Film„Un triomphe“, un film sur un acteur en galère qui accepte d’animer un atelier théâtre en prison, est la belle surprise de la rentrée

Film / „Un triomphe“, un film sur un acteur en galère qui accepte d’animer un atelier théâtre en prison, est la belle surprise de la rentrée
Le réalisateur Emmanuel Courcol a fait d’une histoire vraie une comédie dramatique et audacieuse Photo: Carole Bethuel

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Surpris par les talents de comédien des détenus, Etienne se met en tête de monter, autant pour les détenus que pour lui, „En attendant Godot“ sur la scène d’un vrai théâtre. Commence alors une formidable aventure humaine.

En fin scénariste et réalisateur attentif, Emmanuel Courcol fait de cette histoire vraie une comédie dramatique, fédératrice, humaniste plus audacieuse qu’elle n’y paraît. Le cinéaste filme un engagement collectif sans jamais glisser dans les clichés, ni le pathos. Kad Merad, impeccable en comédien frustré, devenu pour le coup metteur en scène, apporte toute son énergie et sa pugnacité dans le projet fou de monter une pièce de Samuel Beckett avec une troupe d’individus enfermés. Récompensé à Angoulême en 2020 (Prix du Public), „Un triomphe“ sort enfin dans les salles. Une vraie réussite à découvrir. Rencontre avec Emmanuel Courcol au Festival international du film francophone à Namur.

Tageblatt: Quelle est l’origine du film?

Emmanuel Courcol: „Un triomphe“ s’inspire d’une histoire vraie, celle de Jan Jönson, un comédien suédois qui, en 1985, a monté la pièce „En attendant Godot“ avec les détenus d’une prison de haute sécurité. Mon producteur Marc Bordure (1) m’a parlé de cette histoire. Je me suis mis à l’écriture bien plus tard. J’ai été séduit par ce bel hommage aux comédiens de théâtre, avec de plus l’idée que la culture est accessible à tous y compris avec une pièce aussi exigeante qu’„En attendant Godot“.

L’écriture du scénario présentait-elle des difficultés particulières?

Je n’ai même pas vu la représentation de la pièce. Je n’ai pas fait un biopic de Jan Jönson mais il m’a inspiré pour le côté obsessionnel du personnage qui vit quelque chose d’extraordinaire. J’ai eu des contacts avec Jan après, une fois que le scénario a été écrit. C’était long car il a fallu tout réinventer. Il me fallait faire exister le travail des répétitions qui allait le mieux résonner avec la condition des détenus. Parce que je suis acteur de théâtre au départ, j’ai laissé un peu de liberté aux acteurs pour que cela devienne très naturel et spontané.

Vous avez choisi Kad Merad et des non-professionnels …

Dans la série „Baron Noir“, quelque chose de lui révèle une force, un côté obsessionnel et fonceur, capable aussi de faire des dégâts autour de lui. Tout d’un coup, j’ai vu un Kad Merad qui n’est pas seulement le bon gars plein de bonnes intentions qu’on voit dans des comédies. Il tombait pile poil pour le personnage. Certains acteurs sont plus ou moins débutants, d’autres n’avaient jamais joué. Il fallait une tête d’affiche, Kad Merad, bien entouré par Marina Hands, Laurent Stocker. Je ne voulais pas réunir, comme dans „Le grand bain“ de Gilles Lellouche (2018), une bande d’acteurs venant tous faire leur numéro. On a fait un casting. La plupart sont des vrais détenus, tous magnifiques. En écrivant le scénario, je pensais déjà à Wabinlé Nabié, un comédien burkinabé formidable.

On sent de votre part une grande admiration pour les acteurs …

Je me sens en fraternité avec eux. Je n’ai pas souvent été heureux devant la caméra et je tiens à ce que les acteurs le soient. Je me suis mis tard dans le métier de réalisateur, après une carrière d’acteur. Je n’ai pas envie de me filmer, j’ai d’ailleurs coupé une courte séquence dans laquelle j’apparaissais. J’ai un peu quitté toutes mes envies et frustrations d’acteur. J’aime le regard sur les autres. Faire un cinéma humaniste est aussi important que le film. Les petits rôles sont souvent négligés, pas considérés. Un film est excellent quand les seconds voire les troisièmes rôles sont aussi bons que les premiers. Lorsqu’un acteur a trois phrases à interpréter, il est une star à ce moment-là. Le besoin de reconnaissance est aussi le sujet du film. Dans le métier d’acteur, l’estime de soi est souvent mise à l’épreuve.

Faire jouer „En attendant Godot“ par des détenus peut paraître surprenant …

Jan Jönson ne s’est pas arrêté à des considérations un peu condescendantes en disant que cette pièce serait trop compliquée pour les détenus. Non, justement, le personnage monte cette pièce avec eux parce qu’il est aussi exigeant qu’il le serait avec des acteurs professionnels. C’est pour cela que ça marche. La pièce de Samuel Beckett raconte l’attente que connaissent bien les détenus. Une attente de rien, de désespoir, d’espoir. Les détenus parlent de l’angoisse du vide.

Où s’est déroulé le tournage?

On a tourné dans la prison de Meaux-Chauconin près de Paris. C’était important d’être dans le vrai. Les détenus me connaissaient. Pendant l’écriture du scénario, j’étais allé dans cette prison assister aux répétitions de l’opéra hip-hop „Douze cordes“ interprété par neuf détenus. J’en ai fait un documentaire. Cela m’a servi, afin que „Un triomphe“ colle vraiment à la réalité.

(1) Dany Boon et Robert Guédiguian sont également producteurs du film.

„Un triomphe“ d’Emmanuel Courcol. Avec Kad Merad, Laurent Stocker, Marina Hands. En salle depuis le premier septembre.