UrbanismeLe „plan Vago“ – destruction et protection

Urbanisme / Le „plan Vago“ – destruction et protection
Le plan d'aménagement de Pierre Vago Photo: AVL LU IV4 A N269

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L’ambivalence semble caractériser le plan Vago qui d’une part étendit le centre-ville par les „secteurs centraux“ et qui d’autre part créait les „secteurs protégés“ pour plusieurs quartiers de la ville. Son plan est à l’origine des transformations du Boulevard Royal et de l’Allée Scheffer – le patrimoine du plateau Bourbon devait subir le même sort. 

En protégeant la vieille ville et les faubourgs, le plan Vago est à l’origine du périmètre de la zone centrale de „Luxembourg, vieux quartiers et fortifications“, patrimoine mondial depuis 1994. En 1964, le risque de perdre les institutions de la Communauté européenne du charbon et de l’acier établies à Luxembourg fut imminent dans le cadre des négociations sur le traité de fusion des exécutifs des trois Communautés instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes. L’avenir économique et politique de la ville de Luxembourg fut en jeu! En 1964, le Conseil communal de la ville de Luxembourg, sous la conduite du bourgmestre Paul Wilwertz (1964-1969, LSAP) avait chargé l’architecte et urbaniste français Pierre Vago de l’élaboration d’un projet général d’aménagement du territoire de la capitale.

„Jetzt ist meiner Ansicht nach der Augenblick da, wo Ihre Hauptstadt im Begriffe steht, aus einer kleinen Provinzstadt zu einer wirklichen großen Hauptstadt emporzuwachsen. Um das eindeutig beweisen zu können, müssten wir uns in etwa 100 Jahren nochmals hier treffen, aber alle Anzeichen deuten auf weiteres Wachstum hin, und das kann nicht länger mit den geringen gesetzlichen Grundlagen und mit den üblichen Mitteln der Vergangenheit gesteuert wurden“, déclarait Pierre Vago au moment où il acceptait sa mission. Son projet d’aménagement de la ville de Luxembourg prévoyait une capacité de croissance de la ville, sans extension de son périmètre jusqu’à 130.000 habitants. Au moment de la remise de son rapport au Conseil communal en 1966, la ville comptait 77.055 âmes. Vago estimait que Luxembourg allait compter 120.000 habitants en l’an 2000, chiffre qui, pourtant, ne fut atteint qu’en 2019.

Les limites du projet

Dès le commencement de ses travaux, Pierre Vago mit en garde sur les limites du projet: „Man kann keine Stadt planen, wie man ein Bauwerk plant und ausführt. Eine Stadt muss nicht allein weitaus zahlreichere Komponenten umfassen als ein einzelnes Bauwerk, sie unterliegt auch einem steten Wachstum, das nicht nach bestimmten Gesetzen evoluiert und keineswegs bis ins kleinste Detail vorausberechenbar ist. Urbanismus bleibt daher im Gegensatz zur Architektur, die zumeist fertige und kaum noch veränderliche Werke schafft, eine lebendige, fortwährende Neugestaltung der räumlichen Ordnung.“ Il regrettait toutefois l’absence d’instruments visant l’aménagement du territoire national: „(…) es bedeutet schon eine große Schwierigkeit, wenn keine Gewissheit über die Projektierung jenseits der Grenzen der Stadt besteht. Theoretisch müsste man natürlich den kleinen in den großen Plan einpassen (…).”

Pierre Vago avait déterminé le périmètre d’urbanisation de la capitale avec le souci d’arrêter le développement tentaculaire de l’agglomération, de favoriser l’équipement des zones mortes entre les tentacules existants, de contenir la ville à l’intérieur des principales voies de contournement dont le tracé définitif n’avait pas encore arrêté à l’époque. Il considérait que la densité de la ville était „particulièrement faible“ (1.490 h/km2) et que soit favorisé la réalisation d’ensembles d’une certaine importance“.

En 1966, Pierre Vago proposait des mesures pour combattre la spéculation qu’il considérait de „calamité générale et reconnue dans les pays à économie libérale“. Vago recommandait de:

– respecter le plan d’urbanisme qui fixe clairement l’affectation et les possibilités d’exploitation de tout terrain;

– la mise en œuvre d’une politique active et audacieuse de construction;

– l’utilisation judicieuse des réserves foncières classées dans les zones d’aménagement différé.

L’urbaniste avait inclus le plateau du Kirchberg dans son plan d’aménagement de la ville dans l’optique de la décentralisation de surfaces bureaux. Reconnaissant les „possibilités exceptionnelles“ qu’offrait le Kirchberg, il avait espéré que „dans un avenir proche, ce nouveau quartier de la ville sera aussi vivant que le plateau Bourbon qui avait le caractère champêtre dont se souviennent encore beaucoup de Luxembourgeois“. Au sud, Vago proposait d’inclure les rue Mercier, rue du Commerce, rue du Fort Wedell comme „secteur central“, alors qu’il s’agissait jusque-là d’un ancien quartier semi-industriel.

Pierre Vago (1910-2002) était connu dans les milieux d’affaires luxembourgeois, car il avait été associé aux travaux de construction de la maison Mayrisch-de Saint-Hubert à Cabris en 1941-1943. Au lendemain de la guerre, il avait construit et aménagé les villes sinistrées d’Arles, de Tarascon, de Beaucaire, du Mans. Comme architecte, il avait travaillé en Algérie et en Tunisie. Il avait réalisé la bibliothèque universitaire à Bonn, le campus universitaire à Lille. Dans ses conceptions, il plaçait les questions d’esthétique et de style au second plan, derrière la résolution des contraintes techniques et de programme.

Sensibilité au patrimoine urbain?

De ce point de vue, il n’est point étonnant que son plan d’aménagement ne prévoyait pas d’article spécial quant à l’esthétique générale des constructions. Seulement en 1975, sans doute suite à l’impact de l’année du patrimoine architectural, la ville introduit à son règlement sur les bâtisses un article spécifique relatif aux „conditions esthétiques“ à respecter.

Les „servitudes d’architecture“ prévues au plan de Pierre Vago ne concernaient pas la protection du patrimoine existant. Elles demandaient que les projets pour de nouvelles constructions soient conformes à un projet d’ensemble à faire élaborer par l’administration communale. Ces servitudes concernent une section du Boulevard F.D. Roosevelt, la place des Martyrs, les îlots à gauche et à droite de l’Avenue de la Gare, l’Allée Scheffer, une partie du Boulevard de la Foire. Le nouveau plan permit dans les secteurs centraux des hauteurs allant jusqu’à 25 m. Les secteurs centraux comprennent la ville haute, le plateau Bourbon, le quartier en face de la gare, la partie inférieure du Limpertsberg. Ils présentent une forte densité d’établissementw commerciaux et récréatifs ainsi que de bâtiments administratifs, grands magasins, hôtels, cafés, restaurants, cinémas, immeubles de bureaux, mais aussi des logements.

Toutefois, il ne faut pas considérer que Vago ait été indifférent au patrimoine. Dans son plan d’aménagement, il avait prévu selt zones spécifiques, dont les „secteurs et monuments protégés“. Représentant un „capital légué par le passé“ et „à mettre en valeur“, ces secteurs regroupaient la vieille ville, le secteur du parc, le Grund, le plateau du Rham, Clausen, Pfaffenthal, Siechenhof, une partie du Boulevard de la Pétrusse, la section de l’Avenue Marie-Thérèse entre le Boulevard Royal et le Boulevard Prince Henri.

Ce fut la première fois dans l’histoire urbaine de la ville que de tels périmètres furent fixés. Vago considérait que „Luxemburg ist bis heute eine verhältnismäßig wenig verschandelte Stadt geblieben. Diesen unschätzbaren Vorteil müssen wir wahren. Von einigen bedauerlichen Irrtümern abgesehen, ist die Silhouette der Stadt ungestört und wir werden uns bemühen, was die Altstadt anbelangt, ihren Charme zu erhalten. Wolkenkratzer sind hier wirtschaftlich nicht notwendig.“

La liste des monuments à protéger ne mentionne en tout que 12 sites et biens exclusivement publics et inclut le patrimoine religieux, le palais grand-ducal, l’hôtel de ville, le site archéologique „Mansfeld“. La partie écrite du plan Vago précisait que „dans leur entourage immédiat, aucune construction ou transformation qui pourrait porter préjudice au site ne fut admise“. Dans le „secteur protégé du parc“, les constructions et plantations étaient frappées de servitudes de conservation. Pierre Vago se disait favorable au „curetage de l’intérieur du ou des îlots et la création de cours communes“. Il proposait d’aménager la place du Saint-Esprit en parc jalonné d’une promenade sur les remparts.

Le retrait de Pierre Vago

De nombreuses modifications et concessions allaient déformer le plan de son auteur: „C’est regrettable que, devant des problèmes qui sont, avant tout, des problèmes d’urbanisme, les autorités responsables n’aient pas jugé utile de connaître l’avis de l’urbaniste, qui (que l’on soit d’accord ou non avec telle ou telle de ses propositions) s’y est penché professionnellement, pendant plusieurs années. (…) Le contribuable luxembourgeois est bien gentil de ne pas demander quelques explications, car c’est lui qui, en fin de compte, paye la note“ (Pierre Vago). Quoique son plan ait été adopté en 1967, Pierre Vago s’est retiré le 30 septembre de cette année, „angeekelt vom Kleinkrämergeist“.