FrancePrésidentielle: vers un duel Macron/Le Pen?

France / Présidentielle: vers un duel Macron/Le Pen?
Le premier tour de la présidentielle va-t-il reconduire le duel Macron/Le Pen de 2017 ou est-ce que Jean-Luc Mélenchon arrive à créer une surprise? Photo: Nicolas Tucat/AFP

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Les 48,7 millions d’électeurs français sont appelés demain à prendre part au premier tour du scrutin présidentiel. Douze candidats briguent leurs suffrages, mais seuls les deux premiers participeront au second tour, fixé au 24 avril. Les derniers sondages montrent un nouveau resserrement des intentions de vote, mais laissent aussi craindre une abstention record pour ce type de scrutin.

L’élection présidentielle, qui a lieu au suffrage universel direct depuis la révision constitutionnelle de 1962, est évidemment le pilier central des institutions de la Ve République; et à ce titre, elle suscite d’ordinaire une campagne passionnée suivie d’une forte participation électorale. Cette année pourtant, du moins en ce qui concerne ce premier tour, le scrutin survient dans un climat assez atone, et risque de s’illustrer par une abstention très importante.

C’est là un paradoxe d’autant plus étonnant que dans les enquêtes d’opinion, la course à la qualification pour le second tour a au contraire été serrée, au moins parmi les candidats ayant une chance plausible d’y accéder. Et avec, dans la perspective du premier, une sorte de sprint final cette dernière semaine; lequel, sans nécessairement bouleverser la donne initiale, aura un peu remis en question la suprématie absolue d’Emmanuel Macron.

Le président sortant reste certes en tête des tout derniers sondages, mais avec un score d’intentions de vote qui ne cesse de s’amenuiser: il n’était plus, hier, que de 26,5 %, contre 24 % pour Marine Le Pen et 17,5 % pour Jean-Luc Mélenchon. Lesquels seraient tout de même, pour l’instant, battus l’un et l’autre par Macron au second tour; mais l’écart entre le locataire actuel de l’Elysée et ces deux candidats „anti-système“, l’une d’extrême droite, l’autre d’extrême gauche, n’avait jamais été aussi étroit.

Marine Le Pen „dédiabolisée“

Cet étrécissement reflète d’abord la récente baisse de popularité du chef de l’Etat, qui n’aura pas bénéficié bien longtemps de l’„effet-drapeau“ consécutif à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. A force de considérer sa réélection comme une simple formalité vaguement ennuyeuse, M. Macron a conduit un certain nombre de ses électeurs à regarder ailleurs. Les critiques redoublées de l’opposition, s’ajoutant à la mauvaise impression produite par les récentes révélations du Sénat sur le très coûteux et souvent abusif recours du pouvoir exécutif à des cabinets de conseil privés, ont fait le reste.

Dans le même temps, Mme Le Pen continuait au contraire d’engranger les bénéfices électoraux de sa „dédiabolisation“, au moins formelle, entreprise dans laquelle elle a été puissamment aidée par l’extrémisme péremptoire et vibrionnant et par la condescendance à son égard de son rival d’un moment, Eric Zemmour. Lequel aura réussi, en quelques mois, à diviser par deux le capital de voix que les sondages lui prêtaient naguère, et qui stagne désormais sous la barre des 10% d’intentions de vote.

Ce premier tour de scrutin va-t-il aboutir, comme en 2017, à un face-à-face Macron/Le Pen au second? Cette perspective est jugée négative par une large majorité d’électeurs, qui estiment qu’il serait temps de varier l’offre électorale. Pourtant – c’est là un autre paradoxe de cette présidentielle – ce sont tout de même lesdits électeurs qui, dans les sondages, placent ces deux personnages en tête… Mais cette perspective d’un nouveau duel semblable à celui d’il y a cinq ans désole, plus que tout, la droite classique et la gauche de toutes obédiences.

LR de la déception à la résignation

La droite classique: au parti LR, on est passé, au vu des scores obstinément médiocres de sa candidate Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, de la déception au doute, et du doute à l’exaspération plus ou moins résignée à l’échec. Il est vrai qu’il s’agit là d’une des surprises de la campagne.

Sans doute celle-ci avait-elle mal commencé pour elle, avec un meeting de lancement techniquement consternant, qui aura tout de suite semé le doute chez nombre de téléspectateurs sur ses capacités à incarner réellement la fonction de chef de l’Etat, quelles que fussent ses autres qualités, et ses propositions. Mais, au fil des sondages et des autres meetings, tout est allé de mal en pis. Avec des scores annoncés aux alentours de 8 à 9%, les chances de Valérie Pécresse d’accéder au second tour semblent aujourd’hui nulles. Elle-même a annoncé que pour le second, elle ne donnerait pas de consignes de vote mais ferait connaître son choix personnel.

La gauche, elle aussi, aura voulu à toutes forces, jusqu’au dernier moment, empêcher la répétition demain soir du verdict des urnes d’il y a cinq ans. Le problème étant que si chacun de ses candidats cherchait officiellement à contrecarrer une telle fatalité, aucun d’entre eux – à l’exception des anciens ministres Christiane Taubira et Arnaud Montebourg, contraints par le manque de parrainages d’élus à renoncer en cours de route – ne sera allé jusqu’à se retirer pour favoriser un regroupement. „Chacun appelle au rassemblement à gauche, pourvu que ce soit derrière lui!“, ironisait récemment l’ancien premier ministre socialiste Manuel Valls.

Toujours la division de la gauche?

Pourquoi une telle incapacité, chez des hommes et des femmes qui ne sont ni sans convictions, ni sans culture politique, à tirer les leçons de ce qui s’était passé en 2002? La division de la gauche avait alors abouti à affaiblir au premier tour la candidature du socialiste Lionel Jospin, au profit de Jean-Marie Le Pen accédant ainsi au second, au grand bénéfice de Jacques Chirac très largement réélu au second.

Pour expliquer cette obstination des candidats de gauche de 2022 à rester si divisés, on aura beaucoup mis en avant la „bataille des ego“, chacun(e) tenant résolument à faire son tour de piste sous les projecteurs. D’autant plus qu’après la présidentielle vont arriver, en juin, les législatives, où les différentes formations de gauche pourront tenter, avec plus de chance probablement, de se refaire une santé, comme on dit. En particulier sur le dos d’un macronisme qui n’a guère su, en cinq ans, s’implanter localement, comme on l’a vu aux dernières élections municipales et régionales.

Et puis l’on sent aussi qu’il y a chez la plupart des candidats de gauche à l’Elysée la conviction qu’il ou elle incarne une voie – une voix? – originale. Et que, par exemple, l’écologie de Yannick Jadot (estimé à 4,5 % des intentions de vote) n’est pas miscible avec le socialisme de l’infortunée maire de Paris, Anne Hidalgo, en pleine perdition (1,5 à 2%), à plus forte raison avec le communisme même débonnaire de Fabien Roussel (3,5% environ), encore moins avec le trotskisme goguenard de Philippe Poutou, ou véhément de Nathalie Arthaud … et réciproquement.

Le cas Mélenchon

Reste le cas de Jean-Luc Mélenchon. Il serait, statistiquement, le mieux fondé à appeler au rassemblement autour de lui, puisque les intentions de vote en sa faveur dépassent clairement le total de celles de tous les autres candidats de gauche réunis. Le problème, ce sont ses options politiques à la fois radicales, populistes et, sur certains terrains, ambiguës.

Son indulgence à l’égard des islamistes, par exemple, même s’il est évidemment abusif de le présenter comme un supporter du terrorisme, et de Vladimir Poutine, ce „démocrate“ qui, expliquait-il encore il y a peu, „ne menace aucunement la paix en Europe“, une option qui le rapproche d’ailleurs de l’extrême droite, ont écarté de lui ceux qui auraient été tentés par un ralliement, dont les communistes. Mais M. Mélenchon a tout de même bénéficié, ces derniers jours, d’un réflexe de „vote utile“ de la part d’électeurs de gauche que l’idée d’une nouvelle absence de leur famille politique au second tour désespère.

Cet ensemble d’incertitudes va-t-il enfin commencer à se dénouer avec cette élection? Peut-être. Mais il pourrait bien en falloir davantage pour discerner vraiment, après de lourdes crises hexagonales et internationales, les contours de l’avenir politique de la France.