TadlerLe „Marionettefestival“ fait son retour

Tadler / Le „Marionettefestival“ fait son retour
„On a souvent du mal à mesurer l’ampleur que l’organisation d’un tel festival peut prendre. Ce n’est pas nécessairement le genre qui est complexe, mais le fait d’être hors les murs, dans un village“, explique la directrice artistique, Angélique D’Onghia Photo: Editpress/Alain Rischard

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Le festival international de marionnettes de Tadler fait son retour ce week-end. Ce n’est que sa neuvième édition en 22 années, du fait d’une histoire mouvementée dont Angélique D’Onghia est le fil conducteur.

Si le festival de marionnettes de Tadler n’aura tenu souvent qu’à un fil, sa survie n’aura tenu plutôt qu’à une fille. Les destins d’Angélique D’Onghia et du „Marionettefestival“ sont étroitement liés depuis 13 ans maintenant. Quand la première, au sortir d’un master d’expertise et médiation culturelle, est entrée au service de Maskénada, le second connaissait sa première expérience à Tadler. Le Marionettefestival lancé par le collectif d’artistes en 2001 fut d’abord biennal et itinérant, allant de village en village. A partir de 2010, il ne fut plus itinérant, ni même vraiment biennal. „Dès que le festival a eu lieu à Tadler, il était évident qu’il allait rester là, parce que c’était le lieu qui convenait le mieux“, explique Angélique D’Onghia. Tadler, c’est un petit village d’une certaine d’habitants, tranquille et chantant, accroché à flanc de colline, où les maisons et fermes séculaires dominent encore l’architecture. Le côté bucolique et relaxant l’emporte largement sur le caractère pentu des lieux, qui limitent le nombre et la taille des endroits plats pour y poser une scène.

Lors de cette cinquième édition en 2010, qui fut la première pour elle, Angélique D’Onghia travaillait surtout à la coordination, à la billetterie et au bon déroulement de l’événement. Elle se souvient n’avoir vu que quelques spectacles. C’est en septembre suivant, en se rendant dans la capitale mondiale du festival de marionnettes, Charleville-Mézières, qu’elle a découvert toute la profondeur et la variété de l’art de cet art. „Pour moi, jusque-là, c’était quelque chose d’assez traditionnel, symbolisé par les marionnettes à fil“, témoigne-t-elle. „A moi qui avais fait des études dans l’art contemporain, cela semblait assez poussiéreux. Mais en fait pas du tout, je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas deux spectacles identiques, que c’était très vaste comme art.“

Le coup de foudre eut lieu lors d’un spectacle de la danseuse et créatrice allemande Ilka Schönbein, une des références dans l’art de la marionnette. „Elle présentait ,Die Alte und das Biest‘, qui parle du corps vieillissant de la femme. Je suis restée bouche bée tant ça m’a secouée. Je ne savais pas si j’avais aimé ou pas, mais je savais que ça m’avait touchée. C’est entré dans mon cerveau, dans mon cœur et a fait un gros boom“, se souvient-elle avec émotion. Elle se rend alors compte que la marionnette rend possible des dispositions inaccessibles à la danse et le théâtre. „Tu peux plastiquement rendre des choses réalistes qui ne sont pas possibles quand tu es juste là avec ton corps. La plasticité du genre m’a passionnée.“ 

De Maskénada aux Rotondes

Angélique D’Onghia apporte dès lors cette touche plus contemporaine de la marionnette au sein de Maskénada. Et c’est cette forme nouvelle qui prend logiquement le dessus, à partir de 2012, quand, après le départ des deux directeurs artistiques, elle reprend la programmation à son compte. Elle doit alors apprendre sur le tas comment monter un tel festival. Mais, soucieuse d’étoffer son expérience dans une institution plus structurée, elle part aux Rodondes dès mi-2013. Elle le fait non sans un pincement au cœur à l’idée de laisser le festival derrière elle. Elle est jeune et pense avoir le temps de revenir aux marionnettes plus tard. Mais ce qu’elle n’imagine pas, c’est qu’après son départ, Maskénada jetterait l’éponge. Il faut dire que le Marionettefestival s’était émancipé de l’esprit de Maskénada, qui reste avant tout celui de produire des spectacles de ses membres. Trop peu d’entre eux proposaient des spectacles de marionnette, alors que l’organisation du festival était chronophage. 

Ce qu’elle imaginait encore moins, c’est que Maskénada s’adresserait aux Rotondes pour reprendre le flambeau. L’institution de Bonnevoie avait deux atouts: sa programmation „jeune public“ et une certaine Angélique D’Onghia dans son équipe. Elle est „aux anges“. Rapidement, la voilà de nouveau programmatrice du festival de Tadler avec des moyens plus professionnels qu’autrefois. De trois personnes chez Maskénada, il y a désormais 20 personnes mobilisées aux Rotondes, pour les éditions 2016 et 2018. La machinerie est toutefois plus lourde et il faut mener de front l’organisation du festival avec la programmation déjà intense sur toute l’année. Les Rotondes doivent aussi prendre de nouvelles habitudes, routinières chez Maskénada: l’organisation de spectacles hors de ses murs et in situ. En 2019, les Rotondes estiment que c’en est trop pour elle et abandonne le festival pour des raisons logistiques. L’édition 2020 n’aura pas lieu – et n’aurait de toute façon pas eu lieu pour les raisons qu’on sait. Dans le Nord toutefois, on s’est habitué à devenir la capitale des marionnettes. Courant 2021, Séverine Zimmer de „Service for Creatives“ qui organise Waterwalls pour le compte d’Esch-sur-Sûre, contacte Angélique D’Onghia pour lui dire le souhait de la commune de relancer le festival. Elle n’hésitera pas longtemps pour quitter les Rotondes et rejoindre „Service for Creatives“.

„Beaucoup de patience“

„On a souvent du mal à mesurer l’ampleur qu’un tel festival peut prendre. Ce n’est pas nécessairement le genre qui est complexe, mais le fait d’être hors les murs, dans un village“, explique la directrice artistique. „Cela a du sens que si l’on travaille avec la Région, les clubs, les habitants, les services techniques et ainsi de suite. C’est une machine qui demande beaucoup de patience, d’attention, de présence.“ Lorsque l’on voit Angélique D’Onghia se déplacer d’un pas sûr dans le village et recevoir un accueil chaleureux de la part des habitants qui mettent à disposition leurs biens pour le festival, on imagine aisément les centaines d’heures qu’elle a dû passer en ces lieux. La connaissance du terrain et la flexibilité sont indispensables. „Il y aura toujours des imprévus. Ce n’est pas une scène qui est rodée, mais un village.“

Ces lieux ne sont pas calibrés sur mesure. „Il faut des spectacles adaptés à des lieux non conventionnels que sont les granges. Or, c’est un art très précis, dans lequel, comme pour la danse, les lumières jouent un rôle très important.“ Les arts de la marionnette évoluent aussi vers toujours plus de recherche et, en conséquence, techniquement plus de complexité, même si des compagnies cultivent le lien très intime avec le public et veillent à produire des spectacles qui peuvent se jouer partout.

Schaltzhaff, Hansscheier, Plumerscheier, Peifferschapp, Glodégarage, Agnesgarage, Peifferhingerstal, Hansschapp, Peiffersscheier: les noms des scènes portent les noms des habitants, comme le font les maisons par dédain pour les noms de rues. Les panneaux d’indication de la dernière édition de 2018 sont encore là, dans une grange. Mais tous ne pourront servir cette fois-là. Angélique D’Onghia fait le tri: une grange a été vendue et n’est plus disponible. Une autre sera utilisée pour la dernière fois. Une grange énorme d’une vieille ferme du XVIIIe siècle est divisée en deux salles. Il y a aussi des garages, dont il faut faire un atout de leur hauteur limitée. L’église abritera deux spectacles en alternance. Mais ils devront être démontables facilement pour qu’en ce week-end de Pentecôte, la traditionnelle procession de Willibrord puisse s’y tenir le dimanche matin. Les spectacles doivent aussi s’accorder avec la sonorité des lieux. „Je pars de ce que je voudrais programmer et j’adapte en fonction des lieux.“ Un autre habitant fournit deux scènes dans ses granges et une troisième dans son poulailler. Le boucher organise les repas avec les clubs qui s’occuperont du catering (140 bénévoles au total sur le festival), tandis qu’un atelier pour enfant se tiendra dans le jardin d’un habitant. 

Il fallait, pour réaliser l’organisation du festival en un temps record, disposer des réseaux, avoir des réflexes et connaître les démarches à mener. En 13 ans, Angélique D’Onghia a eu le temps de les tisser. La Belgique et la France, pays les mieux représentés, sont des réservoirs tant les compagnies y sont nombreuses. Au Luxembourg, la pratique est encore modeste, mais Angélique D’Onghia aimerait que la relance du Marionettefestival de Tadler participe à l’éclosion de nouvelles vocations. „J’aimerais que le festival puisse être un tremplin pour que la scène luxembourgeoise évolue. Il y a un intérêt, mais c’est quelque chose qui n’est pas si accessible. Il faut des formations et travailler avec des professionnels qui connaissent cet art.“ 

Une image de la dernière édition en 2018
Une image de la dernière édition en 2018 Photo: Editpress/Anne Lommel

Infos

Le Marionnettenfestival de Tadler a lieu du 26 au 29 mai (le vendredi est destiné aux scolaires). 16 compagnies, proposant 20 spectacles et activités pour plus d’une centaine de représentations, seront présentes sur les quatre jours. Six d’entre elles sont gratuites. Les billets d’entrée pour les autres peuvent être achetés à l’unité ou sous forme de pass quatre tickets pour spectacles longs (40 euros pour les plus de 25 ans, 20 euros pour les moins de 25 ans) et pour spectacles courts (20 euros pour tous). Programme et infos complètes: www.marionettefestival.lu.