Sonntag7. Dezember 2025

Demaart De Maart

La spoliation des biens juifs (14)La loi des promesses non tenues (I): Retour sur les débats autour des dommages de guerre

La spoliation des biens juifs (14) / La loi des promesses non tenues (I): Retour sur les débats autour des dommages de guerre
Photo prise après la bataille des Ardennes en 1945, date exacte et lieu inconnus Photo: Tony Krier/Photothèque de la Ville de Luxembourg

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La „loi du 25 février 1950 concernant l’indemnisation des dommages de guerre“ est une des lois les plus importantes de l’après-guerre au Luxembourg. Le rapporteur Tony Biever (CSV) en est conscient lorsqu’il introduit les débats à la tribune de la Chambre des députés le 29 septembre 1948: „Messieurs, votre Commission spéciale m’a chargé du devoir particulièrement délicat et peut-être ingrat de rapporter devant vous le projet de loi certainement le plus lourd en conséquences financières qui ait jamais occupé un parlement luxembourgeois.“1

Un coût estimé à 24 milliards

L’enjeu est effectivement de taille. En vue d’une future Conférence internationale des Réparations, le coût total des dommages de guerre du Grand-Duché est estimé à 24 milliards de francs. En 1945, le gouvernement et tous les partis promettent encore d’indemniser à 100%. Les 24 milliards sont en théorie à payer par les responsables des dégâts causés, c’est-à-dire principalement l’Allemagne. Or, du moins dans l’immédiat, l’Allemagne ne paie pas. Une grande Conférence multilatérale pour régler la question des dettes de réparation ne se profile pas encore à l’horizon. Les négociations bilatérales entre le Luxembourg et l’Allemagne n’avancent que lentement.

Or, les recettes annuelles de l’Etat luxembourgeois s’élèvent dans l’après-guerre à environ un milliard et demi. Or, pas moins de cent mille dossiers de demandes d’indemnisation ont été déposés. Les résistants autour de la LPPD et les enrôlés de force autour de la Ligue Ons Jongen forment les deux grands groupes de pression.2 Les débats autour de la loi vont faire apparaître d’autres groupes de victimes: les „Umgesiedelte“, les destitués politiques, les juifs, les Spueniekämpfer, les antifascistes étrangers, etc. Mais seuls les résistants et les enrôlés de force sont mentionnés dans l’exposé des motifs et le commentaire des articles du projet de loi.

Dès l’exposé des motifs du projet de loi de 1946 d’une „Commission consultative“ d’experts et hauts fonctionnaires mise en place par le gouvernement d’union nationale, il est souligné: „En présence de l’importance des dégâts causés par la guerre et l’occupant d’une part, et des possibilités restreintes de l’Etat d’autre part, il n’est guère possible de satisfaire toutes les exigences, car si le Gouvernement a assumé l’obligation d’indemniser intégralement les sinistrés et les victimes de guerre et de la terreur nazie, il a aussi le devoir de bien gérer les finances de l’Etat, afin d’éviter un échec financier, dont souffriraient en premier lieu ceux qui ont un droit incontestable à être indemnisés.“3 Non seulement, la promesse principale, celle de l’indemnisation intégrale, passe à la trappe. Pour limiter les dépenses à environ 11 milliards de francs au lieu des 24 milliards estimés, le projet de loi envisage encore de sélectionner les ayants-droit et donc d’établir une hiérarchie entre les victimes.

En avril 1948, le projet de loi avisé par le Conseil d’Etat est prêt à être débattu au parlement. Entretemps, le gouvernement d’union nationale, mis en place à la suite des élections d’octobre 1945, a éclaté en février 1947 après le départ des socialistes et des communistes. Le gouvernement de coalition composé du parti chrétien-social et du groupement patriotique et démocratique peut néanmoins compter sur une majorité confortable de 34 députés sur 51 à la Chambre des députés.

Des critères pour exclure

Prenant le contrepied des législations des trois pays voisins, le gouvernement CSV-Groupement entend introduire plusieurs critères limitatifs. Premièrement, en ce qui concerne les dommages matériels et corporels, il introduit non seulement le critère de la territorialité, mais aussi celui du domicile au Luxembourg. Deuxièmement en ce qui concerne les dommages dits politiques reformulés comme „dommages subis en raison de l’attitude patriotique“, alors que les pays voisins admettent comme critère la persécution par l’occupant d’une personne en raison de son appartenance à sa race, à sa confession ou à un parti politique, le projet de loi luxembourgeois exclut largement ce principe de la persécution nazie. Le projet de loi exige en effet pour être indemnisé au titre du dommage politique non seulement d’avoir été persécuté par les nazis, mais encore la preuve de „1. un acte de résistance patriotique caractérisé; 2. la sanction individuelle consécutive à cet acte et déterminée par lui“.4

En plus, la loi luxembourgeoise prévoit comme les lois belge et française le critère de la nationalité comme critère exclusif, contrairement à la loi néerlandaise qui dédommage les résistants et résistantes quelle que soit leur nationalité. Conscients de la présence d’une grande communauté étrangère au Luxembourg, dont de nombreux antifascistes et antinazis, une exception est néanmoins prévue pour les personnes apatrides et étrangères résidant depuis longtemps au Luxembourg, à condition ici également qu’il y ait des actes patriotiques individuels qualifiés de „services signalés“ rendus au pays.

L’historienne Renée Wagener résume ainsi les principes de la loi de 1950:5

1. Les indemnisations ne concernent que les personnes de nationalité luxembourgeoise.

2. Les indemnisations ne concernent que les dommages matériels ou physiques, pas les dommages psychologiques.

3. Le remboursement des pertes de revenus et l’indemnisation des dommages physiques ne concernent que les personnes qui avaient été déportées en camp de concentration ou qui avaient subi d’autres sanctions individuelles en raison d’un acte de résistance „caractérisé“.

4. Les groupes de victimes ne sont pas indemnisés. La grande exception à cette règle est le versement d’une indemnité unique de quelques milliers de francs aux enrôlés de force ainsi qu’aux réfractaires ou déserteurs de la Wehrmacht.

Promesse principale non tenue. Loi d’exclusion plutôt que d’inclusion en ce qui concerne l’indemnisation des victimes et des groupes de victimes. Une fois dans l’opposition, les partis socialiste et communiste prennent vigoureusement la défense du plus grand groupe de victimes, celui des enrôlés de force, à côté de celui des résistants. Une motion parlementaire du parti communiste demandant le même dédommagement pour les enrôlés de force que pour les résistants est rejetée. Lors des élections partielles de juin 1948, le secrétaire général de la Ligue Ons Jongen, Romain Fandel, est élu député pour le parti socialiste.

Le débat sur le projet de loi n’a évidemment pas lieu avant les élections partielles de juin 1948. Impossible de gagner les élections avec un tel projet. Elections partielles gagnées d’ailleurs par le parti socialiste. Le gouvernement CSV-Groupement garde toujours une majorité confortable de 31 contre 20 députés.

Les débats sur le projet de loi commencent finalement le 29 septembre 1948 à la Chambre des députés. Ils dureront jusqu’au 5 novembre 1948. Quinze séances, 565 pages dans les comptes rendus des séances de la Chambre des députés. Le texte du projet de loi est amendé lors des débats et fait retour au Conseil d’Etat. Le texte définitif du projet de loi avec les amendements des députés, les modifications proposées par le Conseil d’Etat et adoptées par la Commission spéciale de la Chambre sont discutées dans trois séances supplémentaires du 17 au 19 janvier 1950.

(Suite de l’article le 20 mai 2025)

Extrait d’un document parlementaire sur la loi concernant l’indemnisation des dommages de guerre
Extrait d’un document parlementaire sur la loi concernant l’indemnisation des dommages de guerre Source : CRCD, CRCD, 1947-1948, Annexes, p. 28.

Le 27 janvier 2021, le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et les Communautés juives, représentées par le Consistoire israélite du Luxembourg, ont signé un accord relatif aux questions non résolues dans le cadre des spoliations de biens juifs liées à la Shoah. Dans ce cadre sont prévues e. a. une recherche universitaire indépendante sur la spoliation de biens juifs pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Luxembourg sous occupation nazie et une recherche de provenance sur la présence éventuelle d’œuvres d’art et autres biens culturels spoliés aux Juifs, dans les institutions suivantes: Musée national d’archéologie, d’histoire et d’art (MNAHA), les collections de la Villa Vauban-Musée d’art de la Ville et la Bibliothèque nationale du Luxembourg (BNL).

1 Compte rendu des séances de la Chambre des Députés (CRCD), 1948-1949, Mercedi 29 septembre 1948 (8e séance), p. 208.

2 Trausch Gilbert, Mémoire de la Deuxième Guerre mondiale. Le long combat des enrôlés de force luxembourgeois, in : id. Du particularisme à la nation. Essais sur l’histoire du Luxembourg de la fin de l’Ancien Régime à la Seconde Guerre mondiale, Luxembourg, Editions Saint-Paul, 1989, p. 407-428.

3 CRCD, 1945-1946, Annexes, p. 457.

4 Rapport de la commission spéciale, CRCD, 1947-1948, Annexes, p. 72.

5 Wagener Renée, Emanzipation und Antisemitismus. Die jüdische Minderheit in Luxemburg vom 19. bis zum beginnenden 21. Jahrhundert, (Dissertation, Uni Hagen), Berlin, Metropol Verlag, 2022, p. 541sv.

Hottua Robert
6. Mai 2025 - 22.05

Immer wieder muß ich konsterniert die Tatsache der Ausblendung der Nazibefürwortung im päpstlichen "Luxemburger Wort" zur Kenntnis nehmen. Diese klerikalen "patriotischen Akte" der Befürwortung des Naziterrors sind doch primär und irreversibel und deshalb in ihren beabsichtigten und unbeabsichtigten Konsequenzen generationenlang unkontrollierbar destruktiv wirksam. MfG, Robert Hottua, Luxemburger, 1975 aus der katholischen Kirche ausgetretenes Opfer von "Borderline"-Tyrannei