ExpositionLes saines relectures du collectif Bombyx

Exposition / Les saines relectures du collectif Bombyx
L’installation „Une fin certaine“ de Nathalie Noé Adam

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Le collectif Bombyx, basé à Dudelange, propose une relecture de l’histoire industrielle de la ville pour par la fiction offrir un antidote au découragement. L’exposition, baptisée „Antidote Fiction“, s’étend sur les deux galeries d’art de la ville.

„Faire rêver d’un monde différent. Et nous disons bien différent et pas meilleur, car, même si le meilleur reste peut-être à venir, le futur nous reste obscur.“ C’est par ces mots que la curatrice de l’exposition „Antidote Fiction“, Nathalie Noé Adam, résume l’intention du collectif Bombyx … Si ce dernier a décidé de ne pas ajouter de la déprime à la morosité ambiante, il ne sombre pas non plus dans la béatitude. C’est justement parce que les théories de l’effondrement prennent de l’épaisseur qu’il lui a paru judicieux d’inviter sept artistes issus des arts visuels et des arts du spectacle à tracer de nouvelles perspectives, en misant sur les vertus cathartiques de l’imaginaire et de la fiction. 

A force de décrire et de contempler l’effondrement, les collapsologues entreprennent bien peu de choses pour enrayer son éventuelle réalisation, pourrait-on ajouter au propos. L’art leur vient à la rescousse. Qui aurait pu dire que de l’effondrement de la sidérurgie naîtraient des lieux de création, un travail intellectuel en lieu et place du travail physique? La réflexion proposée par la curatrice dans l’œuvre „Une fin certaine“ peut nous amener à cette interrogation. Elle nous donne à réfléchir aux fins de cycle. Dans deux vidéos mises en miroir, l’une tournée en super 8, l’autre avec un smartphone, pour mieux montrer le déphasage des deux séquences, l’artiste semble questionner la possibilité d’une résilience. D’un côté, il y a le dynamitage d’une installation sidérurgique qui n’a pas résisté à la concurrence étrangère. Ces images qui ont vraisemblablement un demi-siècle et qui côtoient une séquence haute définition d’une cigale qui opère sa mue. Sa carcasse est, elle aussi, devenue obsolète, mais la cigale va pouvoir prendre son envol et chanter. Des installations dessinées prolongent le propos et créent un univers scénique au centre d’art Nei Liicht.

La résilience peut aussi se cacher dans le passé d’histoires réprimées ou jamais découvertes. Et cette quête peut magnifier par ricochet les avancées. Ce n’est pas tache facile. Et la fiction s’offre à combler les vides et à donner de l’épaisseur à des vies englouties. Il ne reste que quelques photos de la trajectoire de deux femmes membres de l’harmonie municipale de Dudelange en 1953 à laquelle s’est intéressée l’artiste française Agathe Simon à travers le documentaire fiction „Une seule note“. Elle a fait des longues recherches sur place et rencontré la population locale pour tenter de comprendre ce miracle de la présence féminine dans une fanfare à une époque où on ne l’attendait pas.

On ne saura rien de définitif de ces deux trajectoires; pas même de la moins mal documentée, par quelques photos représentant une même femme avec un bouquet de fleurs lors d’un défilé de l’harmonie aux Sables d’Olonne, dansant avec un homme plus âgé qu’elle en uniforme ou encore qui souffle dans une clarinette. On l’imagine aimant danser dans le quartier Italie, le tango ou les danses napolitaines, siroter du vin blanc ou une grappa, venue de Berlin ou native de la commune, arrivé avec un intellectuel ou mariée à un métallo, couturière ou secrétaire de direction de l’Arbed, première femme à jouer un instrument ou simple faire-valoir d’une harmonie masculine. De la deuxième, il ne reste que la moitié d’un visage sur une seule photo.

Les fictions que se font d’elles les habitants jalonnent l’hommage que l’harmonie municipale donne à ses anciennes membres fantasmées. La quête artistique se révèle être l’occasion de faire remonter à la surface souvenirs et images du passé. Et de construire un mythe que l’harmonie municipale célèbre par un défilé musical dans les rues en faisant résonner „Bella ciao“ et la „7e symphonie“ de Beethoven, avant et après une minute de silence. 

„Déformer le réel“

„La fiction est une construction imaginaire consciente de l’artiste, se constituant en vue de déformer le réel pour mieux l’appréhender ou le détourner. Elle peut être perçue comme le remède à nos maux. Elle permet de ne pas oublier les combats passés“, lit-on encore dans la déclaration d’intention du collectif Bombyx. Pascale Noé Adam, Dudelangeoise comme sa curatrice de sœur, s’intéresse à la colère, à la manière dont elle se perpétue de génération en génération, à travers le destin d’aïeules italiennes de Dudelange. Ces femmes sont en colère contre tout, l’usine, la poussière, leur condition, leur destin, mais aussi leurs bonhommes qu’elles ont pris l’habitude de noyer sous un torrent d’insultes. On entend la confession de la jeune femme fictive résonner dans l’ancienne gare qui abrite le centre d’art Dominique Lang.

Aux murs, il y a des photos prises avec sa famille. Il y a aussi un sac de frappe qui sert aux performances de l’artiste. Comme son grand-père fictif, pour ne plus avoir la force d’être en colère, elle évacue sa rage à travers son corps. Sa repentance est aussi génétique, puisque la science prétend que la colère et cette capacité à exploser se transmet par les gènes, tandis que les connaissances sur la préhistoire démontrent que les femmes ont été aussi chasseuses et qu’elles devraient donc avoir tout autant le droit que les hommes de brailler. 

Sous les toits de la gare, dans une chambre hermétique à la lumière, on apprécie l’ambiance lunaire – c’est le cas de le dire – des photos de carrières d’extraction prises de nuit par l’artiste colombien Edwin Cuervo. Ce sont des images sombres, fantomatiques, à travers lesquelles les visiteurs sont invités à créer de nouvelles légendes. Dans la salle à côté, le jeu entre réel et fiction se poursuit avec les simulacres d’amulettes que l’artiste Olga Karpinsky dit découvertes sur des sites archéologiques, mais qui sont en fait constituées par ordinateur. 

Extrait de „Une seule note“ d’Agathe Simon
Extrait de „Une seule note“ d’Agathe Simon Photo: Agathe Simon

Infos

Les mercredi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche de 15.00 à 19.00 h. Au centre d’art Nei Liicht (rue Dominique Lang) et au centre d’art Dominique Lang à la gare de Dudelange. Jusqu’au samedi 28 mai (finissage et performances ce jour-là à partir de 15.00 h).