Karen Shakhnazarov: „… l’âge m’a rendu pessimiste“

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Dans le cadre de la Semaine du film russe « Go Russia » qui se tient du 21 au 25 septembre 2009 au Centre Culturel de Rencontre CCRN, Tageblatt.lu (TB) a tenu une interview avec le Directeur général du site de production cinématographique russe « Mosfilm », Karen Shakhnazarov (KS). Propos recueillis par Youssef Razzak.

TB: Quels ont été les incitations qui vous ont entraîné dans le domaine cinématographique?
KS: Vous savez, il n’y a pas eu de projet déterminé. J’étais jeune et j’aimais ce qui se rapportait au domaine l’art. Au départ c’était avant tout, comme pour beaucoup de gens, une démarche de « step by step ». J’ai d’abord tenté de me lancer dans la peinture. Seulement je ne remplissais pas les conditions requises pour poursuivre une formation académique dans le domaine. Alors, je me suis tourné vers une formation centrée sur la cinématographie. En ce qui concerne ma passion pour la peinture, je l’exerce comme passe-temps.

TB: A la fin des années 80, avec la sortie de « L’Assassin du Tsar », vous semblez opérer un changement de style où vous versez dans le dramatique. Pourquoi?
KS: Je pense avant tout que c’est en raison du développement qui est propre à ma personnalité. J’avais changé, et avec moi devait donc changer mes films. Avec le temps, et plus particulièrement mon âge ascendant, j’ai adopté une vision plus pessimiste de la vie et du monde en général. Je pense simplement avoir vieilli ou plutôt,  « mûri » (rire).

TB: Il y a-t-il un lien entre votre dernier film « Palata Nº6 », et «L‘ Assassin du Tsar » sorti en 1991?
KS: Absolument! Une importante partie du « matériel » utilisée pour la réalisation de «L‘ Assassin du Tsar » était déjà inspirée par le script de « Palata Nº6 » de l’époque. En fait, nous – avec Sasha Borodyansky- voulions déjà procéder à la réalisation de ce film que nous avions prévu de faire en partenariat avec l’acteur italien Marcello Mastroianni à la fin des années 80. Seulement nous n’étions pas sur la même longueur d’ondes! Les italiens voulaient quelque chose de plus « sensationnel », ce qui à l’époque et à mes yeux, n’était pas alliable avec la nature des récits d’Anton Chekov. De ce fait, « Palata Nº6 » est tombé à l’eau, et j’ai récupéré beaucoup d’idées du projet en question pour réaliser l‘ « Assassin du Tsar ».

TB: En tant que Directeur général des studios « Mosfilm », comment évaluez-vous la place du cinéma russe sur la scène internationale?
KS: Le cinéma russe a connu des phases turbulentes. Avec la chute de l’URSS, nous avions hérité d’une situation catastrophique pour « Mosfilm ». Il a donc fallu repartir à zéro en posant de nouvelles bases pour un cinéma adapté au contexte actuel. Il s’agit donc d’une entreprise en pleine essor.
Et puis il faut aussi remettre les choses dans leur contexte. Le cinéma russe peine à sortir de ses frontières contrairement au cinéma américain par exemple. Bien entendu il s’agit, entre autres, d’une question d’investissements massifs aussi bien dans la production d’un film que dans la campagne publicitaire qui suit. De ce fait, nous n’avons pas les même moyens dont dispose « l’empire hollywoodien » pour faire la promotion de nos films. Cependant, nous comptons sur les outils de communication à l’image d’internet afin de faire connaître nos films au sein du public international.

TB: Toujours en votre qualité de Directeur général de « Mosfilm », comment la crise économique et financière affecte-t-elle le cinéma russe?
KS: Comme beaucoup d’autres, nous ne sommes pas exemptés des conséquences de la crise. Nous connaissons une baisse de nos recettes publicitaires. Cependant comparé à d’autres pays, nous considérons que nous nous en sortons assez bien. Car, outre le financement du cinéma russe de par les recettes publicitaires, nous comptons aussi sur une importante participation financière des deux grandes chaînes publiques russes.

TB: La participation de ses chaînes de télévision dans le financement de vos films, a-t-elle une incidence sur la liberté de « manoeuvre » sujette à la réalisation de vos films?
KS: Oui. Ils investissent d’énormes sommes dans les projets, il va de soi qu’ils aient leur mot à dire dans la réalisation de ces films.

TB: Avez-vous jamais pensé à réaliser, du moins en partie, un de vos films sur un site de production cinématographique du Luxembourg?
KS: Le Luxembourg est un petit pays de par sa taille, mais dispose d’une grande renommée sur la scène internationale. J’aime beaucoup le Luxembourg et j’espère revenir ici dans le cadre de la réalisation d’un film. Or, jusqu’à présent je n’ai pas encore d’idée concrète.

TB: Monsieur Shakhnazarov, Spasibo.
KS: (rire)

Commentaire

Se basant sur les brefs moments que nous avons passés en sa compagnie, Karen Shakhnazarov semble avant tout se distinguer de par sa simplicité. Pas de bling-bling moscovite, pas de rhétorique extravagante, Karen Shakhnazarov a bel et bien les pieds sur terre tout en faisant place, par moment, à un esprit évasif. Il ne semble pas non plus être très enflammé par un public flatteur venu assister à la projection de son dernier film au CCR de Neümunster, préférant ainsi s’écarter discrètement hors d’une salle d’attente bondée sous prétexte de fumer un cigarillo.

Quant à « Palata Nº6 », son dernier film basé sur les récits d’Anton Chekhov, ce dernier reflète  parfaitement le penchant pessimiste propre à Shakhnazarov depuis les années 90.

En ce qui concerne « Palata Nº6 » à proprement parler, ce film décevra certainement les accros de l’exagération hollywoodienne, mais réjouira les passionnés d’une philosophie et d’un esprit critique. Car nul n’est épargné dans les dialogues repris dans ce film ». Condamnant d’abord les normes d’une société qui démarquent de façon conventionnelle le fou du sain; les dialogues de « Palata Nº6 » étendront au fur et à mesure du film leurs critiques à toute la société de consommation ainsi que sa conception de la liberté, de la vie, de la mort, de l’amour…, bref tous y passe!

Le mérite qui reviendra à Shakhnazarov, c’est d’avoir remarquablement su marier une oeuvre de Chekhov qui date de la fin du XIXè avec un contexte contemporain. Youssef Razzak

Biographie

Hormis sa qualité de Directeur général de « Mosfilm » depuis 1998, Karen Georgievich Shakhnazarov, né le 8 juillet 1957 à Krasnodar en Russie, est avant tout un producteur, réalisateur, et régisseur russe. Il est père de trois enfants et vit actuellement à Moscou. En 1975 il sort diplômé de la VGIK (Moscow School for Cinematography) avant de travailler pendant deux ans en tant qu’assistant-directeur chez « Mosfilm ».

Filmographie de Shakhnazarov: http://www.kinoglaz.fr/u_fiche_person.php?num=364

Programme „Go Russia“: http://www.ccrn.lu/FR/program.php?ID=311&LA=FR