Cinéma / Michel Gondry de retour avec „Le livre des solutions“

„Chaque idée qu’il a, Marc (Pierre Niney) a envie de la voir se réaliser. Peu importe la manière dont il réalise l’idée, il lui faut la faire exister dans le monde réel, sinon il n’est pas un homme“, explique le réalisateur Michel Gondry
Dans „Le livre des solutions“, Michel Gondry montre un cinéaste au travail, dans ce qui relève de l’autoportrait. Interview avec un réalisateur au sommet de sa fantaisie.
Pour garder le contrôle sur son film qu’il n’arrive pas à terminer, Marc (Pierre Niney) s’enfuit avec les rushs …dans les Cévennes. Installé dans la petite maison de sa tante Denise (Françoise Lebrun), Marc Becker arrête de prendre ses médicaments, d’un coup. „Triste le matin, manipulé l’après-midi“, le voilà submergé par une avalanche d’idées désorganisées qu’il soumet frénétiquement à ses collaborateurs. Délire? Génie? C’est que Marc a dix mille idées à la minute, farfelues, iconoclastes. La plus belle? Ecrire à la main le „Livre des solutions“ dans lequel il dépose ses fulgurances et autres réflexions, profondes, du moment.
Sa monteuse (Blanche Gardin), ultra-patiente, son assistante (Frankie Wallach), et son technicien (Mourad Boudaoud), tous au bord de la crise de nerfs, assistent au feu d’artifice de visions farfelues … avec bienveillance. Michel Gondry s’appuie sur son expérience personnelle lors de la postproduction de „L’écume des jours“ (2013) que les producteurs refusent. Il décide alors de se réfugier chez sa tante dans les Cévennes, loin des financiers insatisfaits. Michel Gondry revient sur cet échec et, à travers Pierre Niney, livre un autoportrait sans complaisance. Une comédie délirante, poétique dans laquelle Marc/Michel dévoile avec fantaisie et humour un épisode de trouble bipolaire qui a stimulé sa créativité. Un film courageux, bouleversant et efficacement drôle. Rencontre à Bruxelles.
Tageblatt: „Le Livre des solutions“ est largement autobiographique. Etait-ce une nécessité de le réaliser?
Michel Gondry: La première nécessité pour un cinéaste, c’est d’avoir l’occasion de faire un film. Cela paraît toujours être du luxe de dire qu’on va le faire pour telle raison, pour défendre telle idée, pour guérir … Parce que la vérité, pour moi, et je pense que je ne suis pas le seul, c’est qu’on espère pouvoir faire le film. Après, on se rend compte qu’on raconte des choses et que cela doit avoir une répercussion, une incidence. Mais, au départ, ce serait un peu mentir que de dire qu’on a fait le film pour un message. Le message est un plus. Il peut être fort, juste. Mais c’est important, pour moi, de dire que je n’ai pas fait un film pour dire ceci ou cela. C’est un luxe de faire un film pour une idée.
La maison de votre tante est un vrai personnage du film. Etait-ce important pour vous de retourner dans ce décor-là?
C’était un luxe qui se présentait à moi et cela paraissait évident parce que c’est une action qui s’est passée il y a huit ans et que je reproduis de manière assez précise. Si je n’avais pas ce décor, j’aurais cherché des choses, partout, qui ressemblaient. D’avoir le vrai décor m’avait permis d’avoir tout en tête, de visualiser tous les chemins, les routes qui me permettaient de raconter l’histoire et de les utiliser. C’était une expérience assez unique surtout que je retournais dans la maison pour la première fois depuis la mort de ma tante. Comme j’étais professionnellement dans cet endroit, cela m’a permis de me le réapproprier d’une manière sereine. Cependant, quand on a fait des scènes dans la chambre de ma tante, j’ai eu un petit pincement au cœur. Mais cette maison, je la connais depuis tout petit et rien ne m’embêtait. A partir du vent, de l’air, de rien, on a matérialisé des choses qui étaient juste des idées qui m’ont traversé la tête. C’est immense comme transformation. C’est pour cette raison que, dans le film, chaque idée qu’il a, Marc a envie de la voir se réaliser. Peu importe la manière dont il réalise l’idée, il lui faut la faire exister dans le monde réel, sinon il n’est pas un homme. Quand Marc dit : „On n’est pas un homme tant qu’on n’a pas fabriqué une chaise“, c’est ce que je pensais dans ma tête.
La table, pour moi, est une machine à écrire ses idées. C’est incroyablement important. Un bout de papier, un crayon: avec ça, on peut aller déjà super loin.réalisateur
Quand Marc écrit son „Livre des solutions“, il semble s’apaiser. Quelle est l’importance du papier quand on fait un film?
Quand j’ai des copines et qu’elles veulent faire quelque chose de créatif, je leur offre toujours comme cadeaux un instrument de musique, un ordinateur, une table … La table, pour moi, est une machine à écrire ses idées. C’est incroyablement important. Un bout de papier, un crayon: avec ça on peut aller déjà super loin. Tout est possible. Et d’ailleurs, des gens en prison munis d’un bout de papier et un crayon est quelque chose d’incroyable pour eux. Je me rends compte de la chance que j’ai d’avoir tous les outils. Ce qu’on écrit n’a pas forcément d’aboutissement, mais cela continue à évoluer. L’idée devient physique. C’est jubilatoire. On se met à croire que cela va marcher. On croise les doigts.
L’utilisation des ciseaux est très présente dans le film …
Je suis constamment en train d’utiliser des ciseaux. Je découpe du papier, des heures, des nuits, des années … Physiquement, j’ai un certain intérêt pour les ciseaux. Couper les scènes au montage, c’est difficile, mais c’est nécessaire. Il faut se faire violence. Au départ, le film ne ressemble à rien. Il y a des scènes qui sont géniales et qu’on adore, mais si l’histoire fonctionne sans elles, il faut les enlever. Une fois „Le Livre des solutions“ complètement terminé, Françoise (Lebrun, qui incarne la tante de Michel Gondry, ndlr), une actrice géniale, a fait une réflexion sur deux scènes qu’on devrait couper. Cela me semblait impossible, mais je les ai enlevées. Elle avait raison. Ma monteuse et moi, on fait bloc. Il n’y a jamais de friction. En revanche, les producteurs voulaient supprimer la scène où Marc va dans la chambre pour coucher avec sa tante. Il fallait expliquer que si Marc ne passe pas par ce moment de crise, d’absurdité totale, il n’y a aucun tournant, aucune articulation. Il faut qu’il aille plus loin dans l’absurdité. J’ai dû batailler pour la maintenir. Le producteur pensait que le spectateur n’accepterait pas cette scène. Or, on ne la voit pas comme un acte grossier ou d’inceste. On la voit comme une réalisation de sa folie. On a gardé la scène.
Vous avez choisi Pierre Niney pour incarner votre alter ego. Pour quelles raisons?
C’était lui. Tout de suite. Il m’avait demandé à être son parrain comme jeune espoir aux César (dans „J’aime regarder les filles“, de Frédéric Louf, 2011, ndlr). J’ai accepté et, après, quand j’ai fait le film et qu’il était devenu une vedette et un excellent acteur, je lui ai demandé de jouer dans „Le Livre des solutions“. Il ne pouvait pas refuser puisqu’il est mon filleul (sourire). Pierre est super dans le film. Il a eu de très bonnes critiques.
Vous avez travaillé aux Etats-Unis. Une expérience positive?
J’ai vu les studios d’Hollywood comme une boîte de Lego géante. On pouvait y construire des appartements, des maisons, des forêts … c’était magique. C’était ma façon de voir les films. Cela a pris beaucoup de temps pour démarrer. J’y reviens de temps à autre. Je prépare une comédie musicale avec Pharrell Williams mais, avec la grève, tout est repoussé. J’en ai marre de dire des choses et qu’elles ne se fassent pas.
„Le Livre des solutions“ de Michel Gondry. Avec Pierre Niney, Blanche Gardin, Frankie Wallach, Camille Rutherford, Vincent Elbaz. En salle le mercredi 20 septembre 2023.
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