FranceLe gouvernement Borne échappe de justesse à la censure des députés

France / Le gouvernement Borne échappe de justesse à la censure des députés
Les députés de „La France Insoumise“ (LFI) et d’autres de la coalition NUPES manifestent leur opposition à la réforme des retraites hier à l’Assemblée Nationale  Photo: AFP/Bertrand Guay

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Les députés ont, hier en fin d’après-midi, statué sur les deux motions de censure déposées contre le gouvernement après que ce dernier avait annoncé recourir à l’article 49-3 de la Constitution pour tenter de faire passer sans vote son projet de réforme des retraites.

La première déposée et examinée émanait du petit groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires), et était considérée comme de loin la plus dangereuse pour l’exécutif, même si son adoption semblait incertaine. De fait, elle n’a recueilli que 278 suffrages sur les 287 requis pour renverser le gouvernement. La seconde, présentée par le Rassemblement national, avait encore beaucoup moins de chances de passer.

Il régnait vraiment, hier au Palais-Bourbon, une atmosphère de quitte-ou-double, avec l’examen de ces ceux motions de censure qui devaient décider du sort du gouvernement. Encore l’expression est-elle un peu abusive, car si la première option, autrement dit le vote de la censure, devait en effet impliquer constitutionnellement la chute du gouvernement, la seconde – son rejet, finalement acquis d’extrême justesse – ne lui garantit pas une longévité double, ni même des jours plus tranquilles que ceux qu’il vient de traverser.

Ni à l’Assemblée nationale, ni dans les rues et les entreprises. Car depuis l’annonce gouvernementale du recours à l’article 49-3, jeudi, les incidents n’ont pas cessé de se multiplier. Non seulement ont eu lieu diverses manifestations, souvent petites mais très nombreuses, surtout en province, mais aussi des accrochages avec la police à la suite d’incendies de poubelles ou de destruction de mobilier urbain; et 169 personnes ont été interpellées samedi soir, dont 122 à Paris. Ce qui a fait dire à la Ligue des Droits de l’homme que le gouvernement avait eu recours à „un usage disproportionné et dangereux de la force publique, mettant à mal le droit de contestation des citoyens et constituant un tournant antidémocratique“.

A Lyon, une mairie d’arrondissement a été saccagée par des manifestants. Dans différentes autres villes, des permanences d’élus macronistes, mais aussi de LR, ont également été attaquées et vandalisées, et les directions de ces deux partis ont demandé la protection de la police pour leurs élus, lesquels font en outre l’objet de nombreuses menaces anonymes. Sur le front social en outre, le blocage des raffineries de pétrole se poursuit, mettant à sec de nombreuses stations-services, et la situation des grèves dans les transports publics reste incertaine. Quelques centaines d’étudiants de l’université de Paris-I ont par ailleurs décidé hier le blocage du site de Tolbiac.

Marleix (LR): „Le vrai problème, c’est Macron!“

C’est donc dans ce climat qu’avaient achevé de tendre tous ces incidents extérieurs au Parlement que s’est tenu le débat préalable, dans des circonstances où l’on avait pourtant le sentiment que, pour ou contre, tout avait été déjà dit et redit. Comme on pouvait s’y attendre, les orateurs des groupes signataires de l’une ou l’autre motion, mais aussi de tous les autres groupes d’opposition à l’exception des Républicains, ont expliqué pourquoi ils étaient hostiles au gouvernement en général, et à cette réforme en particulier, cependant que ceux de la majorité présidentielle développaient évidemment la position contraire.

Avec, en clôture, la première ministre elle-même, qui allait notamment ironiser sur ce que pourrait être la composition d’un futur gouvernement regroupant différents signataires de la motion, très opposés entre eux. „Une motion de censure, c’est, a contrario, un programme commun de gouvernement“, devait-elle estimer – un peu sur le modèle de la „motion de censure constructive“ qui existe en Allemagne, au fond.

Mais c’était particulièrement l’intervention du président des députés LR, Olivier Marleix, qui était attendue, compte tenu de la fracture qui existait au sein de son groupe sur l’opportunité de voter la censure. Restant clairement dans l’opposition au chef de l’État, mais non à la réforme, ce dernier s’en est tiré en déclarant: „Le problème aujourd’hui, ce n’est pas la réforme des retraites, c’est le président de la République. Cette nécessaire réforme paie six années d’un exercice isolé, parfois narcissique et souvent arrogant du pouvoir, comme insensible à la vie des Françaises et des Français, d’un président en décalage avec le pays.“

Vallaud (PS): „Vous prenez un risque inconsidéré“

Quant au président du groupe socialiste, Boris Vallaud, il devait mettre le doigt sur le fait que si la réforme ne l’emportait qu’à la faveur du 49-3, et non par un vote direct sur son texte, „elle ne serait couverte d’aucune onction démocratique et parlementaire“, et il a lancé au gouvernement: „Vous prenez le risque inconsidéré de disqualifier le dialogue social et les organisations syndicales, et de laisser prospérer partout dans le pays les formes de contestation les plus désorganisées et les plus brutales (…). Le président se comporte aujourd’hui en forcené et en acharné, enfermé désormais dans un tête-à-tête avec lui-même. Ce n’est pas du courage, c’est de la déraison.“

Le vote proprement dit – strictement nominatif, seuls les partisans de la censure s’exprimant – devait ensuite, comme le veut la tradition, se tenir non dans l’hémicycle, mais dans des salons de l’Assemblée, quoique le scrutin soit public. Il s’est donc traduit par un verdict rassurant, mais à peine, pour le gouvernement, puisqu’il n’aura manqué que neuf voix à la motion de censure pour qu’il soit renversé, et sa réforme des retraites renvoyée aux oubliettes.

La suite très prochaine dira si cette situation lui permet de tourner malgré tout cette page pénible, ou bien si, malgré le rejet de la censure, les ennuis vont continuer pour lui. En attendant, Mme Borne doit recevoir plusieurs ministres à déjeuner à Matignon ce mardi. Une réunion de rescapés, en quelque sorte.