ZäithistorikerEsch, terre rouge

Zäithistoriker / Esch, terre rouge
Le site industriel de Terre Rouge, année 1949 (vue du „Kaatzebierg“) Photo: archives du Tageblatt

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La couleur rouge a bien souvent été associée par le passé à la ville d’Esch-sur-Alzette et au Bassin minier en général. Soit en raison de la couleur rouge de l’une des couches de minette de qualité que recèle son sous-sol, dont l’exploitation ne va pas manquer de lancer la période d’industrialisation de la région à partir des années 1860 et d’en faire la fortune, soit en raison de la lueur rougeoyante qui colorait le ciel nocturne lorsque les charges étaient soufflées à l’aciérie. A moins que ce soit à cause de la connotation politico- syndicale associée à la couleur rouge, vue la combativité dont firent preuve les mineurs et les ouvriers de la sidérurgie lors des luttes sociales du siècle dernier.

Terre Rouge est aussi la dénomination de l’une des deux plus anciennes usines sidérurgiques fondées au début de l’industrialisation du Bassin minier. La Ville d’Esch ayant donné récemment à ArcelorMittal une autorisation pour le moins ambiguë de „démolir les bâtisses existantes“ (et ceci en l’absence d’un PAP) sur le site de la „Lentille Terre Rouge“, il importe de se pencher sur l’histoire de ce site industriel pour mettre en garde contre la destruction des vestiges essentiels de l’usine de Terre Rouge. Ces vestiges témoignent de l’esprit d’innovation technique du passé industriel de la ville d’Esch et méritent d’être intégrés au projet urbanistique „Rout Lëns“ tout en les dotant de nouvelles fonctionnalités.

Le Tageblatt publie aujourd’hui l’historique du site industriel de Terre Rouge, avant qu’Heng Clemens et Luciano Pagliarini ne présentent la semaine prochaine la signification historique de certaines installations de production et leur valeur patrimoniale pour Esch et l’ensemble du Bassin minier.

La Société anonyme des hauts-fourneaux luxembourgeois

Il y a 150 ans, le 4 décembre 1869, fut fondée la première entreprise sidérurgique du Bassin minier, la Société anonyme des hauts-fourneaux luxembourgeois. L’objectif des fondateurs était l’établissement d’une usine à fonte à Esch-sur-Alzette, à proximité immédiate des gisements de minette du bassin ferrifère d’Esch-Rumelange. Le maître d’œuvre de la nouvelle entreprise industrielle était un jeune Eschois, Pierre Brasseur, né en 1832, qui n’était pas tout à fait un nouveau venu dans le monde de l’industrie du fer naissante du Bassin minier. En effet, depuis la fin des années 1850, l’exploitation des gisements de minette était en augmentation constante, les minerais extraits étant destinés en grande partie à être exportés vers les bassins sidérurgiques de Charleroi et de Liège ainsi que ceux de la Sarre et de la Rhénanie.

Dès 1859, nous voyons Pierre Brasseur, fils d’un huissier et secrétaire communal d’Esch-sur-Alzette, se mettre au service de la S.A. des mines du Luxembourg et des forges de Sarrebruck, entreprise belge propriétaire de l’usine sidérurgique de Burbach près de Sarrebruck, pour assumer la fonction de représentant et d’agent comptable pour les affaires minières de Burbach à Esch. Cependant, le jeune agent minier ne se contente pas de gérer les affaires d’autrui, mais commence à la même époque à s’intéresser à l’acquisition de terrains miniers, ensemble avec son demi-frère, Dominique-Léopold Brasseur, notaire à Esch.

Les frères Brasseur, de conjoint avec d’autres membres des familles Brasseur et Wurth (Pierre Brasseur épousera en 1864 Hélène Wurth, fille du magistrat et historien François-Xavier Wurth-Paquet), ainsi qu’avec certaines de leurs relations fortunées au sein de la bourgeoisie luxembourgeoise et gantoise (plusieurs membres des familles Brasseur et Wurth étant à l’époque établis à Gand), fondent alors une Société particulière pour l’exploitation de terrains miniers dans le Grand-Duché de Luxembourg avec l’objectif d’acquérir et d’exploiter des terrains miniers dans le bassin d’Esch-Rumelange. Cette mobilisation de capitaux belgo-luxembourgeois dans le domaine de l’exploitation minière préfigure le noyau capitalistique de la future société anonyme des Hauts Fourneaux Luxembourgeois une décennie plus tard, renforcé il est vrai par les prises de participation des banques Nagelmackers de Liège et Delloye-Tiberghien de Bruxelles.

Rivalités entre maîtres de forges

Durant la première moitié de l’année 1870, Pierre Brasseur, nommé directeur-gérant de la nouvelle entreprise sidérurgique, au capital initial de deux millions de francs, acquiert pour le compte des Hauts-fourneaux luxembourgeois une dizaine d’hectares de terrains „op Barbourg“, au sud-ouest d’Esch, à proximité immédiate de la frontière franco-luxembourgeoise. Etant donné le morcellement des terres dans la vallée de la Haute-Alzette, Brasseur éprouve cependant de sérieuses difficultés à réunir en un seul tenant les terrains nécessaires à l’emplacement d’une usine et à son raccordement à la ligne de chemin de fer. Au bout d’un moment, le directeur-gérant finit par se rendre compte qu’il fait face à un obstacle de taille.

C’est que l’initiative entrepreneuriale des Brasseur-Wurth ne constitue pas un cas isolé en cette fin de la décennie 1860: d’autres maîtres de forges s’apprêtent eux aussi à construire des hauts-fourneaux à proximité des gisements de minette. Le raccordement du Bassin minier aux réseaux ferroviaires des pays environnants et, surtout, le boom économique des „Gründerjahre“, semblent en effet propices au lancement de projets industriels d’envergure. Tel est notamment le cas pour les familles de maîtres de forges Metz et Tesch qui projettent d’établir, toujours en 1869, une usine à fonte comportant quatre hauts fourneaux près du château de Berwart à Esch, du côté de la localité de Schifflange. Cependant les Metz-Tesch ne voient pas d’un bon oeil le projet industriel que compte réaliser Pierre Brasseur, un de leurs anciens employés qui ose entrer en concurrence avec eux.

Sans autorisation légale

Dans le but d’entraver la construction de l’usine concurrente, la société Metz & Cie réussit, par l’intermédiaire d’hommes de paille, à s’emparer de terrains situés en plein milieu de l’emplacement prévu par les hauts-fourneaux luxembourgeois „op Barbourg“. Enserrant les hauts-fourneaux projetés sur trois côtés, les terrains en question donnent à Metz & Cie la faculté d’empêcher la réalisation du projet des Hauts-fourneaux luxembourgeois. Le 14 juin 1870, Pierre Brasseur se voit obligé de s’adresser au directeur général des Travaux publics pour lui demander l’expropriation forcée pour cause d’utilité publique des terrains aux mains de Metz & Cie situés „op Barbourg“.

La procédure d’enquête diligentée alors par les pouvoirs publics fait apparaître que ni les Hauts-fourneaux luxembourgeois ni Metz & Cie et la S. A. des mines du Luxembourg et des forges de Sarrebruck ne se sont conformés aux dispositions légales en vigueur en matière d’établissement d’hauts-fourneaux. Il s’avère que les deux projets industriels se trouvent déjà en voie de réalisation alors que leurs promoteurs ne disposent pas encore de l’indispensable autorisation légale. La loi du 21 avril 1810 stipule, en effet, que toute création de haut-fourneau doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable à afficher pendant quatre mois dans la commune.

Constatant l’illégalité dans laquelle se trouvent les Hauts-fourneaux luxembourgeois, le Conseil d’Etat recommande alors de surseoir à leur demande d’expropriation, en attendant que l’entreprise se soit mise en conformité avec la loi; ce qui est acquis le 24 novembre 1870, lorsque les Hauts-fourneaux luxembourgeois obtiennent l’autorisation gouvernementale d’établir deux grands hauts-ourneaux à Esch-sur-Alzette. Les sources restant muettes quant à l’issue du litige opposant les Brasseur aux Metz, il semble bien que les deux parties aient fini par trouver un arrangement à l’amiable, car la „Brasseurschmelz“ va pouvoir être construite, avec un retard notable sur le plan prévu, il est vrai.

Retournement de conjoncture (1873)

La réalisation du projet industriel des Hauts-fourneaux luxembourgeois, élaboré par l’ingénieur belge Eugène Boulanger, se distingue par ses caractéristiques techniques novatrices pour l’époque, puisqu’il vise la construction de deux hauts-fourneaux à gros volume, d’une capacité de production de 110 t/jour, munis de récupérateurs de chaleur Whitwell qui autorisent le chauffage à forte température du vent des soufflantes. Le haut fourneau n° 1 de la nouvelle usine d’Esch-Terre Rouge sera mis à feu le 10 avril 1872, le second suivra en mai 1873. Dans les premiers temps, les Hauts-fourneaux luxembourgeois s’approvisionnent en minerais de fer auprès de la Société particulière pour l’exploitation de terrains miniers et acquièrent pour leur propre compte des terrains miniers et des droits d’exploitation à la „Gleicht“ à Esch, au „Kamerberg“ près d’Audun-le-Tiche, à Rédange et à Ottange. L’euphorie engendrée par la haute conjoncture conduit par ailleurs les dirigeants de l’entreprise à conclure des marchés à terme et à prix élevés avec des fournisseurs belges pour les approvisionnements en coke.

Lorsque la haute conjoncture s’essouffle et que les marchés des fontes s’effondrent à l’automne 1873, ces contrats d’approvisionnement en coke s’avéreront un véritable fardeau financier. De fait, les effets de la crise économique internationale frappent la jeune entreprise de plein fouet. Ayant spéculé sur une hausse continue des prix de vente des fontes, l’entreprise se retrouve tout à coup avec un stock considérable de produits invendables sur les bras. Le conseil d’administration des Hauts-fourneaux luxembourgeois rend Pierre Brasseur responsable de la situation déplorable à laquelle l’entreprise se trouve confrontée et décide, en janvier 1874, de révoquer son directeur-gérant.

Brasseur récusera, avec succès, les reproches qui lui sont adressés lors d’un procès retentissant et obtiendra même le paiement de dommages-intérêts ordonné par le tribunal. Le maître d’œuvre de la fondation de l’usine de Terre Rouge, à laquelle son patronyme restera encore longtemps attaché, exercera par la suite la charge de notaire, d’abord à Differdange, puis à Esch.

Pourvoyeur de fonte à l’aciérie d’Aix-la-Chapelle (1892-1918)

La situation financière de l’entreprise demeure extrêmement précaire jusqu’au milieu des années 1880, lorsque les prix de vente des fontes commencent à se stabiliser quelque peu, sous l’effet notable du regroupement des producteurs de fonte lorrains et luxembourgeois au sein d’un cartel de vente. L’amélioration de la situation financière amène le conseil d’administration des Hauts-fourneaux luxembourgeois à décider la construction d’un 3e haut fourneau qui sera mis à feu le 1er juin 1892. La hausse des prix de vente des fontes à partir de 1884 n’est toutefois pas du goût des producteurs d’acier dépourvus d’une base de fonte à leur libre disposition. Tel est notamment le cas du Aachener Hütten-Actien-Verein à Aix-la-Chapelle, grand producteur d’acier Thomas et client de longue date des Hauts-fourneaux luxembourgeois pour son approvisionnement en fontes.

Au début des années 1890, le Aachener Hütten-AV cherche à se dégager de l’emprise du Syndicat lorrain-luxembourgeois des fontes et acquiert une part considérable des actions de la S. A. des Hauts-fourneaux luxembourgeois. Finalement les deux sociétés conviennent d’un contrat de fusion, en juin 1892, qui signifie en réalité l’absorption des Hauts-fourneaux luxembourgeois par l’entreprise d’Aix-la-Chapelle. A partir de juillet 1892, les hauts fourneaux de l’usine d’Esch-Terre Rouge vont alimenter l’aciérie de Rothe Erde près d’Aix-la-Chapelle, la fonte coulée en gueuses à Esch étant acheminée par voie ferrée à Aix-la-Chapelle pour y être refondue dans des fours cubilots appropriés.

Dans les années qui suivent, le Aachener Hütten-AV renforcera considérablement l’outil de production de son usine eschoise de Terre Rouge, notamment par la construction de deux hauts-fourneaux supplémentaires en 1895-1896 et la mise en œuvre d’un vaste programme de modernisation en 1906. Heng Clemens et Luciano Pagliarini vont présenter prochainement dans ces colonnes les prouesses techniques de ces mesures de modernisation réalisées sous l’égide du Aachener Hütten-AV, puis de la Gelsenkirchener Bergwerks-AG, à l’usine d’Esch-Terre Rouge.

L’issue de la Guerre mondiale change la donne (1919-1925)

L’usine sidérurgique de Terre Rouge avait été acquise en 1892 par le Aachener Hütten-Actien-Verein et agrandie à deux reprises en 1896 et en 1899/1900 dans le seul but de fournir à l’usine d’Aix-la-Chapelle la fonte qui lui était nécessaire à la production d’acier et de produits finis. Cet objectif a été parfaitement atteint jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Comme le Luxembourg, de même que la Lorraine rattachée à l’Empire allemand, faisaient partie, jusqu’en 1918, de l’Union douanière allemande (Deutscher Zollverein), la Gelsenkirchener Bergwerks-AG, l’entreprise allemande propriétaire de mines et de l’usine sidérurgique d’Audun-le-Tiche en Lorraine allemande, ainsi que des usines de Terre Rouge et de Belval à Esch, n’avait pas à se soucier, du point de vue économique, de l’existence de la frontière politique et administrative entre la Lorraine et le Luxembourg ni de celle entre le Grand-Duché et l’Empire allemand.

La défaite de l’Empire allemand à l’issue de la Première Guerre mondiale et le Traité de Versailles de 1919 allaient profondément modifier la donne. En effet, l’établissement d’une double barrière douanière entre la Lorraine redevenue française et le Luxembourg ainsi qu’entre le Luxembourg et l’Allemagne, suite à la dénonciation par le Luxembourg de son adhésion au Zollverein, provoqua la fragmentation de l’ancien espace économique allemand situé sur la rive gauche du Rhin, et fit perdre toute cohérence économique à l’ensemble industriel de la Gelsenkirchener (GBAG) constitué par ses établissements lorrains, luxembourgeois et ceux du bassin d’Aix-la-Chapelle.

La Société minière des Terres Rouges et la Société métallurgique des Terres Rouges

Suite à la mise sous séquestre de leurs propriétés lorraines au lendemain de l’Armistice de 1918, les dirigeants de la Gelsenkirchener prirent la résolution de vendre l’ensemble de leurs établissements industriels situés sur la rive gauche du Rhin. Deux consortiums d’entreprises intéressées par la reprise des mines et usines de la GBAG, emmenés par le groupe sidérurgique français Schneider & Cie et par l’ARBED luxembourgeoise, se formèrent alors: la Société minière des Terres Rouges pour la reprise des établissements lorrains mis sous séquestre par les autorités françaises, et la Société métallurgique des Terres Rouges (SMTR) qui acquit les propriétés industrielles de la GBAG au Luxembourg et dans le bassin d’Aix-la-Chapelle.

A partir de 1919, l’usine d’Esch-Terre Rouge et l’usine sidérurgique d’Aix-la-Chapelle, quoique relevant du même groupe dit Société métallurgique des Terres Rouges, se trouvaient séparées par la frontière douanière rétablie entre le Luxembourg et l’Allemagne. Bien que l’importation en franchise de douane du Luxembourg vers Allemagne eût été imposée par le traité de Versailles pour les cinq premières années postérieures à 1919, l’usine d’Esch-Terre Rouge se trouvait réduite au chômage complet de 1920 à 1925 par suite de l’insuffisance et de l’irrégularité des livraisons de coke en provenance de la Ruhr. Le régime d’importation en franchise de douane venant à son terme en 1925, l’usine d’Esch-Terre Rouge se vit dans l’impossibilité économique de reprendre par la suite sa fonction de fournisseur de fonte froide à l’aciérie d’Aix-la-Chapelle. Les dirigeants de la SMTR à Luxembourg décidèrent alors de mettre l’aciérie Rothe Erde d’Aix-la-Chapelle à l’arrêt définitif à partir de juillet 1925 et ordonnèrent le démontage des installations l’année suivante.

Interconnexion des usines du bassin de la Haute-Alzette

Les nouvelles contraintes économiques induites par le Traité de Versailles amenèrent les dirigeants des sociétés ARBED et Terres Rouges au milieu des années 1920 à réfléchir quant à la définition de nouvelles finalités industrielles pour l’ensemble des établissements sidérurgiques du bassin de la Haute-Alzette, à savoir les usines d’Esch-Terre Rouge, Belval, Arbed Esch-Schifflange et Audun-le-Tiche. Il fallait surtout fixer un nouvel objectif de production à l’usine d’Esch-Terre Rouge. Il fut décidé d’utiliser la fonte liquide et les gaz excédentaires des cinq hauts fourneaux de Terre Rouge pour le renforcement des moyens de production des usines de Belval (SMTR) et d’Esch-Schifflange (Arbed). Pour ce faire, il convenait de procéder à l’interconnexion ferroviaire et énergétique des usines, sur la base d’un accord de communauté d’intérêts conclu par la SMTR et l’Arbed en février 1926.

Le transport de la fonte liquide de l’usine de Terre Rouge à l’usine de Belval était facilement réalisable, une voie de raccordement ayant été aménagée lors de la construction de l’usine de Belval. Pour le transport du gaz, une conduite de 1.500 mm de diamètre et de 2.500 m de long fut achevée en 1927. Les travaux de raccordement ferroviaire des trois usines de la SMTR à l’usine d’Arbed Esch-Schifflange furent entamés en juin 1926. Un an plus tard, la première poche de fonte liquide provenant d’Esch-Terre Rouge à destination d’Esch-Schifflange put emprunter la nouvelle voie ferroviaire.

La crise économique mondiale

Le transport de fonte liquide des hauts fourneaux de Terre Rouge à l’aciérie d’Esch-Schifflange permettait de supprimer la coûteuse opération de refonte de fonte froide à Esch-Schifflange. A partir de ce moment, en temps de production normale, l’aciérie d’Esch-Schifflange recevait environ 45% de ses besoins en fonte de la part des hauts-fourneaux de Terre Rouge.

La crise économique mondiale se répercuta sur l’activité des hauts-fourneaux d’Esch-Terre Rouge dès 1930, lorsque la production annuelle totale de fonte connut une baisse significative d’environ 100.000 t pour s’établir à 524.000 t. Du fait de la crise, il fallut mettre en veilleuse au moins un haut-fourneau tout au long de la première moitié des années 1930. Tel fut encore le cas lors du vaste mouvement de grève de 1936 en France, auquel participaient aussi les mineurs lorrains, de même qu’en juillet 1936 à l’occasion de la grève des ouvriers mineurs luxembourgeois qui se termina par la signature de la première convention collective du travail dans l’industrie lourde luxembourgeoise.

Vers l’abandon du site de production de Terre Rouge

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’usine d’Esch-Terre Rouge connut les années de plus forte production de son histoire durant les décennies 1950 et surtout 1960. Le progrès technique et la rationalisation de plus en plus poussée de la production allaient pourtant bientôt entraîner l’abandon définitif du site de production de Terre Rouge. En effet, vers le milieu de 1968, la direction générale de l’Arbed décida d’entamer un vaste programme d’investissement devant aboutir à la concentration au sein de la seule usine de Belval de la production de fonte du bassin d’Esch.

Cette décision fut prise en application d’un programme qui prévoyait la concentration progressive de la production de fonte dans des unités modernes et de grande capacité permettant d’améliorer la productivité de sorte qu’avec le minerai lorrain-luxembourgeois, légèrement enrichi, Arbed soit en mesure de soutenir la concurrence des entreprises sidérurgiques établies en bord de mer et enfournant des minerais riches importés. Le haut-fourneau B de Belval, avec une capacité de production journalière de 2700 t., une bande d’agglomération de 320 m2 ainsi qu’un parc d’homogénéisation de minerais, furent mis en chantier, de sorte que la première étape de la concentration, c’est-à-dire l’arrêt des hauts fourneaux d’Esch-Schifflange, put être envisagée pour la fin 1970.

C’est à l’automne 1976 – en pleine crise sidérurgique –qu’il fut décidé d’aborder la seconde étape du processus de concentration avec l’établissement d’un haut-fourneau supplémentaire de grande capacité à l’usine de Belval. La construction du haut-fourneau C de Belval, avec une capacité de production journalière de 4200 t., permit d’abandonner le site des hauts-fourneaux de Terre Rouge. Après 105 années de production, le jour de l’arrêt définitif de la production de fonte arriva le 23 juin 1977.

Depuis lors, le site d’Esch-Terre Rouge est une friche industrielle. Tout au long des 40 dernières années, divers projets de reconversion industrielle et urbanistique ont vu le jour, toutefois sans aboutir. Aujourd’hui que le projet urbanistique Rout Lëns se trouve en phase de concrétisation, il importe d’y intégrer des vestiges conservés de l’ancienne usine de Terre Rouge – comme les accumulateurs à minerai (les Keeseminnen), la halle de coulée, les ateliers de la Handwierkergaass, l’ancienne centrale électrique, le poste d’aiguillage qui témoignent du riche passé industriel du site et de la ville d’Esch.