Premier long métrage„Les Amours d’Anaïs“, le grand désir d’aimer

Premier long métrage / „Les Amours d’Anaïs“, le grand désir d’aimer

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Après son court remarqué „Pauline Asservie“ (2018), Charline Bourgeois-Tacquet retrouve Anaïs Demoustier. L’actrice incarne Anaïs, une trentenaire qui hésite entre son copain actuel, un autre homme d’âge mûr et la compagne de ce dernier. Voilà une comédie grave et légère qui explore les sentiments. Anaïs Demoustier, mutine et pétillante à souhait, s’en donne à cœur joie dans une figure clé de l’amour à 30 ans. Charline Bourgeois-Tacquet réussit à dépasser le préjugé du déjà-vu en signant une romance drôle et sensible, plus profonde qu’il n’y paraît. Rencontre au Festival de Cannes(1).

Tageblatt: „Les Amours d’Anaïs“ s’imposait-il après „Pauline asservie“?

Charline Bourgeois-Tacquet: Oui, même si j’avais écrit le scénario du court métrage et du long métrage avant de rencontrer Anaïs Demoustier. Elle a accepté le rôle pour „Pauline asservie“ et à partir de là, tout a changé. J’ai trouvé l’actrice idéale, une sorte d’alter ego. On s’était énormément amusées et on a continué pour mon premier long métrage. J’ai réécrit le scénario de „Les Amours d’Anaïs“ en pensant à elle, au personnage de Pauline qui est une jeune femme assez fantasque et drôle caractérisée par pas mal d’excès. Anaïs Demoustier me fascine car elle est à la fois très technique et, en même temps, très à l’aise. C’est assez éblouissant. Elle a un sens du rythme et de la comédie assez dingue. J’ai beaucoup de chance de travailler avec elle.

Vous êtes l’auteur du scénario?

Oui, je l’ai écrit seule. J’ai très peur des recettes de scénario. Je n’ai pas fait d’école, je n’ai pas appris. J’ai l’obsession d’être au plus près de la vie et de sa complexité. J’ai encore assez peur des gens qui arrivent avec des choses formatées. Je n’aime pas le mode d’emploi, les passages obligés.

L’amour, le marivaudage apparaissent dans vos deux films … Une référence à Eric Rohmer?

Rohmer est une référence pour moi parce qu’on partage un goût de la langue, de la littérature, de l’analyse des sentiments. Mais peut-être que je cherche à aller plus du côté de la comédie, à faire des films plus rythmés. D’autres réalisations m’ont nourrie: „Baisers volés“ de François Truffaut, „César et Rosalie“ de Claude Sautet, „Manhattan“ de Woody Allen. Et surtout „Le Sauvage“ de Jean-Paul Rappeneau qui met en scène un personnage féminin proche d’Anaïs. Je suis allée relire le scénario de „Loulou“ de Maurice Pialat qui fait beaucoup d’ellipses. J’ai aussi une passion pour Arnaud Desplechin, en particulier son film „Comment je me suis disputé …(Ma vie sexuelle)“. Il a une manière de jouer avec la littérature, avec la narration en présence de personnages d’intellectuels. J’aime les plans séquences qu’il a faits avec Eric Gautier (chef opérateur). Sa mise en scène est très fluide. Dans „Un château en Italie“, Valeria Bruni Tedeschi a cette manière de faire coexister les tonalités, les registres dans la comédie, le burlesque et aussi dans la gravité.

Le personnage d’Anaïs ne cesse de dire „Vous pensez que je ne sais pas aimer?“. Est-ce difficile d’aimer aujourd’hui?

Je pense, en effet. Le personnage d’Anaïs est une passionnée, elle a envie d’intensité. Elle a peut-être lu trop de livres et elle a envie de passion. Ce n’est pas sûr que l’amour véritable, que la vie, ce soit ça. Peut-être parce qu’elle a peur. Elle se propose de renoncer à l’amour véritable que lui propose Raoul. Elle est en conflit entre deux positions qui s’affrontent: la raison et la passion. C’est la question éternelle.

L’héroïne dit aussi: „J’ai peur du malheur, cela me rend égoïste.“

Le moment où Anaïs écrit une lettre à sa mère est une séquence importante, pour qu’on comprenne qu’elle n’est pas une personne égoïste qui ne pense qu’à elle. Elle est consciente que cela va mal se passer avec sa mère, très malade. Simplement, elle n’a pas les armes pour faire face. Si sa mère meurt, cela va être un grand bouleversement pour elle. Elle ne veut pas y penser. Sa manière de se protéger, c’est d’être toujours dans la fuite, dans l’action, dans le mouvement. Elle ne sait pas faire face frontalement au malheur. Elle a très peur. Son père préfère être du côté de la légèreté face aux difficultés de la vie. Cela nous renseigne un peu sur Anaïs.

Pourquoi avez-vous choisi Valeria Bruni Tedeschi?

Pour jouer Emilie, il me fallait une femme d’âge mur, belle, sensuelle et aussi crédible en intellectuelle et écrivaine. Je n’ai pas eu besoin de réfléchir très longtemps pour penser à Valeria. J’avais envie de l’emmener dans un endroit qu’elle n’a pas encore beaucoup exploré. Elle joue une femme forte, puissante alors qu’elle incarne plutôt des femmes fragiles, avec une fêlure. Là, je lui ai demandé d’être ancrée, solide, qu’elle soit une femme accomplie. Elle n’a pas d’enfant et, en même temps, elle est féminine, désirable. Avec Valeria, il a fallu un temps d’adaptation, qu’elle me fasse confiance et qu’elle accepte d’être belle, un objet de désir et pas un clown. Anaïs se projette dans cette femme.

La musique est composée par Nicola Piovani.

Au départ, je ne voulais pas de musique originale. Toutefois, les musiques additionnelles ne suffisaient pas. J’avais envie d’accompagner les sentiments de mélodies. J’ai directement pensé à l’immense compositeur vivant Nicola Piovani. C’était mon rêve. C’est une star. Cet homme de 75 ans connaît bien la vie. Il a vu le film et il a accepté. On s’est parlé par Skype, pendant le confinement. Il a composé la musique sur les images du film.

Pourquoi avoir choisi le prénom d’Anaïs?

J’avais trois prénoms en tête, qui ne soient pas marqués socialement. J’ai choisi Anaïs. Cela m’amusait de brouiller un peu les pistes. J’aime voyager entre le réel et la fiction. Le personnage est un mélange d’Anaïs Demoustier et de moi. Le film aurait pu s’appeler „Les amours de Charline“.

(1) „Les Amours d’Anaïs“ a été présenté à La semaine internationale de la Critique.

„Les Amours d’Anaïs“

De Charline Bourgeois-Tacquet.
Avec Anaïs Demoustier, Valeria Bruni Tedeschi, Denis Podalydès, Anne Canovas, Bruno Todeschini.
En salle mercredi.