PeintureD’objet d’étude à objet de culte: John Constable (1776-1837) à la Villa Vauban

Peinture / D’objet d’étude à objet de culte: John Constable (1776-1837) à la Villa Vauban
Fen Lane, East Bergholt (1817) Photo: Tate Images

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C’est une collaboration inédite entre le Tate Museum de Londres et la Villa Vauban qui permet de découvrir jusqu’en octobre les œuvres de l’artiste anglais John Constable, tête de proue de l’école paysagiste anglaise du XIXe siècle et inlassable quêteur de la vérité de la nature. 

La venue des œuvres de John Constable à la Villa Vauban est une première pour le musée d’art municipal, parce qu’il avait pour habitude de coller aux origines géographiques de sa collection, dont la colonne vertébrale est la propre collection d’un contemporain de Constable, Jean-Pierre Pescatore. C’est aussi une première pour le pays, puisque jamais les tableaux du peintre anglais du XIXe siècle n’avaient fait l’objet d’une exposition au Luxembourg. On peut, avec le directeur des deux musées de la ville, Guy Thewes, y voir, pour s’amuser, une revanche enfin prise par Constable, l’authentique, sur son rival, inventif et pressé, J.M.W. Turner. Et son exposition n’est pas loin du prestige qu’entouraient les deux expositions consacrées au Musée national d’histoire et d’art (MNHA) en 1984 et 1995, à celui qui avait réalisé des aquarelles de la forteresse lors d’une de ses nombreuses pérégrinations. 

Fils d’un riche charbonnier qui possède plusieurs moulins à blé, Constable avait beau être plus aisé que Turner, il était beaucoup moins voyageur, lui qui appréciait le caractère casanier des peintres hollandais du XVIIe siècle. Comme des écrivains à son époque décidaient de faire du peuple l’objet de leur œuvre, plutôt que d’en faire le prétexte de quelques figures de style, Constable a estimé que sa région natale de la vallée de la Stour et notamment le ciel souvent chargé et les eaux généreuses qui l’animent pouvaient être des sujets à part entière, et non seulement quelques cas d’études uniquement destinés à exercer sa technique. „La campagne anglaise apparaît à la fois comme le paysage qui lui tient à cœur et comme un exemple exceptionnel de la nature saisie en toutes saisons, par tous les temps, dans la lumière et l’obscurité“, résume la directrice du Tate Museum, Maria Balshaw, dans le catalogue de l’exposition.

Et pourtant, sa région du comté de Sudfolk dans lequel il est né en 1776, dans le village d’East Bergholt posé sur un modeste promontoire qui domine la vallée, n’était pas la plus spectaculaire. Elle était essentiellement agricole avec des paysages plats qui n’avaient encore que peu attiré les artistes, mais qui avaient imprimé la mémoire du jeune garçon de telle manière qu’elle sera la source de la future carrière de peintre du jeune garçon. Lorsqu’il rentre à l’Académie royale de Londres, au tournant du siècle, il prend soin de rentrer régulièrement dans son comté pour peindre en plein air, d’après nature, à l’aquarelle, à la manière des peintres français en Italie au siècle précédent.

Authentique

Pour expliquer son œuvre, Constable évoque souvent sa quête de „la vérité de la nature“. Il dit vouloir capturer l’essence fondamentale de la nature, qui est „le sommet de la fontaine, la source d’où doit jaillir toute authenticité“. Peindre est pour lui synonyme de ressentir, c’est une autre manière d’exprimer les émotions de son enfance. J.M.W. Turner peint lui aussi à la même époque des paysages à l’ouest de la Tamise. Mais ses œuvres sont plus élaborées, attachées qu’elles sont à représenter des sujets pittoresques prisés sur le marché de l’art et à se rapprocher de l’art narratif ou historique qui domine encore. Constable fait comme bon lui semble, fidèle à ses souvenirs d’enfance, fidèle aux saules, aux corbeaux freux, aux nuages et rivières, aux travaux des champs qui constituent son paysage mental. Il veut peindre sa région, celle qu’on appelle aujourd’hui le pays de Constable et dans laquelle tient encore debout la maison de Will Loth, son voisin agriculteur, un motif récurrent de ses tableaux exprimant la nostalgie d’une vie passée au contact de la nature.

Cette démarche champêtre ne lui octroiera qu’un succès lent à se mettre en place. Et à la fin de sa carrière, alors que la maladie le gagnait (il meurt en 1837), il a veillé à la postérité de son œuvre, en rompant avec quelques-uns de ses principes d’authenticité et en s’éloignant de ses terres. Mais même, quand il peint en bord de mer, c’est toujours le ciel, celui qu’il a de tout temps observé et dont il s’est fait un spécialiste de ses mouvements, qui l’emporte sur ces mers qu’il n’a jamais franchies de son vivant. Son œuvre aura été plus téméraire, en allant remporter un franc succès au salon de Paris en 1824. Voilà qui explique qu’il ait inspiré des peintres comme Gustave Courbet et Jules Dupré, deux artistes français dont des œuvres figurent dans la collection de la villa Vauban et dont on comprend mal pourquoi on ne les a pas rapprochés des œuvres prêtées par la Tate. Mais c’est au moins l’occasion de descendre à l’étage inférieure pour revoir la riche collection des lieux. 

Infos

L’exposition „John Constable’s English Landscapes: Masterpieces from the Tate Collection“ a lieu jusqu’au 9 octobre 2022 à la Villa Vauban à Luxembourg-ville. Entrée: 5 euros. Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10 à 18 h. Entrée libre tous les vendredis de 18 à 21 h. 

Yarmouth Jetty: Où le ciel l’emporte sur la mer
Yarmouth Jetty: Où le ciel l’emporte sur la mer Photo: Tate Images