Né en 1922 dans une famille juive de Plovdiv, Angel Wagenstein a connu l’exil, l’internement, la guerre, la Résistance, avant d’entamer une carrière de scénariste et d’écrivain. A travers les personnages d’Isaac Blumenfeld, petit tailleur du shtetl de Kolodetz, et d’Abraham le Poivrot, maître ferblantier à Plovdiv, il retrace la fin d’une épopée qui avait commencé en 1492 à Tolède, sur les rives du Tage, avant de traverser toute l’Europe pour mener jusqu’en Galicie orientale ou sur les rives bulgares de la Maritza.
Le ton est donné par l’exergue, dédié à tous les inventeurs et compilateurs de blagues juives grâce auxquels une tribu entière „fit du rire un bouclier et une source de courage durant tous les moments tragiques de son existence“. A elle seule, „la vie d’Isaac Jacob Blumenfeld à travers deux guerres mondiales, trois camps de concentration et cinq patries“ résume parfaitement les tribulations d’une communauté ballottée et broyée par l’histoire. Au gré des conflits qui se succèdent, Isaac Blumenfeld change cinq fois de nationalité sans pour autant quitter son village: d’abord sujet de l’Autriche-Hongrie, puis citoyen de la République polonaise, citoyen soviétique, personne d’origine juive établie dans les territoires orientaux du Reich et donc privée de droits civiques, pour finir citoyen de la République fédérale d’Autriche. C’est pourquoi son récit à la première personne – étalé sur plus de 400 pages – ne peut que débuter par ce bref discours, digne de la Tour de Babel, prononcé par un homme âgé qui, revenu de tout, sirote un café crème sur sa terrasse à Vienne tout en réfléchissant aux „choses de la vie“: „Grüß Gott! Czesc, panie i panowie! Zdrastvouitié tovarichtchi et Shalom aleikhem! Autrement dit, que la paix soit sur vous et vos demeures! Si tu me demandes comment je me porte, je te répondrai: grâce à Dieu, le mieux du monde, parce que ça pourrait être pire encore.“
C.C.
Angel Wagenstein
Le Pentateuque ou les cinq livres d’Isaac
Traduit du bulgare par Véronika Nentcheva et Eric Naulleau
Autrement, 2021
416 p., 22,90 €
Angel Wagenstein
Abraham le poivrot, loin de Tolède
Traduit du bulgare par Véronika Nentcheva et Eric Naulleau
Autrement, 2021
432 p., 22,90 €
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