AnalysePrivé de majorité parlementaire, Macron fait face à une véritable crise politique

Analyse / Privé de majorité parlementaire, Macron fait face à une véritable crise politique
Le camp du président Emmanuel Macron a obtenu 245 des 577 sièges à l'Assemblée nationale  Photo: AFP/Ludovic Marin

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Privé de majorité parlementaire, Macron fait face à une véritable crise politique. Deux questions se posent: comment Macron en est arrivé là? Et que peut-il se passer maintenant? 

L’importance de la déconvenue électorale enregistrée dimanche par la majorité présidentielle est ressentie en France comme une véritable crise politique, plutôt que comme une simple péripétie. Il est vrai qu’Emmanuel Macron venait d’être, il y a deux mois, reconduit à l’Elysée par quelque 58% des voix … Mais cette considération ne suffit pas à expliquer l’effet de choc produit par le fait qu’il va manquer à son gouvernement plus de 40 sièges pour disposer de la majorité absolue.

La première interrogation que suscite la situation nouvelle ainsi créée, sans précédent sous la Ve République, est de savoir comment Macron en est arrivé là. S’il fallait apporter une réponse lapidaire à cette question brutale, on serait tenté de dire: „Trop d’erreurs.“ Car c’est sans doute une accumulation de mauvais choix qu’il faut incriminer, plutôt qu’une faute unique et déterminante; à quoi, en toute équité, il convient d’ajouter quelques malchances non directement imputables à l’exécutif et à son chef.

Pour évacuer d’abord ces dernières, on relèvera d’abord des dysfonctionnements largement hérités des règnes précédents: le mauvais état du système hospitalier, jadis un des plus prestigieux du monde; le délabrement administratif et intellectuel de l’Éducation nationale; certaines iniquités sociales et fiscales (voir en particulier le mouvement des Gilets jaunes); le retard pris dans la lutte pour le climat; et l’on en passe.

Jean-Luc Mélenchon obtient 131 sièges avec son alliance de gauche
Jean-Luc Mélenchon obtient 131 sièges avec son alliance de gauche  Photo: AFP/Bertrand Guay 

Mais s’y sont ajoutées des contraintes violentes et inattendues: la pandémie de Covid, qui n’aura certes pas été une exclusivité française, mais a suscité des efforts de contention gouvernementaux que d’aucuns ont ressentis, bien injustement souvent, comme d’inacceptables contraintes; et depuis plus de trois mois, la guerre en Ukraine, à la fois anxiogène et génératrice de certaines privations.

Trop d’erreurs

Une fois relevées ces embûches extérieures successives, auxquelles il serait évidemment trop facile d’attribuer la responsabilité exclusive de l’électrochoc subi dimanche, comment ne pas, tout de même, considérer que le chef de l’Etat a commis trop d’erreurs pour s’exonérer de ses propres responsabilités? Des erreurs au premier rang desquelles figure une attitude générale d’Emmanuel Macron, faite d’un mélange d’arrogance et de paternalisme, à l’égard des Français et de leurs représentants, notamment … leurs députés, outre leurs syndicats.

A force de tenir pour quantité négligeable, aux ordres s’il s’agit de la majorité gouvernementale, ou rétrograde et sans intérêt s’il s’agit de l’opposition, le chef de l’Etat n’a pas seulement accentué la tendance générale à l’abstention des électeurs. Il a aussi suscité chez ceux qui voulaient encore voter une envie d’envoyer au Palais-Bourbon des députés qui, à l’extrême droite comme à l’extrême gauche, sauraient lui rappeler qu’en démocratie le Parlement détient l’essentiel du pouvoir. L’annonce de la création d’un „Conseil national de la refondation“, avec notamment des membres tirés au sort, a achevé de scandaliser ceux qui croient encore en la démocratie parlementaire. Prudemment, Macron a annoncé hier qu’il en différait le lancement, qui devait avoir lieu demain.

Deuxième erreur majeure du président: ne pas avoir fait campagne; passe encore pour la présidentielle, puisqu’il s’en est bien tiré. Mais ne pas avoir senti que durant cet interminable entre-deux-élections qui le séparait des législatives, il fallait absolument occuper le terrain, et ne pas le laisser à Jean-Luc Mélenchon, dénote un incroyable manque de sens politique. Incroyable, du moins, chez un homme qui, voici cinq ans, avait eu tant d’intuitions justes … Preuve que si peu de confiance en soi, et en sa chance, ne saurait nuire en politique; ne compter que sur elles mène facilement à l’échec.

Le problème Borne

Troisième erreur enfin: le choix d’Élisabeth Borne comme première ministre, après un Jean Castex qui, haut fonctionnaire estimable poussé jusqu’à Matignon pour y assurer une sorte d’intérim, ne possédait déjà pas le moindre charisme. Le maintien de la rigoureuse mais terne Mme Borne à Matignon était, dès dimanche soir, critiqué de toutes parts.

Il est, de toute façon, trop tard: pour mener ce combat qui s’annonçait difficile, même si Macron croyait de son côté en une sorte d’amplification parlementaire automatique de son succès présidentiel, il aurait fallu un chef de file combatif, orateur brillant, aux talents de meneur de foules – „Un Mélenchon, en somme!“, avouait dimanche avec une amère ironie un macroniste à des journalistes.

Le Rassemblement national de Marine Le Pen se réjouit de 89 sièges
Le Rassemblement national de Marine Le Pen se réjouit de 89 sièges Photo: AFP/Denis Charlet

Dans ces conditions – seconde question essentielle imposée par l’actualité – que peut-il se passer maintenant? Concrètement, le problème est aigu pour l’Elysée, y compris pour des raisons matérielles. Car la Macronie, qui a perdu avant-hier plusieurs de ses „têtes chercheuses“, manque aujourd’hui de personnalités à la fois très proches du président, rompues à la politique politicienne, et dotés de la discrétion requise pour chercher dans l’opposition „macron-compatible“ des ralliés d’un jour, ou plus durables. Richard Ferrand, président de l’Assemblée sortante, a été battu, de même que Christophe Castaner, qui y dirigeait le groupe macroniste, et son homologue centriste du MoDem, Patrick Mignola.

Bricolages et divisions

Une des réserves de supplétifs pourrait être le groupe des Républicains. Mais celui-ici est divisé: une de ses figures de proue, Jean-François Copé, en est presque à faire des offres de services (y compris, disent certains, pour Matignon) tandis que pour le président du parti, Christian Jacob, il n’en est pas question, comme il l’a réaffirmé hier soir devant le conseil stratégique des LR. L’écart entre le nouvel effectif parlementaire des macronistes et la barre de la majorité absolue – 289 sièges – est de toute façon trop important pour que quelques bouche-trous puissent suffire. Et de tels bricolages risquent d’abîmer encore l’image de celui qui prétendait incarner un „nouveau monde“ politique contre l’ancien …

Du côté de la Nupes, certaines divisions n’auront pas tardé non plus à se faire jour. Trois de ses composantes, le PS, les Verts et le PCF, veulent en effet reconstituer leur propre groupe parlementaire, comme il leur avait d’ailleurs été promis par Mélenchon, lequel cherche au contraire aujourd’hui à les maintenir sous sa férule. Or si sa propre formation, La France Insoumise, veut pouvoir briguer la présidence de la très importante commission des Finances, réservée au plus important groupe d’opposition, il a besoin d’une fusion de la simple alliance électorale qu’était la Nupes en groupe unique. Sinon, c’est au RN qu’ira cette présidence, puisque les lepénistes devancent LFI de 14 sièges.

Dès demain, la rentrée parlementaire pourrait en tout cas donner une idée de la température des prochaines séances du Palais-Bourbon, laquelle risque d’être aussi chaude que la météo de ces derniers jours. Tout le monde se demande ce qu’il adviendra ensuite des grands projets de réformes de Macron, à commencer par celle des retraites, qui n’a jamais semblé aussi menacée. Quant à Mme Borne, elle pourrait ne prononcer sa „déclaration de politique générale“, discours traditionnel du chef d’un nouveau gouvernement, que le 5 juillet. Si du moins elle est encore là.

Les résultats officiels

Le camp du président Emmanuel Macron, „Ensemble“ – alliance composée des partis Renaissance, MoDem, Horizons et Agir notamment – a obtenu 245 des 577 sièges à l’Assemblée nationale à l’issue du second tour des élections législatives dimanche, selon les résultats officiels publiés lundi par le ministère de l’Intérieur. L’alliance de gauche, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes), obtient de son côté 131 sièges, devant le Rassemblement national (89 sièges) et Les Républicains (61 sièges).

JJ
21. Juni 2022 - 10.09

Les Français ont immobilisé leur gouvernement en refusant d'aller voter.C'était un simple calcul que les " furieux" allaient voter pour donner un coup de pied au président et ceux qui auraient pu éviter le statut quo sont restés à la maison par frustration. Il en résulte un gouvernement impuissant qui sera bloqué pour chaque décision importante par les nouveaux révolutionnaires. Le Pen et Mélenchon peuvent se féliciter.Le seul but qu'ils ont finalement atteint c'est la pagaille. Il faut donc aller voter,même si on n'est pas d'accord, pour éviter le pire.