MaliLes Européens s’interrogent sur l’avenir de leur présence

Mali / Les Européens s’interrogent sur l’avenir de leur présence
Vendredi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté au Mali à l’appel de la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta Photo: AFP/Florent Vergnes

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La situation sécuritaire se dégrade de plus en plus au Mali. La France et les Européens veulent rester dans ce pays du Sahel – mais à quel prix?

Que pouvons-nous, et que voulons-nous, faire encore au Mali? Cette question taraude depuis ces dernières semaines les responsables diplomatiques et militaires français – et aussi, à l’évidence, ceux de ses partenaires européens engagés militairement dans ce pays, non pas nécessairement dans l’opération Barkhane, mais, comme c’est notamment le cas du Luxembourg, dans la mission d’entraînement de l’Union européenne, l’EUTM, et la mission de paix des Nations-Unies, la MINUSMA.

L’évolution de la situation intérieure malienne, en effet, même indépendamment de la persistance sur le terrain des crimes du terrorisme islamiste, a tout pour décourager les meilleures volontés d’assistance occidentale à ce vaste pays majoritairement francophone. Et le décès de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, dit „IBK“, annoncé hier matin, même s’il est dû à des causes naturelles, n’aura évidemment rien fait pour dissiper les incertitudes qui planent sur l’avenir du Mali.

Petit rappel historique, qui illustre la fragilité institutionnelle du pouvoir malien. IBK, qui se réclamait de la gauche modérée et avait connu une ascension très rapide comme premier ministre d’Alpha Oumar Konaré (considéré comme le premier président de l’ère démocratique du Mali), avait été élu à la tête de l’Etat en septembre 2013, mais en avait été chassé par un coup d’État, en août 2020. Son successeur, mis en place par la junte militaire, allait lui-même être renversé par un autre coup d’État, en mai dernier.

On en est là, et récemment, le nouveau pouvoir a très mal pris toute une série de réactions de la communauté internationale. Il y a d’abord eu la condamnation très générale de ce nouveau coup de force par les Occidentaux, à commencer par ceux qui aident Bamako à lutter contre les groupes djihadistes dans l’Est du pays. Mais les Africains eux-mêmes ont également réagi de manière très négative, puisque la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et l’Union africaine ont, elles aussi, condamné les putschs maliens en cascade et imposé des sanctions économiques à la nouvelle junte militaire au pouvoir.

Des contacts de Bamako avec les islamistes ?

Des sanctions contre lesquelles celle-ci s’est ingéniée, avec un incontestable succès, à mobiliser l’opinion, au moins dans la capitale, notamment grâce à des manifestations imposantes. Avec, bien sûr, des slogans hostiles à la CEDEAO, présentées à l’occasion comme „le mouton de la France“, et, plus explicitement encore, contre Paris. Car „l’ancienne puissance coloniale“, comme les gouvernements africains ne manquent jamais d’appeler la France lorsqu’ils sont mécontents d’elle, fait désormais aussi l’objet de tirs verbaux insistants depuis qu’elle a exprimé son souhait de voir le Mali revenir à la démocratie.

Mais le souci français ne se limite pas à ce désamour – le mot est apparemment faible – dans les relations bilatérales: il est aussi, voire surtout, que les militaires qui règnent désormais à Bamako ne semblent plus très bien savoir ce qu’ils veulent quant à la lutte contre le terrorisme islamiste qui continue de ravager une partie de leur pays. Des rumeurs insistantes courent les ambassades à Bamako, sur de possibles prises de contact avec certains groupes djihadistes.

Et le discours officiel tend plutôt, depuis le coup d’Etat de mai 2021, à exacerber l’agacement populaire devant la durée de la présence des militaires français et européens sur le sol malien. Mais quand Emmanuel Macron a commencé, l’an dernier, à mettre en œuvre le repli partiel du dispositif tricolore, avec en particulier le départ des troupes françaises des bases de Kidane, Tombouctou et Tessalit, le Premier ministre de la junte, Choguel Kokalla Maïga, n’a pas hésité à dénoncer cet „abandon en plein vol“. Comprenne qui pourra …

Urgent d’attendre?

A ces inquiétudes françaises et occidentales vient de s’ajouter un autre motif: le déploiement au Mali – avec, bien entendu, la double bénédiction de Bamako et du Kremlin – de groupes militaires privés russes, les „milices Wagner“. Lesquelles ont déjà eu, en quelques semaines, plusieurs occasions de se signaler par leurs actes de violence extrême, et de pillage (minier principalement). Que la junte militaire malienne ait voulu faire appel à ces mercenaires sous commandement russe illustre certes la fuite en avant d’un pouvoir qui sait ne pas pouvoir se passer beaucoup plus longtemps de relations convenables avec ses voisins, et sans doute aussi avec la France. Mais cette attitude pourrait bien avoir pour conséquence d’ouvrir une ère de rivalités internationales au Sahel, qui n’en avait pourtant guère besoin. Faudra-t-il ressusciter à cette occasion le déjà vieux concept de „confrontation Est-Ouest“?

Cette évolution pourrait aussi poser en termes plus embarrassants que jamais la question du maintien de l’assistance franco-européenne au combat des Africains contre le djihadisme. C’est bien ce sur quoi on s’interroge à Paris et dans différentes capitales, où l’on ne semble cependant pas trop pressé de statuer, comme s’il était, selon la formule consacrée, „urgent d’attendre“.