\“Macbeth\“ de Verdi, nouvelle réalisation coup de poing de Dmitri Tcherniakov

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Le monde du théâtre lyrique devra retenir le nom de Dmitri Tcherniakov: après avoir ouvert la saison 2008-2009 de l'Opéra de Paris avec un très vif \"Eugène Onéguine\", le metteur en scène russe y a présenté samedi un \"Macbeth\" décapant, sans sorcières mais non sans sortilèges.

 Le „melodramma“ de Verdi (version de 1865) inspiré de la pièce de Shakespeare sera donné jusqu’au 8 mai à l’Opéra Bastille lors de dix autres représentations, toutes (à l’exception de celle du 17 avril) sous la direction musicale du Grec Teodor Currentzis. Coproduit avec l’Opéra de Novossibirsk (Sibérie), ce nouveau „Macbeth“ fait appel aux technologies multimédia dernier cri, dont l’usage vise moins une actualisation à marche forcée que de permettre au spectateur de prendre un peu de hauteur et de recul par rapport au sujet. Le regard rejoint la scène à travers des images satellitaires style Google Earth, qui plongent vers une sombre place cernée de bâtiments sans âme ou un intérieur aristocratique. On accède à ces appartements à travers la fenêtre d’une imposante bâtisse, grâce à un raccord bluffant entre la vidéo et le réel. Dans son „Eugène Onéguine“ de Tchaïkovski venu du Bolchoï — le spectacle a été immortalisé au Palais Garnier via une captation à paraître en DVD le 23 avril chez Bel Air –, Tcherniakov concentrait l’action autour d’une table ovale omniprésente.
Dans son „Macbeth“, il n’y a pas plus de sorcières qu’il n’y avait de duel dans „Onéguine“, mais à nouveau une pesante atmosphère de huis clos, ici dédoublée.
Sur la place du village, au milieu de petites bourgeoises du XXe siècle faisant office de devineresses, Macbeth reçoit les prédictions annonçant son destin de roi puis est sujet à des apparitions, ce qui suscite le rire des observateurs — déjà dans „Onéguine“, les figurants de Tcherniakov étaient facilement prompts à la moquerie. Le metteur en scène règle en outre des tableaux d’une grande finesse psychologique dans la salle de séjour où Macbeth pense à ses projets de mort (assassinats en série) et où sa „lady“ souffre de crises de somnambulisme très réalistes.
Abandonné, le roi agonise dans sa demeure, qui subit les affres de la guerre, comme Tcherniakov le montre en images (vue aérienne d’un bâtiment pilonné et calciné) et en action (destruction à vue des murs de l’appartement). Naturellement, cette réalisation dynamitant les usages ne fait pas l’unanimité: le metteur en scène de 38 ans reçoit quelques huées aux saluts, cependant minoritaires par rapport à l’enthousiasme suscité par un travail très original, qui frappe par sa cohérence de bout en bout. Tcherniakov est servi par de bons acteurs, à commencer par la Lady Macbeth de la Lituanienne Violeta Urmana, grand soprano dramatique dont l’aigu est à peine enlaidi par une pointe d’acidité. Remplaçant l’Espagnol Carlos Alvarez, forfait de longue date, le Grec Dimitris Tiliakos n’a pas tout à fait l’étoffe d’un baryton Verdi, son vibrato est gênant dans le haut de la tessiture, mais sa présence scénique est indéniable. Quant aux Italiens Ferruccio Furlanetto (basse) et Stefano Secco (ténor), ils sont respectivement des Banco et Macduff de luxe. Enfin, pour sa deuxième production (et son deuxième Verdi, après „Don Carlo“ en 2008) à l’Opéra de Paris, Teodor Currentzis, directeur artistique du Théâtre de Novossibirsk, anime la fosse avec fougue et une belle théâtralité: ce jeune chef est, avec Tcherniakov, le grand triomphateur de la soirée.