Kopf des TagesDavid Cronenberg, la dissection de l’âme et du corps

Kopf des Tages / David Cronenberg, la dissection de l’âme et du corps
 Photo: AFP

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Le réalisateur canadien David Cronenberg

Le Canadien David Cronenberg fouille les corps et les âmes depuis un demi-siècle dans des films cathartiques tournés comme des cauchemars, où s’exprime une violence refoulée faite de sexualité déviante et de technologie dévorante.

Il était lundi à Cannes pour présenter „Les Crimes du futur“, son nouveau film après un hiatus de huit ans. Fidèle du Festival, il remporta en 1996 le prix spécial du jury pour „Crash“, un thriller érotico-métallique qui choqua mais le propulsa comme président du jury en 1999.

Casque poivre et sel, allure flegmatique et extrême courtoisie: derrière ce haut front percé de deux yeux aquatiques se cache une imagination sauvage. „J’ai une vie incroyablement non violente“, se défend-il. „Je n’ai jamais participé à une bagarre dans un bar, encore moins à une guerre, je n’ai jamais frappé personne.“

Roi du gore viscéral, le réalisateur de „La Mouche“ (1986) et de „History of Violence“ (2005) est un cinéaste qui puise dans le psychisme sa source d’inspiration. L’horreur y jaillit du dedans et s’incarne dans des corps qu’il troue, éviscère et métamorphose.

„Il y a une vieille tradition juive d’examiner les forces obscures, sinon ce sont elles qui viennent à vous“, confiait-il dans un livre d’entretiens „Cronenberg on Cronenberg“ (1996).

„Si vous donnez au diable son dû et que vous envisagez les choses les plus terrifiantes, alors elles n’arriveront peut-être pas. C’est ce que je fais avec mes films: confiner l’horreur dans l’écran pour qu’elle n’arrive pas dans ma vie.“

Petit-fils d’émigrés juifs venus de Lituanie, David Cronenberg est né le 15 mars 1943 à Toronto dans le foyer très gai d’un journaliste et d’une pianiste professionnelle. Enfant, passionné par les insectes, il s’imagine romancier.

Mais dans les années 1950, il est attiré par la technique cinématographique et l’underground new-yorkais d’Andy Warhol. „Avant de m’en rendre compte, je me suis retrouvé à écrire des scénarios plutôt que des romans“, expliquait-il en 2016 à l’occasion de la sortie de „Consumés“, son premier roman publié chez Gallimard.

Les débuts du jeune David, fraîchement diplômé de littérature et de sciences, ne sont guère prometteurs: ses premiers films sordides („Stereo“ – 1969, „Crimes of the Future“ – 1970) sont produits par des maisons spécialisées dans le X.

Autodidacte, ce guitariste classique et rock démontre pourtant un talent iconoclaste. „Frissons“ (1975), une épidémie foudroyante de lubricité s’abattant comme un virus sur une ville, apparaît comme le manifeste du „body horror“, un genre dont il devient le maître.

Avec „Rage“ (1977) et l’autobiographique „Chromosome 3“ (1979), il démontre que tout ce qui se vit à l’intérieur se voit à l’extérieur. Le corps devient une matière psychanalytique, tendue par l’incontrôlable inconscient.

Son premier succès commercial, „Scanners“ (1981), est confirmé par sa brillante adaptation du roman de Stephen King, „Dead Zone“ (1983).

Le succès international vient avec l’histoire de la repoussante transformation d’un scientifique en insecte dans „La Mouche“ (1986). Avec „Vidéodrome“ (1982), „eXistenz“ (1999), son cinéma s’engage: dans ces jeux d’illusions, il démontre les dangers de la technologie incontrôlée et des réalités virtuelles. L’image dévore les esprits et les corps.

„L’art est cathartique: c’est particulièrement vrai pour les films d’horreur, car l’horreur est une émotion primitive qui touche à notre terreur existentielle“, explique-t-il.

Pour lui, toutefois, il s’agit moins de choquer que d’affronter notre peur profonde de la chair. C’est le propos d’„History of violence“ et de „Maps to the Stars“ (2014), deux films qui s’éloignent du genre horrifique, mais qui s’adressent toujours au monstre qui est en nous.

David Cronenberg est père de trois enfants dont Brandon, réalisateur comme lui d’œuvres dérangeantes („Possessor“). (AFP)