Dienstag9. Dezember 2025

Demaart De Maart

FranceLe budget de la Sécurité sociale adopté de justesse

France / Le budget de la Sécurité sociale adopté de justesse
Le ministre des finances, Roland Lescure (g.), en discussion avec le premier ministre Sébastien Lecornu pendant le débat à l‘Assemblée nationale Photo: Alain Jocard/AFP

Les députés français ont finalement adopté, aux termes d’ultimes tractations avec le gouvernement, le projet de loi de finances de la Sécurité sociale, après un marathon budgétaire qui, après un dernier aller-et-retour avec le Sénat, va pouvoir se poursuivre sur le budget de l’Etat.

Sur 577 élus, il y a eu 247 votes pour, 234 votes contre, et 93 abstentions. Le ralliement du PS a largement contribué à cette décision, combattue par l’extrême droite et l’extrême gauche. Le suspense se sera maintenu des heures durant, hier après-midi au Palais-Bourbon. Et cela même si le premier ministre, qui avait fait et refait ses calculs toute la nuit, dit-on, se voulait secrètement optimiste, tout en s’interdisant sagement le moindre pronostic. Le facteur qui tendait à lui redonner espoir, et la suite a prouvé qu’il n’avait pas tort alors que sur le papier la partie semblait à l’origine perdue, avait été, lundi matin, l’annonce d’Olivier Faure.

Le premier secrétaire du PS avait en effet déclaré que, tout bien pesé, et malgré certaines réserves, son parti voterait en faveur de ce fameux PLFSS, acronyme longtemps réservé aux seuls spécialistes mais que les Français ont appris à connaître puisqu’il désigne le „projet de loi de finances de la Sécurité sociale“. Il a en effet estimé que, durant les négociations avec Matignon, il avait „obtenu toute une série d’avancées“, notamment en faisant disparaître du projet gouvernemental le gel des pensions de retraites et des prestations sociales, ainsi que le doublement des franchises médicales.

Mais plus que tout, ce qui importait aux yeux de M. Faure – et qui aurait pu aussi conquérir, avait espéré en vain M. Lecornu, l’approbation du reste de la gauche – était que la réforme des retraites, visant à esquisser le retour des caisses concernées à l’équilibre financier. „Le premier ministre s’y est engagé, il s’y est montré fiable dans toute la discussion; je souhaite que nous puissions à notre tour être fiables et faire en sorte que ce budget soit adopté“, a insisté Olivier Faure, tout en soulignant qu’il ne s’agissait que d’un budget de compromis, donc imparfait.

Un choix stratégique des socialistes

En fait, ce choix stratégique du PS, évidemment très critiqué par l’extrême gauche mélenchoniste et communiste, devrait lui permettre d’apparaître auprès de l’opinion comme le „sauveur“, à gauche, de la suspension de la réforme des retraites: sans budget de la Sécurité sociale, cette suspension aurait dû, au minimum, être remise séparément sur le tapis. A quelques mois des élections municipales, où La France Insoumise compte bien mener la vie dure à ses anciens alliés socialistes, un tel positionnement peut avoir tout son intérêt. Le problème étant maintenant pour Olivier Faure de ne pas apparaître aussi – puisque cette décision ne saurait être considérée comme un ralliement à la majorité gouvernementale – comme le „sauveur“ de M. Lecornu. Lequel, il est vrai, avait fait dire qu’il ne démissionnerait pas en cas de rejet parlementaire du PLFSS.

Or l’éventualité de ce rejet sera restée aussi plausible, durant presque toute la séance, que celle d’une adoption, les pronostiqueurs ne se montrant à peu près certains que d’une chose: le score allait être très serré. D’autant plus que celui-ci ne devait sans doute pas correspondre à la simple addition des effectifs de chaque groupe: chez plusieurs d’entre eux, les intentions seront restées, jusqu’au bout, assez partagées.

Un autre élément était susceptible, cependant, de faire pencher la balance du vote en faveur du texte gouvernemental, au moins de manière indirecte: les intentions des écologistes. La première fois, ils avaient voté contre le texte initial; puis, à la suite de nouvelles négociations faites par M. Lecornu, l’abstention semblait leur agréer davantage. Neutralité relative confortée, finalement, quelques heures avant le scrutin, par une ultime concession: une hausse des dépenses de l’assurance-maladie, dans le texte soumis au vote, de 3%, au lieu des 1,6% d’abord annoncés.

Une victoire personnelle pour Lecornu

L’abstention était aussi le choix préconisé par l’ancien premier ministre ex-macroniste Edouard Philippe et son parti Horizons. De même pour la plupart des élus des Républicains, le président du parti, Bruno Retailleau, allant jusqu’à prôner le vote hostile, contrairement à Laurent Wauquiez. Il est vrai que l’on se demandait jusqu’à quel point ces consignes seraient suivies, et de fait, elles allaient l’être assez incomplètement.

Restait la masse compacte des oppositions radicales, face aux partisans de l’adoption – dont l’essentiel des élus macronistes, du MoDem, du PS et du groupe LIOT (Libéraux, indépendants, outre-mer et régions) – à savoir les groupes lepéniste, ciottiste, communiste et mélenchoniste. Deux ensembles de poids à peu près équivalents, ce qui achevait de conférer une importance considérable aux abstentionnistes, déclarés ou discrets, et aux hésitants, dont certains ne cachaient pas, dans les coulisses de l’Assemblée, qu’ils se réservaient la possibilité de changer d’avis au tout dernier moment, dans un sens ou dans l’autre. Et puis des députés LR et Horizons, en quantité non négligeable, ont choisi de désobéir aux consignes qui leur étaient données et de voter en faveur du budget de la Sécurité sociale. Autant dire que la tâche des pronostiqueurs n’était décidément pas facile …

Quoi qu’il en soit, les élus ont finalement tranché. La France aura donc bien un budget pour sa Sécurité sociale l’an prochain, et l’Assemblée nationale va pouvoir entamer, fût-ce avec retard, et après un ultime aller-et-retour avec le Sénat, l’examen de celui de la nation. C’est évidemment, pour le premier ministre, un vrai succès personnel, la récompense de son obstination, et plus encore sa méthode, axée sur la concertation et sur une grande patience. Pour autant, est-ce un succès pour la France? Acquis au terme d’un processus où le Parlement ne se sera pas autant grandi dans l’opinion qu’il l’espérait, c’est même un euphémisme, ce dispositif repose sur un nouveau déficit des comptes sociaux d’une vingtaine de milliards, et laisse béante, parmi d’autres, la question des retraites, qu’il faudra tout de même bien oser affronter un jour.