Passion livresLe poids d’un fantôme: „S’adapter“ explore la trace laissée par un enfant différent

Passion livres / Le poids d’un fantôme: „S’adapter“ explore la trace laissée par un enfant différent
Clara Dupont-Monod Photo: Olivier Roller

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Dans „S’adapter“, son roman récemment couronné par le Prix Femina et par le Goncourt des Lycéens, Clara Dupont-Monod éclaire les conséquences au sein d’une famille, et tout particulièrement d’une fratrie, de l’arrivée puis de la disparition d’un enfant handicapé.

Dans „S’adapter“, son roman récemment couronné par le Prix Femina et par le Goncourt des Lycéens, Clara Dupont-Monod éclaire les conséquences au sein d’une famille, et tout particulièrement d’une fratrie, de l’arrivée puis de la disparition d’un enfant handicapé.

La parole est aux pierres. Du fond de leur histoire et au nom de leur permanence, ce sont elles les mieux placées pour prendre la responsabilité d’un récit où tout n’est que passage, douleur, joie, émotion. Emotion d’un aîné qui s’est tout d’abord abandonné à l’amour inconditionné de ce frère différent, disparu à l’âge de dix ans, avant de se refermer à l’intérieur de cette dépossession. Emotion d’une cadette qui, après le rejet et la dureté, se sent habiter par une force nouvelle qui la convainc de combattre le sort pour „empêcher la noyade de sa famille“, dont l’ordre a entièrement été bouleversé par l’apparition de cet enfant inadapté. Emotion du „dernier“, enfin, celui par qui et avec qui adviendra une forme de résilience familiale, et qui pourtant grandit dans l’ombre du frère disparu dont, en quelque sorte, il occupe désormais la place.

Tout est justement affaire de place attribuée ou refusée dans „S’adapter“, un roman qui dit clairement le désarroi des parents, la perte des repères pour l’ensemble des membres de la famille, la „honte honteuse“ et la culpabilité ressentie face au regard des autres, mais aussi l’incapacité de la société à venir en aide à ces familles traversées par un tel événement et l’incompréhension de tous face à la différence.

De sa naissance à sa mort et bien après sa mort, l’enfant continue à peser de son poids de fantôme sur le destin des uns et des autres, sur leur personnalité, leurs choix, les relations au sein de la famille. Ainsi l’aîné, personnage émouvant et silencieux, qui ne guérira pas de l’enfant. Car: „Guérir, cela signifiait renoncer à sa peine, or la peine, c’était ce que l’enfant avait planté en lui. C’était sa trace. Guérir, cela voulait dire perdre la trace, perdre l’enfant à tout jamais. Elle savait désormais que le lien peut avoir différentes formes. La guerre est un lien. Le chagrin aussi.“

Clara Dupont-Monod prête à chacun la voix des pierres pour se raconter. Son récit est profond, calme, résolu. Une grande clarté en émane, malgré les tempêtes, au sein de la famille comme au cœur de la nature cévenole si sauvage et tellement indisciplinée. Il dit l’amour contrarié, la culpabilité, la tendresse, et ces liens indéfectibles qui constituent et rassemblent une fratrie. Lui ressemblent aussi.

L.B.

Clara Dupont-Monod

S’adapter
Stock, 2021
180 p., 18,50 €