FranceLe ministre de la Justice et le secrétaire général de l’Elysée incriminés par la justice

France / Le ministre de la Justice et le secrétaire général de l’Elysée incriminés par la justice
Le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti (d.), rattrapé par la Justice, n’entend pas démissionner de son poste Photo: AFP/Bertrand Guay

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Le début de la semaine aura été marqué par deux coups durs judiciaires pour l’exécutif. D’abord les poursuites engagées contre le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, renvoyé devant la Cour de Justice de la République pour „prise illégale d’intérêts“, puis, quelques heures plus tard, contre le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, mis en examen pour le même motif, mais à propos d’une affaire qui n’a rien à voir.

La quasi-concomitance des mises en cause de ces deux personnages emblématiques de la présidence d’Emmanuel Macron est évidemment, pour ce dernier, une très mauvaise nouvelle. Sans doute les faits reprochés aux intéressés sont-ils très différents, en dépit d’une formulation similaire. Au ministre de la Justice, deux syndicats de magistrats reprochent d’avoir profité de ses fonctions pour régler des comptes avec certains de leurs membres, avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu’il était encore avocat – et même un avocat d’un brio redouté dans les prétoires.

Au secrétaire général de l’Elysée, une association (d’ailleurs subventionnée, ironie du sort, par les pouvoirs publics) fait grief de n’avoir pas mentionné, en déclarant ses éventuelles attaches financières présentes ou passées au moment de sa nomination dans l’équipe de la présidence de la République, qu’il avait jadis appartenu aux administrateurs de MSC, importante société organisatrice de croisières.

Le premier a annoncé qu’il allait se pourvoir en cassation, ce qui devrait de toute façon renvoyer de quelques mois la suite de la procédure. La Cour de Justice de la République, statutairement chargée d’examiner le cas des hauts personnages publics incriminés, s’est surtout distinguée, jusqu’à présent, par son … indulgence; mais le risque existait, dès sa nomination, pour le Garde des Sceaux, qu’elle veuille justement marquer que le ministre de la Justice ne saurait, au seul vu de sa fonction, échapper aux foudres de la loi. M. Dupont-Moretti fait cependant valoir que, justement pour prévenir toute action de ce type, il s’était officiellement déchargé sur les services du premier ministre des décisions sur lesquelles les magistrats ont fondé leur plainte.

Difficiles relations entre l’Elysée et la magistrature

Quant à Alexis Kohler, si sa défaillance semble plus facile à établir matériellement, il devrait tout du moins pouvoir plaider (de bonne ou moins bonne foi …) l’oubli marginal; et surtout mettre au défi les magistrats instructeurs de trouver la moindre circonstance dans laquelle ses relations passées avec le célèbre croisiériste auraient pu influer les conseils qu’il a pu prodiguer au chef de l’Etat, ni les impulsions qu’il aurait données en son nom au gouvernement.

Il n’en reste pas moins que la façon dont le président Macron a aussitôt manifesté sa bienveillance, pour ne pas dire sa solidarité, à ses deux collaborateurs ainsi incriminés, tend à rompre avec une tradition. Tradition dont le locataire au début de son premier quinquennat, lorsque des mises en examen l’avaient conduit à se séparer de deux ministres sur lesquels il comptait pourtant: François Bayrou (à la Justice, déjà …) et Richard Ferrand. Or il ne semble pas question aujourd’hui de démission.

Décidément, les relations entre l’Elysée et la magistrature ne semblent pas au beau fixe depuis, au minimum, la réélection d’Emmanuel Macron, que l’on dit exaspéré par la „judiciarisation“ croissante de la vie publique française. Déjà, lors de la cérémonie de ré-investiture présidentielle du printemps dernier, on avait beaucoup remarqué l’absence de plusieurs hautes personnalités de la Justice, pourtant invitées, dont celle du numéro un hiérarchique François Molins, procureur général près la Cour de cassation de Paris.