LuxFilmFest Home Edition / La mémoire et la mère: „Norie“ de Yuki Kawamura
Yuki Kawamura, réalisateur japonais, part à la recherche de celle qu’était sa mère, décédée alors qu’il avait quatre ans. Ce faisant, il dessine un portrait délicat de la défunte, mais surtout de son propre père, et du combat que celui-ci a mené toute sa vie. Produit par Les Films Fauves (Luxembourg) et Yuki Kawamura, le film a reçu une mention spéciale lors du festival „Visions du réel“ en 2019. Il devait être présenté lors du „LuxFilmFest“, et peut encore être visionné jusqu’au 30 avril sur le site VOD.lu.
Yuki Kawamura avait quatre ans lorsque sa mère, Norie, qui donne son nom au film, est décédée. Réalisateur de films, Kawamura reçoit un jour un e-mail d’une amie de la défunte. Les souvenirs évoqués dans ce courrier éveillent en lui le désir de partir à la recherche de celle qu’il n’a pas suffisamment connue. Il prend alors la route, accompagné de son père, Munemitsu Kawamura. Armés d’un album de photos et de lettres, ils vont tenter de retrouver les proches et amis de Norie, afin de composer un portrait de celle qu’ils ont perdue.
Émouvant projet que celui de Yuki Kawamura, qui compose après „Grandmother“ (2009) et „Mirror of the Bride“ (2013) le troisième volet d’un triptyque consacré aux femmes de sa vie. Lui qui vit et travaille à Paris retrouve avec Norie son pays natal, le Japon, et retourne pour la première fois avec son père dans la ville natale de sa mère, Sapporo, sur l’île de Hokkaido.
Tout sur sa mère
Son film alterne couleurs et noir et blanc, entretiens cadrés en plans fixes avec images saisies au vol de voyages et de routes, mais également des plans plus méditatifs – on suit le cours d’une rivière, la lumière filtrant à travers les bambous, les mille et un reflets de la nature dans l’eau, tandis que résonnent en voix-off les mots des amis, ou de la défunte elle-même, retrouvés dans différents courriers.
Yuki Kamawura nous invite à comprendre et saisir l’âme de sa mère, qui marqua tant les esprits. Certaines phrases reviennent en effet constamment, d’une bouche à l’autre: elle était unique, elle vivait trois fois plus intensément que les autres, elle était en avance sur son temps, un exemple, un modèle … Norie fut l’une des premières femmes à faire de la céramique et être sculptrice, à une époque où ces arts étaient exclusivement réservés à la gent masculine.
Kawamura compose avec ce film le portrait d’une femme qui n’est plus, mais semble toutefois continuer à vivre, tant elle est présente à l’esprit de ceux qui l’ont connue et aimée, tant ils éprouvent tous le besoin d’évoquer les rêves dans lesquels elle leur est apparue, ou les sensations très précises qu’ils ont ressenti de sa présence, au-delà de la mort.
Yuki Kawamura évoque et filme la cérémonie bouddhiste O-Bon, qui honore les esprits des disparus à travers des bougies allumées dans les foyers, des danses rituelles et cérémonies; il filme également les papillons – ces gracieux insectes à la vie éphémère qui, dans la tradition japonaise, portent les âmes des défunts jusqu’aux vivants, le temps d’une visite.
Dans la fumée qui s’élève d’un brasero, dans la brume enveloppant la campagne, dans les joncs bordant les cours d’eau, dans le vent traçant des sillages changeants sur les champs, il nous permet de trouver à notre tour les marques et symboles de la présence de Norie.
Une plongée dans l’intimité
Plus touchant encore est le père de Kawamura, Munemitsu, qui a accepté de faire la route avec son fils, réveillant ainsi un passé qu’il avait choisi d’enfouir en lui. À travers son personnage, Kawamura nous offre une plongée dans l’intimité de sa famille, nous faisant partager la peine et les secrets de son père, un homme pourtant pétri d’une culture japonaise qui célèbre la pudeur et la discrétion.
Avec son projet d’aller jusqu’au bout du processus de deuil à travers un documentaire, le fils offre à son père un choix difficile. Mais en s’autorisant à replonger dans le moment le plus marquant et lourd de son existence, père et fils parviennent à composer ensemble un hommage à celle qu’il n’ont cessé d’aimer.
Si ce film est pour son réalisateur et sa famille une expérience cathartique bouleversante, il nous permet, à nous spectateurs, d’accéder à quelque chose de rare et précieux – l’intimité d’une famille japonaise, et de partager avec elle certaines de ses émotions les plus viscérales. Réalisé avec dignité, simplicité et sensibilité, „Norie“ est un voyage-hommage empreint de la poésie japonaise, de sa culture et de ses croyances; le portrait émouvant d’une femme marquante, mais également d’un père remarquable, qu’il est encore trop rare de voir ainsi représenté à l’écran.
- Attal va limiter l’indemnisation du chômage - 28. März 2024.
- BMS meldet in fünf Jahren zwölf Vorfälle der Polizei - 28. März 2024.
- Osterpromenade durch sieben Museen: „Museumsmeile“ in der Hauptstadt - 28. März 2024.
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können.
Melden sie sich an
Registrieren Sie sich kostenlos