Les illusions d’une déconnexion sociale

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Là, où on fait la rencontre de trois jeunes gens plutôt déboussolés, déjantés et paumés charriés à la dérive sociale, et qui, ne sachant plus à quelle branche s’accrocher, décident de tout foutre en l’air et de s’éclater à longueur de journée. Marc Weinachter

Embarqués dans une belle Américaine, ils rouleront jubilatoires et surexcités, au gré du vent, balisant leur parcours d’incursions chaotiques dans des supermarchés, cinémas, casinos et boîtes de nuit.
Semant un peu partout la pagaille, ils fêteront leurs petits triomphes en se droguant d’alcool et de baise dans les sièges de leur voiture. Un aventureux et frénétique „roadmovie“, zébré de sons stridents et de flashs aveuglants, entraînant ses personnages dans une spirale de haine et de violence vers un complet illusoire décrochage social.
Grave sujet d’actualité que celui de ces jeunes oisifs et chômeurs qui, trébuchant de frustration en désespoir, se mettent, un jour, à casser et flamber des voitures tout en criant leur aversion à une société de surconsommation et de réglementation extrême.
Problème social mis à la une par de nombreuses chaînes de télévision voulant directement confronter les spectateurs avec de graves réalités politiques. Aussi, Paulo Correia, l’ingénieux metteur en scène de la pièce „Stop the Tempo!“ de la jeune auteure roumaine Gianina Carbunariu, embarque-t-il le public sur un plateau de télévision flanqué de plusieurs caméras, projecteurs et écrans. Un animateur-vedette va accueillir et interroger une jeune femme, virée de son job et ayant glissé sur le toboggan de la vie, pour témoigner de ses expériences, désenchantements et espoirs. Quelques minutes avant l’émission en direct, le régisseur n’aura pas manqué de conditionner et orchestrer le public dans la manifestation de ses applaudissements, étonnements et silences.
Acérée critique, sur les bords, de la vérité et authenticité de toutes ces réalisations télévisées en grand public. A la fois éberluée et éblouie, Marie, cette apparente gentille et un peu naïve fille, qui ne rêve d’avoir une voiture, une maison et un mari raisonnables, se met à décrire son cahotant itinéraire passé. Au détour des hasards dans une boîte de nuit, elle, qui était à la chasse d’un beau gynécologue, se lie d’amitié avec deux tristounets losers comme elle: Paula, une lesbienne larguée et Rolando, un anonyme DJ mis sur la touche. Mettant en commun leur hargne et désespoir, ce trio infernal en herbe va, dès lors, laisser libre cours à son envie de s’envoyer en l’air et de gerber simultanément à la vue de son environnement petit-bourgeois.
Haro avec insolence sur les parents qui vous tapent sur le système, tous ces vieux goûteurs de Volvic, toute cette merde de cacahuètes qui barre la voie. S’en prenant avec la même véhémence à l’invasion agressive d’une abêtissante publicité et d’une robotique technologie, le gang des trois décide de passer à l’acte, par pur plaisir, assommant ici un vieux connard dans un théâtre, et là créant la panique en débranchant le courant électrique dans des centres commerciaux. Tableau à la fois révoltant et saisissant, mais également amusant et pittoresque que celui tracé par l’auteure de ces jeunes désoeuvrés et déglingués prenant résolument, à un carrefour de leur vie, la mauvaise direction en cul-de-sac.

Un show satirique

Ne faisant que la nouba à tout casser à longueur de journée, balançant par-dessus bord toutes les convenances et règles en se démenant comme des zombies électrocutés, ils ne sont plus à même de prononcer une seule phrase intelligente et cohérente, se contentant d’élucubrations bêtes et méchantes. Observations réalistes sans complaisance, point présentées, cependant, en pièce sociocritique dramatique mais en effervescent show multimédia, à grand renfort d’impact audiovisuel.
Ainsi entraîné sur des faisceaux lumineux, on glisse en un éclair d’un studio archimoderne, avec l’appui de l’image de cinéma, en limousine super cool sur le highway de San Francisco. Et les comédiens de se déchaîner en toute folie à bord de ce radeau de la Méduse comme de petits diablotins ayant perdu le Nord.
Spectacle satirique d’une jeunesse dansant sur un volcan, lancé en toute pétillante fraîcheur et malicieux pastiche par les excellents survoltés Gaële Boghossian, Valérie Bodson et Fabrice Pierre s’adonnant à cœur joie pour le meilleur plaisir et la juste réflexion du public.
Un spectacle original, sans grande prétention, mené tambour battant, pas si mal fait, qui, en fin de compte, pèche par trop banaliser un grave phénomène social.