Bonnie Tyler est un peu cette amie de toujours qui semble être née avec le rock. En 1951, soit trois ans avant le „Rock Around The Clock“ de Bill Haley & His Comets, Tyler voit le jour à Skewen, un petit village gallois industriel de 8.500 habitants. Entre la chapelle, où, dès l’enfance, elle se fait la voix et la scène, où elle la fait vibrer depuis quasi 50 ans, elle a l’air „forever young“, comme le chante Bob Dylan (ou Alphaville). Éminemment sympathique, la chanteuse ruisselle de sincérité; le live, selon ses dires, c’est sa vie, et en réalité on pourrait l’imaginer vocaliser n’importe où, mais aussi, plus encore qu’un selfie, on a l’impression qu’elle serait capable là d’offrir une improvisation a cappella, l’air de rien, comme elle le fait sur les plateaux de télé. Et, d’un coup, avec elle, l’existence ressemble à une comédie musicale – un film rock „bigger than life“.
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Il reste encore quelques tickets pour le concert de ce soir (portes: 19.00 h) Web: rockhal.lu/shows/bonnie-tyler/
Il y a ces groupes ou ces artistes que l’on assimile à un temps, souvent à une décennie, parce qu’ils collent à une époque; on peut prendre le mot „coller“ au sens propre du terme, parce qu’on aurait du mal à les en décoller. Ils en seraient le reflet. Paul Klee: „L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible.“ À quelle époque colle Bonnie Tyler? Et que rend-elle visible? En dehors de l’imagerie, un pantalon de cuir qui chevauche une moto, mais surtout cette coupe mulet à la nuque longue, la Galloise renvoie à une certaine libération des femmes, plus que symbolique, via un rock puissant à base de guitares grasses qui n’est alors pas l’apanage des mâles. Des figures telles que Patti Smith, Chrissie Hynde ou Kim Gordon veulent, à l’origine, „faire partie du gang“, comme l’écrivent Joy Press et Simon Reynolds dans „Sex Revolts“ (1995) pour exprimer l’idée que dans le rock, les femmes qui ne souhaitent plus se contenter du statut de muses adoptent, de façon naturelle, des attitudes de rébellion supposément „masculines“.
La Galloise renvoie à une certaine libération des femmes, plus que symbolique, via un rock puissant à base de guitares grasses qui n’est alors pas l’apanage des mâles
Quant à Bonnie Tyler, au-delà du fait qu’on ait pu affirmer qu’elle était la „version féminine de Rod Stewart“, elle possède cette voix rauque qui – là aussi de façon naturelle – l’écarte du fait d’avoir à prouver quoi que ce soit en termes de performance; sa voix l’impose aussi bien en tant que star du rock qu’en tant que femme de caractère. Une anecdote pour illustrer? Dans les années 1980, juste avant de faire une interview, un journaliste danois tire sur les cheveux de Bonnie, en lui demandant s’ils sont réels, car il est persuadé qu’elle porte une perruque; ni une ni deux, la rockeuse attrape le journaliste par les testicules en lui demandant à son tour: „Et les tiennes [de testicules], elles sont réelles?“
Dure comme le rock
En 1977, alors qu’Elvis Presley meurt d’une crise cardiaque, le punk redonne du peps au rock, „Never Mind The Bollocks Here’s The Sex Pistols“ fracasse tout sur son passage pendant que Bonnie Tyler publie „The World Starts Tonight“. Les singles „Lost In France“ et „More Than A Lover“ cartonnent à plein tube; influencée par Janis Joplin, Tina Turner ou Aretha Franklin, sa voix paraît encore „jeune“, à l’évidence, mais rien n’empêche les aspérités. Les rugissements, a priori, contrebalancent, avec le contenu textuel puisqu’il s’agit de chansons d’amour rock, sinon de coups d’éclairs parfois secs et froids qui invitent les tourments à danser. Après ce premier album, Bonnie subit une opération chirurgicale pour retirer des nodules sur ses cordes vocales, mais heureusement son timbre reste identifiable, rauque et, oui, reconnaissable, aussi bien sur des singles qui passent en boucle sur les radios comme „It’s A Heartache“ en 1978, que lorsqu’elle fait la voix additionnelle du „Perfection“ de Cher en 1987.

1980, la décennie de Bonnie? Sans doute parce c’est en 1983 et dans „Faster Than The Speed Of Night“ que figure le slow âpre „Total Eclipse Of The Heart“, qui est l’un de ses plus gros hits; c’est à partir de là que Bonnie Tyler entame sa collaboration avec Jim Steinman, qui compose pour une autre chanteuse „à voix“, mais dans un registre autre, à savoir Céline Dion. Au passage, „Faster Than The Speed Of Night“ peut entrer dans la catégorie, plutôt rare, du „rock wagnérien“, soit une expression employée par le même Steinman, pour parler d’alliage entre le rock, l’opéra et le mur du son spectorien. C’est bien en 1984 que paraît „Holding Out For A Hero“ sur la bande originale de „Footloose“ (Herbert Ross) ou encore que „Here She Comes“ l’amène à travailler avec Giorgio Moroder, pour une autre bande-son, celle de „Metropolis“ (Fritz Lang, 1927) alors restauré sur les écrans.
Soit, mais une fois les eighties refermées? Bonnie continue son chemin, sans traversée du désert, avec des retours réguliers, par des sorties d’albums et des lives en pleine forme, le tout en allant voir du côté du soft rock ou du rock plus hard, mais également de la country, du blues puis de la dance, ou de la musique celtique („Bitterblue“, „Fools Lullaby“). Et ce, qu’il s’agisse, pour l’accompagner, d’appuyer sur des synthés symphoniques ou de triturer des guitares électriques. Bon, il est vrai que „The Best Is Yet To Come“, sorti en 2021, transpire le parfum des années 1980. Mais si le morceau annonce que „le meilleur est à venir“, le meilleur, pour Bonnie Tyler, ce sont ses prochaines prestations scéniques.
De Maart
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