Kopf des TagesLumumba: icône de l’indépendance congolaise au parcours fulgurant et tragique

Kopf des Tages / Lumumba: icône de l’indépendance congolaise au parcours fulgurant et tragique
 Foto: AFP

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Patrice Emery Lumumba, dont le cercueil est inhumé jeudi à Kinshasa, est entré dans la légende le 30 juin 1960, avec un discours contre le racisme des colons qui en a fait une icône des indépendances africaines. „Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres“, déclarait-il à Kinshasa lors de la cérémonie officielle marquant la naissance de la République démocratique du Congo.

Le premier Premier ministre du Congo indépendant répondait alors au roi des Belges Baudouin, qui venait de saluer l’œuvre „civilisatrice“ de son ancêtre Léopold II. Patrice Lumumba est né le 2 juillet 1925 à Onalua, dans la province du Sankuru, de parents de l’ethnie minoritaire Tetela du centre de la RDC. Il entreprend d’abord des études d’infirmier, puis intègre l’école coloniale des postes, téléphones et télécommunications d’où il sort comptable aux chèques postaux à Stanleyville (future Kisangani, dans le nord-est).

Accusé de détournement de fonds en 1956, il est condamné à plusieurs mois d’emprisonnement. Une phrase lui sera par la suite prêtée: „Qu’ai-je fait d’autre que de reprendre un peu d’argent que les Belges avaient volé au Congo?“, se serait-il justifié. De fait, „il n’a jamais nié avoir détourné de l’argent“, analyse le philosophe congolais Emmanuel Kabongo, professeur à l’Université pédagogique nationale (UPN) de Kinshasa et auteur de plusieurs publications sur Lumumba.

A sa sortie de prison, „grâce à ses relations avec des libéraux belges“, il est engagé comme directeur commercial de la célèbre „Brasserie de Léo et du Bas-Congo“, qui tenait à développer les ventes de sa bière Polar à Kinshasa et ses environs, explique M. Kabongo. A La Poste, il avait un salaire de 3.000 francs belges de cette époque et, „comme directeur commercial de Polar, il gagnait 25.000 francs belges“, explique encore le professeur Kabongo.

En 1958, il crée son parti, le Mouvement national congolais (MNC), qui prône l’unitarisme, la laïcité de l’État congolais et qui s’inscrit directement dans la lutte pour l’indépendance. Il est tout de suite accusé d’être „communiste“ par ses détracteurs. „Communiste, il ne l’était pas. Il a répété plusieurs fois qu’il était nationaliste et non communiste“, assure l’universitaire congolais Jean Omasombo.

Du 20 janvier au 20 février 1960, Lumumba participe, avec d’autres leaders politiques congolais de cette époque et des chefs coutumiers, aux travaux de la table ronde de Bruxelles qui décidera de l’indépendance du Congo-Belge le 30 juin 1960. Son regroupement politique ayant gagné la majorité au Parlement, il est désigné Premier ministre et forme le premier gouvernement du Congo indépendant composé de 31 membres. Mais „il n’a été chef du gouvernement du nouvel État que pendant deux mois et treize jours“, du 30 juin au 12 septembre 1960, rappelle le professeur Kabongo.

Après 75 jours aux commandes, le gouvernement Lumumba est neutralisé par le président Joseph Kasa-Vubu et le chef de l’armée Joseph-Désiré Mobutu, qui installent une équipe gouvernementale intérimaire constituée essentiellement d’étudiants et de rares universitaires congolais, baptisée „Gouvernement des commissaires généraux“. Arrêté, déchu, humilié, torturé, le martyr de l’indépendance du Congo est exécuté en pleine brousse à 50 km d’Elisabethville (actuellement Lubumbashi, sud-est) par des séparatistes katangais et leurs hommes de main belges et américains (CIA). Il avait 35 ans.

Le parcours fulgurant de Lumumba s’achève donc le 17 janvier 1961, six mois et demi après son allocution retentissante devant le roi Baudouin. Ce discours „avait certes scellé son sort, mais il faut aussi noter que son nationalisme et sa proximité avec des icônes du panafricanisme comme l’ancien président ghanéen Kwame Nkrumah ou encore le Tunisien Habib Bourguiba, avaient dérangé des intérêts américains au Congo“, conclut le philosophe Kabongo.