël (Saint-Pétersbourg 1914-Antibes 1955) ne laisse pas indifférent. Ses œuvres s’adressent au plus grand nombre, même si cela n’a pas été le cas de son vivant, lorsqu’on lui reprochait de ne pas être abstrait, alors que c’était l’époque. Le sujet est, à sa manière, si reconnaissable, lignes brisées soulevant la matière, hachures qui peu à peu s’aèrent. Dans une ossature forte. Les tesselles s’élargissent, la palette s’éclaircit, la lumière aux arêtes vives devient méditerranéenne. Quiconque a vu une œuvre de Staël la reconnaîtra d’emblée.
Les dernières vibrent jusqu’à la brûlure, une sensation si vive de lumière, l’espace ramassé autour d’un point de focale, elles nous écorchent l’âme en même temps qu’elles nous procurent de la joie. La nécessité de peindre l’emporte sur tout, avec le temps les formats s’agrandissent. Nicolas de Staël est le premier peintre européen à peindre „aussi grand“. Avec cette sensibilité depuis toujours. Une âme romantique qui évite les pièges de la représentation facile.
Certes, il aura tenté des portraits, mais s’en éloignera pour une peinture fortement structurée, qui trouve une harmonie dans le mouvement, ainsi les célèbres footballeurs. Avant de devenir plus méditative, en aplats de couleurs pures et contrastées, la lumière venant adoucir et révéler – toujours ces deux pôles, l’accentuation, la douceur, la joie, la mélancolie –, comme les paysages siciliens. Nicolas de Staël se promène, visite des pays, en revient gorgé de sensations, les résout sur la toile. Une accumulation de perceptions qui trouvent leur ordre, leur cohérence.
„Je fonce tant que je peux“
Le parcours, chronologique, donne les différentes époques et leurs évolutions, depuis les toiles de 1940, sombres, empâtées, traversées de signes violents, jusqu’à celles, lumineuses et dépouillées de 1955. „C’est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux“, écrivait l’artiste.
Peintre français d’origine russe, Nicolas de Staël a fui avec sa famille la Russie au moment de la révolution de 1917, pour s’installer en Pologne. Très tôt orphelin, Nicolas et ses sœurs vivront dans une famille d’adoption belge. Nicolas de Staël manifeste un goût vif pour l’art, renforcé par ses voyages, et s’inscrit en 1932 à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. Il continue de voyager, visite les musées en Espagne, se rend au Maroc où il rencontre Jeanine Guillou, une jeune peintre qui deviendra sa compagne. Ensemble ils s’installent à Paris, où ils vivent pauvrement. Nicolas de Staël plonge dans l’abstraction et travaille dans des couleurs sombres des formes que Jeanine décrit comme „sans fin torturées, repeintes, massacrées, bousculées“. En 1946, la mort prématurée de sa compagne signe la fin de cette période.
Nicolas de Staël refuse d’être qualifié d’abstrait. Il se refuse à toute classification, faisant de l’œuvre un instant de pureté et d’exigence, qui échappe à l’intellectualisme. „Le peintre aura toujours besoin d’avoir devant les yeux, de près ou de loin, la mouvante source d’inspiration qu’est l’univers sensible“ (Nicolas de Staël). L’exposition de son œuvre en 1951 à New York connaît un grand succès. Et à Paris, le marchand d’art Jacques Dubourg s’intéresse au peintre. Nicolas de Staël varie les formats, allant du tableautin au monumental. Il travaille plusieurs toiles en même temps, ce qui lui permet de faire évoluer son style, de travailler dans la spontanéité et la lenteur, l’innovation et le temps. Après les toiles à la structure grumeleuse, il est attiré par les vibrations de la lumière. Son travail est physique, dans un corps à corps sensible. Il peint longtemps, ne peut envisager la vie sans la peinture.
Sa rencontre avec Jeanne Polge, dont René Char lui a parlé, avivera sa passion pour la vie. Il en tombe éperdument amoureux et, pas à un paradoxe près, voyage avec celle-ci et sa deuxième épouse enceinte, ses enfants. Comme si Jeanne était le prétexte à l’écorchure, à l’idéal, à la beauté d’une vie aventureuse. Un entretien remarquable dans le catalogue de l’exposition avec Anne de Staël, fille aînée du peintre et de sa première compagne, Jeanine, éclaire la personnalité de l’artiste, sa relation à la vie et au temps, qu’il ne dépense jamais autrement qu’à sa passion artistique. Quant aux paysages qu’il peint, ces plages de couleurs aux contours diffus, éclaboussées de lumière, ils donnent une impression indicible de calme, de sérénité. Il n’est plus question là d’abstraction ou de figuration, mais d’une vision atemporelle, sublime. Le langage de Nicolas de Staël s’adresse à notre sensibilité et nous invite à la contemplation. À propos de ces paysages, Nicolas de Staël dit qu’il s’agit „des images de la vie, qu’il reçoit en masses colorées“, des images „à mille vibrations“.
En 1953, Nicolas de Staël achète un manoir dans le Midi de la France, Le Castellet. Reconnu, sa situation financière stable, il n’en demeure pas moins anxieux, voué au travail. Ses toiles sont dépouillées. Et c’est dans cet éclaboussement et cet éblouissement propres au Sud, que Nicolas de Staël se suicide en se jetant par la fenêtre de son atelier, à Antibes, le 16 mars 1955.
Infos
Nicolas de Staël
Jusqu’au 21 janvier 2024
Musée d’art moderne de la Ville de Paris
mam.paris.fr
Catalogue Nicolas de Staël: 49 euros (éditions Paris Musées)
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