L’histoire du temps présentIl y a 400 ans, une centaine de protestants anglais sont arrivés en Amérique à bord du Mayflower

L’histoire du temps présent / Il y a 400 ans, une centaine de protestants anglais sont arrivés en Amérique à bord du Mayflower
„Plymouth Rock“: le rocher marque le lieu supposé, où les pèlerins de la Mayflower accostèrent sur le continent américain Photo: Pixabay

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Il y a exactement 400 ans, à l’hiver 1620, une centaine de protestants anglais sont arrivés en Amérique à bord du Mayflower. La colonie qu’ils y ont créée a laissé une empreinte durable sur la société américaine – pour le meilleur et pour le pire. Pourtant, elle a failli disparaître à peine quelques mois après sa naissance et n’a finalement survécu qu’avec l’aide des Indiens. La manière dont ceux-ci ont réussi à communiquer avec les nouveaux arrivants est le plus grand coup de théâtre dans cette histoire.

Le 21 décembre 1620, un groupe de puritains anglais établissait une colonie sur la côte Nord-Est des actuels Etats-Unis. Ils la baptisèrent Plymouth, du nom du port du Sud de l’Angleterre où ils avaient entamé leur voyage, près de trois mois auparavant, à bord du Mayflower. Plymouth n’était pas le premier établissement durable de colons anglais en Amérique du Nord. Treize ans plus tôt, d’autres s’étaient installés plus au sud, à Jamestown, berceau de la Virginie.

Les fondateurs des deux colonies se distinguaient fortement par leurs origines et leurs motivations. Ceux de Virginie étaient majoritairement originaires du Sud de l’Angleterre. Il s’agissait généralement d’hommes, fils puînés de familles aristocratiques ou paysans sans terre, venus tenter leur chance dans le Nouveau Monde. Les puritains venaient plutôt de l’Est de l’Angleterre et étaient pour beaucoup issus de la classe moyenne. Eduqués, partant avec leurs familles, ils tournaient le dos à l’Ancien Monde dans l’espoir de bâtir une Cité idéale sur une terre vierge.

Un peuple élu

Les puritains étaient des calvinistes, c’est-à-dire des protestants qui, dans leur doctrine, insistaient particulièrement sur l’idée de prédestination. Ils croyaient que Dieu avait divisé l’humanité entre une mince minorité d’élus, destinés à le rejoindre au paradis pour l’éternité, et une masse de non-élus condamnés à l’enfer. S’il n’était pas possible de savoir avec certitude à qui Dieu avait accordé sa grâce, ce dernier pouvait cependant donner des indices, par exemple en favorisant le succès d’une entreprise. Quoi qu’il en soit, les puritains étaient en réalité convaincus de former un peuple élu.

La raison pour laquelle ces calvinistes anglais étaient appelés puritains était à chercher dans le contexte religieux, donc politique, de l’Angleterre à l’époque moderne. Au 16e siècle, le roi Henry VIII avait rompu avec le pape et s’était proclamé chef de l’Eglise d’Angleterre. Il avait ainsi créé une Eglise d’Etat qui avait adopté la liturgie protestante tout en conservant certains traits du catholicisme, notamment en ce qui concerne sa hiérarchie. Les puritains voulaient éliminer ces derniers vestiges de papisme, purifier l’Eglise anglicane.

Ceux d’entre eux qui arrivèrent en Amérique à l’hiver 1620, et qui furent plus tard appelés Pères pèlerins (Pilgrim Fathers), étaient plus radicaux encore. Ils estimaient que le monarque n’avait pas à s’occuper de religion, que les congrégations appartenaient à leurs membres et devaient être dirigées par les représentants élus de ces derniers. Avant même de débarquer de leur navire, ils scellèrent un contrat social, créant un „corps politique civil“. La signature du pacte du Mayflower (Mayflower Compact) entrera dans la mythologie américaine comme l’acte fondateur de la démocratie dans le Nouveau Monde

Perdus dans un monde sauvage

Les Pères pèlerins étaient donc des zélotes calvinistes qui nourrissaient un idéal de liberté politique révolutionnaire pour leur temps. Mais s’ils plaidaient pour la liberté de conscience, c’était uniquement de la leur qu’il s’agissait. Car, pour le reste, ils étaient plutôt intolérants et intransigeants. Ils avaient précisément quitté l’Ancien Monde pour fuir sa corruption, ses compromis et ses compromissions, pour ne plus avoir à se mêler aux impies, aux impurs. Tels les anciens Hébreux, ils avaient traversé un désert – un désert d’eau, mais qu’importe – et comptaient bâtir une nouvelle Jérusalem où mener enfin une existence vertueuse et servir d’exemple aux peuples.

Ce qu’ils trouvèrent au bout de leur exode allait cependant sérieusement éprouver leur foi. Devant eux se dressait une contrée sauvage, inconnue et terrifiante. Ils y étaient de surcroît arrivés en plein hiver – pas un hiver comme ceux auxquels ils avaient été habitués mais celui de la Nouvelle-Angleterre, d’un froid mortel. Sur la centaine de colons, la moitié ne lui survécurent pas.

Affamés et affaiblis, les Pères pèlerins vivaient dans la terreur d’un autre danger, celui que faisaient planer sur eux les autochtones, ces païens à moitié nus cachés dans la forêt épaisse. A mesure que leurs forces déclinaient, les Anglais sentaient que les sauvages prenaient de l’assurance, se rapprochaient de leur camp. Arriva enfin le jour où l’un d’entre eux osa y pénétrer. Les sentinelles étaient prêtes à le chasser lorsqu’il ouvrit la bouche. Ce qui en sortit ne fut pas un grognement primitif mais un mot rassurant quoique totalement inattendu: „Welcome!“

Un monde pas si nouveau

Que le premier Indien qu’ils rencontrèrent se soit adressé à eux dans leur langue fut vécu par les Anglais comme un miracle. Leur Dieu leur envoyait un signe pour leur indiquer qu’ils étaient sur la bonne voie. Cet événement était toutefois moins improbable qu’il n’y paraît. Si les puritains furent bien les premiers Européens à s’installer durablement en Nouvelle-Angleterre, ils ne débarquèrent pas dans un univers inconnu. Des pêcheurs et des commerçants européens avaient pris l’habitude de fréquenter ces côtes depuis presque un siècle.

Quant aux Indiens qui y vivaient, ce n’étaient pas des primitifs isolés et hostiles. Leurs échanges avec les gens venus d’au-delà de l’Atlantique étaient réguliers. Ces derniers venaient échanger des fourrures contre des armes et des outils venus d’Europe. Malheureusement, les Européens apportèrent aussi des maladies contre lesquelles les populations d’Amérique n’étaient pas immunisées. Selon certaines estimations, la variole tua jusqu’à 70 pour cent des Indiens de Nouvelle-Angleterre avant que les Anglais ne s’y implantent.

Les puritains arrivèrent ainsi dans un pays largement dépeuplé dont les rares habitants étaient habitués à traiter avec des Blancs. L’Indien qui était venu à leur rencontre appartenait au peuple des Wampanoags. Ceux-ci étaient disposés à accueillir les nouveaux venus, espérant obtenir d’eux des produits européens ainsi qu’un appui dans la lutte contre des peuples rivaux. L’alliance que les Wampanoags scellèrent avec les Pères pèlerins permit à ceux-ci de survivre et d’établir une tête de pont en Amérique.

Thanksgiving

Parmi les Wampanoags vivait un personnage fascinant que les puritains nommèrent Squanto. Il avait été enlevé par des marins 15 ans plus tôt et emmené à Londres, où il avait appris l’anglais. Après bien des péripéties, qui l’avaient notamment mené en Espagne où il avait aussi appris l’espagnol, Squanto était parvenu à rentrer chez lui. Plus personne ne s’y trouvait pour l’attendre, la variole avait emporté sa famille tout comme le reste de sa tribu. Il avait fini par rejoindre les Wampanoags. Lorsque ces derniers décidèrent de s’allier aux colons anglais ils trouvèrent en lui l’intermédiaire parfait.

Squanto apprit aux Anglais à s’acclimater à leur nouvel environnement. Il leur indiqua les meilleurs endroits pour pêcher, leur enseigna comment débusquer le gibier local, leur montra les plantes qu’il fallait cultiver, leur transmit les techniques traditionnelles des Indiens pour améliorer le rendement des sols. Quelques mois plus tard, en novembre 1621, les Anglais invitèrent les Wampanoags à venir faire la fête avec eux afin de rendre grâce à Dieu pour leur première récolte. C’est ainsi que Thanksgiving fut célébré pour la première fois en Nouvelle-Angleterre.

Cette relation idyllique ne tarda pas à se dégrader. Les Pères pèlerins venus à bord du Mayflower n’étaient qu’un avant-garde. Entre 1620 et 1640, près de 20.000 puritains vinrent les rejoindre en Nouvelle-Angleterre, une immigration massive pour l’époque qui déstabilisa complètement la société indienne. Le conflit était d’autant plus inévitable que les puritains considéraient que les terres sur lesquelles ils s’installaient leur avait été données par Dieu et que les Indiens, peuple sauvage, n’avaient d’autres options que de s’assimiler ou de disparaître. Cela finit par arriver. Le premier recensement organisé aux Etats-Unis, en 1790, révéla qu’il n’y avait plus qu’une poignée d’Indiens en Nouvelle-Angleterre contre un million de Blancs.

La société fondée par les puritains a eu un impact crucial sur les futurs Etats-Unis. Démocratique et idéaliste, elle était aussi élitiste, dans le meilleur sens du terme, parce qu’elle se voulait exemplaire. Mais elle avait aussi les vices de ses vertus, car elle était intolérante et jalouse de ses libertés, qu’elle réservait aux seuls membres de la communauté. Croyant en sa prédestination, elle voyait dans ses victoires la preuve de sa supériorité et dans l’échec de ses adversaires une punition divine.

HeWhoCannotBeNamed
12. Dezember 2020 - 11.08

L'utilisation répétée des attributs "sauvage" et "primitif" pour les populations amérindiennes me laisse perplexe. Je suppose que l'auteur ne fait ici que reprendre la terminologie et la cosmologie sous-jacente des colonisateurs qui considéraient ces populations comme des "non-civilisées", à tout jamais damnées à l'état de nature ("sauvage" est celui qui vient de la forêt). Toutefois, préoccupations éthiques ET rigueur scientifique imposeraient un démarquage, une distance critique, sous peine de sombrer dans l'ethnocentrisme de nos anciens...