Déclaration adoptée à Luxembourg Au chevet de la démocratie

Déclaration adoptée à Luxembourg  / Au chevet de la démocratie
La ministre de la Justice, Sam Tanson, et la secrétaire centrale adjointe de l’OCDE, Kerri-Ann Jones   Photo: Editpress/Alain Rischard

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Hier, à Luxembourg, les 38 pays membres de l’OCDE se sont mis d’accord sur un texte qui entend renforcer la démocratie en s’attaquant à la désinformation, en améliorant la participation des citoyens et en rendant la gouvernance plus verte.

Il y eut d’abord le Forum mondial rassemblant plus de 250 acteurs des pouvoirs publics, des entreprises, de la société civile, des médias et de la sphère universitaire originaires de plus de 70 pays le 17 novembre. Puis le lendemain, c’était au tour d’une réunion interministérielle des 38 pays membres de l’OCDE et de quatre pays aspirants, de se pencher sur les moyens de préserver la démocratie au XXIe siècle. A l’issue des deux jours de discussions au Kirchberg, une déclaration parée des couleurs du Luxembourg trace des pistes pour „Instaurer la confiance et renforcer la démocratie“. „C’est un jalon pour l’OCDE, et ce n’est que le début de ces efforts“, a commenté à l’issue de la réunion la secrétaire centrale adjointe, l’Américaine Kerri-Ann Jones.

L’effroi du Capitole

L’élément déclencheur de cette initiative qui aura mis près de deux ans à aboutir, c’est l’invasion du Capitole en janvier 2020 par des admirateurs du président Trump après sa défaite aux élections présidentielles américaines. „[Cela] nous a rappelé à tous que nos démocraties peuvent être en danger du jour au lendemain“, expliquait la ministre de la Justice, Sam Tanson, après la clôture des discussions. Entre-temps, l’opposition faite aux mesures anti-Covid ainsi que l’invasion de l’Ukraine en Russie n’ont fait que démontrer davantage que la montée des populismes peut être très rapide et que des mouvements communautaristes peuvent se nourrir de la perte de confiance des citoyens dans les valeurs démocratiques, a-t-elle poursuivi.

Pour orienter le travail „sans relâche“ qu’ils ont produit „ces derniers mois pour appréhender les origines profondes de ces crises et proposer des solutions“, les Etats membres disposaient d’une étude menée dans 22 pays de l’OCDE et livrée en juillet dernier, qui avait notamment démontré que, sur les 50.000 citoyens interrogés, il y en avait autant qui faisaient confiance à leur gouvernement qu’il n’en avait qui ne leur faisaient pas confiance. „Cette étude nous donne un très bon indicateur de la confiance des citoyens dans les différentes institutions“, a observé Sam Tanson. „Le Luxembourg est assez bien positionné, mais cela n’empêche pas que ce soit un très bon instrument pour mettre l’accent sur les éléments sur lesquels nous devons encore nous renforcer.“ La ministre, journaliste au début de sa carrière, a fait savoir qu’elle avait été personnellement le plus interpellé par „une décroissance de la confiance dans les médias qui se trouvent en moyenne largement en dessous de 50 pour cent“, tout comme elle a mis en exergue la plus grande confiance des citoyens dans les pouvoirs politiques locaux que dans les gouvernements nationaux, relevée par l’enquête.

Urgence d’agir

La déclaration de Luxembourg sur „l’instauration de la confiance et le renforcement de la démocratie“, adoptée hier, énumère un nombre de voies à emprunter collectivement. Trois plans sont désignés dans le texte. On y trouve un plan de lutte contre la désinformation, dont les mesures sont plutôt abstraites et techniques. Un plan pour la participation plus efficace des citoyens aux processus démocratiques propose de multiplier les canaux de participation, d’augmenter le nombre de personnes venant de catégories sous-représentées parmi les élus et les fonctionnaires ou encore de développer une culture de l’intégrité dans les institutions comme dans le secteur privé. Enfin, dans le plan pour une gouvernance plus verte, il est notamment question d’intégrité et de transparence pour éviter que le lobbying mine les efforts. 

Le changement climatique est ainsi identifié comme une source de danger pour la démocratie. „Les citoyens veulent vraiment que les gouvernements s’engagent dans la lutte contre le changement climatique, mais qu’il y a un léger désespoir, si je peux le formuler ainsi, et un manque de confiance à ce que les gouvernements réussissent cette lutte“, n’a pas manqué de commenter la ministre écologiste de la Justice.

„Moment historique“

Les Etats membres de l’OCDE ont aussi convenu du lancement d’un forum mondial qui se réunira tous les deux ans et qui est à considérer comme une plate-forme de mise en commun, de connaissance et d’amélioration de la gouvernance publique. En parallèle, un centre de ressources de l’OCDE sur la désinformation va être mis sur pied pour aider les pouvoirs publics, les médias et les organisations de la société civile à renforcer leurs actions respectives et communes en matière de renforcement de l’intégrité de l’information. Enfin, il a été convenu de poursuivre, à un rythme bisannuel, l’enquête sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques. Davantage de pays ont d’ailleurs signifié leur volonté de participer à cet exercice initié en 2021, à commencer par l’Allemagne. 

Selon la secrétaire générale adjointe de l’OCDE, l’Américaine Kerri-Ann Jones, l’ensemble de ces décisions interviennent à „un moment historique où les démocraties sont sous une pression croissante de l’intérieur et de l’extérieur“. „Beaucoup de choses nous le montrent: le faible taux de participation aux élections dans certains pays, la grande polarisation et un groupe de plus en plus large de citoyens se dissociant des processus démocratiques traditionnels. Ce sont des menaces significatives pour nos démocraties. Cela arrive même dans les mieux établies“, a-t-elle poursuivi.

La déclaration est aussi d’ailleurs un acte solennel de renouvellement de l’attachement des Etats membres aux valeurs cardinales de la démocratie, énumérées comme telles: respect des droits humains et libertés fondamentales, élections libres et intégrité des systèmes électoraux, Etat de droit, séparation des pouvoirs, indépendance de la justice, transparence, intégrité et responsabilité dans le secteur public et un espace civique protégé.